Les secrets de famille pèsent parfois lourd sur les épaules de ceux qui en héritent. Qui laisse passer la lumière, œuvre conjointe d’Antoine Rocher et Lilas Cognet, se raconte à travers les yeux de Diane, une adolescente en quête de vérité, confrontée aux fantômes du passé.
Diane, douze ans, vit une existence solitaire, sous le sceau d’un monde intérieur foisonnant. Elle vit légèrement en marge de ses pairs, comme en attestent les moqueries de ses camarades de classe. C’est dans ce contexte qu’elle découvre la présence bienveillante d’un esprit, Hadrien, son arrière-grand-père, mort au combat en 1917. Cette rencontre inattendue, qu’elle pense bénéfique, lui offre un réconfort momentané et la perspective d’une amitié au-delà des limites du temps.
L’apparition d’Hadrien ouvre cependant les portes d’un passé familial jusqu’alors occulté. Diane, guidée par cet ancêtre tombé au champ d’honneur, plonge dans une quête de vérité sur les racines de sa famille. C’est une exploration qui l’amène à se confronter aux horreurs de la guerre, contées en noir et blanc, mais aussi à découvrir les secrets et les non-dits. Le récit, dessiné avec finesse et poésie par Lilas Cognet, joue beaucoup sur ces aspects, et sur les vulnérabilités de cette jeune héroïne, exposée à une expérience qui dépasse son entendement.
Alors que Diane s’engage de plus en plus profondément dans les révélations d’Hadrien, sa relation avec sa grand-mère se tend, et elle-même commence à ressentir les effets épuisants de sa quête. La culpabilisation par l’esprit d’Hadrien, qui se révèle avoir ses propres intentions et secrets, ajoute une complexité supplémentaire à son parcours. La jeune fille se retrouve tiraillée entre les avertissements de son camarade de classe Truchet et les exigences, tenaces, de son arrière-grand-père, dans une lutte qui la dépasse et menace de consommer toute son énergie.
Qui laisse passer la lumière est filial, poétique, conçu à hauteur d’enfant. Son propos comporte cependant un certain mystère et semble en partie laissé à la discrétion du lecteur, qui s’appropriera l’œuvre en lui conférant le sens qu’il souhaite. Il reste néanmoins au cœur de cette histoire une protagoniste bien caractérisée, confrontée au harcèlement scolaire, voyant s’instituer une certaine distance entre elle et ses proches, et trouvant dans l’argument fantastique déployé par les auteurs un sens à son existence. Pour le meilleur comme pour le pire.
Qui laisse passer la lumière, Antoine Rocher et Lilas Cognet
Glénat, mars 2024, 104 pages