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« Phobos : L’Envol des éphémères » : une adaptation en demi-teinte

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

La saga PHOBOS a été un grand succès de librairie. Son auteur, Victor Dixen, s’associe aujourd’hui au dessinateur brésilien Eduardo Francisco pour l’adapter en bande dessinée. Le premier tome issu de cette collaboration, intitulé « L’Envol des éphémères », exploite de nombreux thèmes, mais sans jamais y apporter l’ampleur ou l’originalité escomptées.

« Sans famille et sans attache, c’est parce que vous n’avez rien à regretter sur Terre que vous avez tout à espérer sur Mars. » Présenté ainsi, on comprend d’autant mieux pourquoi douze jeunes adultes, six femmes et six hommes, ont accepté de rejoindre la base spatiale New Eden, établie sur Mars, tout en étant les participants d’un show de télé-réalité diffusé aux quatre coins du monde. Dans un monde futuriste où l’espoir semble avoir disparu – comme l’indique très clairement le « No Future » tagué sur les rames du métro parisien –, le fonds Atlas Capital a racheté la NASA au gouvernement surendetté des États-Unis. Un investissement censé assurer le succès de son programme Genesis, qui vise à coloniser Mars. Après une année de formation intensive, les douze élus sélectionnés parmi des millions de candidats ont pu embarquer dans la navette qui va les emmener sur Mars, le tout sous une cohue médiatique à faire pâlir d’envie le Festival de Cannes. Léonor, orpheline de 17 ans et narratrice de la bande dessinée, figure parmi les apprentis astronautes. Tous sont sponsorisés, scrutés par les téléspectateurs du monde entier et appelés à trouver le parfait amour au cours du jeu télévisé imaginé par Atlas Capital.

Sans même se référer aux interviews glissées en fin d’album, « L’Envol des éphémères » est très explicite quant aux thèmes qui y sont mis en exergue : l’exploration spatiale, les écrans et les médias, mais aussi l’opportunisme et le cynisme des hommes. Léonor est désormais entourée de femmes qui constituent à la fois « des coéquipières indispensables et des adversaires redoutables ». Sans le savoir, elle fait également partie intégrante d’un plan machiavélique, issu d’un mystérieux rapport Noé, visant à rentabiliser les investissements d’Atlas Capital en envoyant les douze candidats du show télévisé périr sur une base défaillante. La manière dont ces éléments factuels sont portés à la connaissance du lecteur pose cependant problème : Victor Dixen ne prend pas le temps d’insinuer le doute, il ne suggère rien, il expose les agissements sournois de la productrice exécutive Serena McBee, du directeur technique Gordon Lock et de leurs collaborateurs proches en produisant des dialogues artificiels, qui n’ont d’autre objectif que celui de jeter les jalons de l’intrigue. À cela, il faut ajouter une surenchère assez maladroite. Était-il, par exemple, vraiment nécessaire de voir les « méchants » contrefaire des bouteilles millésimées pour démontrer à quel point ils sont égoïstes, cyniques et matérialistes ? De les faire assassiner froidement et sans autre forme de procès l’un des leurs ? Cela contribue à déshumaniser ces personnages et à enfermer le récit dans un manichéisme inexpiable.

« L’Envol des éphémères » est généreux. Il s’appuie sur une galerie de personnages aux fêlures multiples, ayant tous quelque chose à prouver. Il entend radiographier les médias, la conquête spatiale, l’addiction aux écrans, la société du spectacle, le cynisme des multinationales, leurs complots ou encore la manière dont l’argent dévoie les hommes. Il s’attarde aussi sur les relations amoureuses naissantes. Mais tout cela forme un melting-pot peu affriolant, trop démonstratif, se perdant tantôt dans des longueurs inutiles (lors des séances de speed dating, par exemple) tantôt dans des incohérences fâcheuses (un refus étrangement passé sous silence, un téléphone clandestin dans un endroit truffé de caméras…). Ces faiblesses conceptuelles sont d’autant plus regrettables que les dessins et la colorisation ont certains atouts à faire valoir. Eduardo Francisco accorde un grand soin aux représentations figuratives, à la juxtaposition des points de vue et aux décors, tant extérieurs qu’intérieurs. Mais l’un dans l’autre, ce premier tome de Phobos demeure largement en deçà des attentes.

Aperçu : Phobos : L’Envol des éphémères (Glénat)

Phobos : L’Envol des éphémères, Victor Dixen et Eduardo Francisco
Glénat, juin 2021, 80 pages

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