Marion Achard et Miguel Francisco publient aux éditions Delcourt Le Zizi de l’ange – Chroniques d’un spectacle vivant. L’album se penche sur la création d’une représentation de cirque, mais aussi les multiples considérations humaines et familiales qu’elle implique.
Farid est jongleur et plutôt lucide : « Techniquement, on n’est pas prêts du tout ! Artistiquement non plus. Et humainement, c’est la cata ! » Même si les problèmes se superposent, on peut toujours les résumer en une formule laconique. La scénariste Marion Achard et le dessinateur Miguel Francisco nous plongent ainsi dans le patient et erratique processus d’élaboration d’un spectacle de cirque. Ce qui en ressort est à la fois tendre, comique (pour le lecteur) et désagréable (pour les protagonistes) : difficultés d’accorder ses violons, planning surchargé, mésententes, problèmes divers de santé, retards incessants, nécessité d’en appeler à un regard extérieur, lassitude…
Le monde du spectacle est aussi régi par des considérations logistiques, administratives et comptables : trouver des coproducteurs, gérer les aléas du statut d’intermittent du spectacle, se produire malgré l’absence notable de matériel (ici en Inde et devant des orphelins), etc. Le Zizi de l’ange – Chroniques d’un spectacle vivant parvient très bien à énoncer deux vérités souvent masquées par l’apparat circassien : les enjeux familiaux sous-jacents (par exemple, des enfants reprochant sans cesse à leurs parents leurs choix de carrière) et le caractère chronophage et éreintant des préparations et répétitions. Si tout apparaît réglé comme du papier à musique une fois le show lancé, c’est parce qu’en amont, une énergie et un effort d’imagination considérables ont été déployés.
C’est avec beaucoup de tendresse et d’à-propos que Marion Achard et Miguel Francisco racontent les dessous de la création circassienne. La dynamique d’un groupe, les nombreux essais infructueux, les remises en question continuelles, les préparations sur la corde raide viennent s’intercaler dans les interstices d’une vie par ailleurs bien chargée. Avec un usage sophistiqué des planches, le dessinateur espagnol se met au diapason d’un propos souvent amusé, faisant des protagonistes les victimes consentantes de leur passion. L’album rappelle aussi la poésie qui se dégage de tout essai artistique : c’est une part de soi qu’on abandonne, dans une structure qui doit à la fois faire sens et effet. Ces Chroniques d’un spectacle vivant en sont le révélateur. Ce n’est sans doute pas révolutionnaire, mais ça ne manque pas, là non plus, de poésie.
Le Zizi de l’ange – Chroniques d’un spectacle vivant, Marion Achard et Miguel Francisco
Delcourt, septembre 2021, 144 pages