Absolument-Normal-Tous-seuls-critique-bd

« Absolument normal » de retour chez Dupuis

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Après un premier tome prometteur mettant l’accent sur l’intolérance, Toussaint, Martusciello et Pizzetti remettent le couvert à l’occasion d’une suite intitulée « Tous seuls ».

Cosmo, le héros de la série Absolument normal, s’est échappé d’un centre Nouvel Horizon, où les enfants normaux sont expédiés afin de révéler leur pouvoir surnaturel putatif. Car dans l’univers portraituré par Toussaint, Martusciello et Pizzetti, la normalité est perçue comme une tare inadmissible. L’adolescent se trouve désormais pourchassé par le gouvernement, qui n’hésite pas à recourir à la propagande pour défendre ses vues et ce, dans l’indifférence générale. Mérida, arbitrairement renvoyée de l’école, assène ainsi à ses parents : « Vous devriez être révoltés ! Vous battre contre le système ! » Ce qui motive ses griefs ? « Ils changent les lois comme bon leur semble, ils nous privent de liberté, ils blessent et torturent des enfants… »

Toujours aussi inventifs quant aux personnages qu’ils mettent en scène, Toussaint, Martusciello et Pizzetti nous gratifient d’un chronopheur pouvant arrêter le temps, d’insectes anthropomorphiques ou d’ogres à l’appétit insatiable. Si le premier tome d’Absolument normal reposait en grande partie sur la manière dont la normalité y est perçue comme une déviance, celui-ci caractérise plus avant un pouvoir oppressif et manipulateur. Les médias y sont aux ordres d’un gouvernement qui, à l’instar de l’Administration Trump, n’hésite pas à recourir aux mensonges et à l’enfermement des enfants (l’exemple des familles de migrants séparées est certainement encore dans tous les esprits). Dans « Tous seuls », on mathématise la persuasion, on organise la résistance depuis les réseaux sociaux, on escamote ou oriente l’information…

« Aucun enfant ne devrait être enfermé. Ce sont les adultes les responsables. » Dans Absolument normal, chaque enfant doit répondre d’un système de caste qui ne dit pas son nom, mis en place par les adultes. Si Cosmo apparaît si déconsidéré, ce n’est pas en vertu qu’une humanité lacunaire, ni d’une erreur quelconque, c’est seulement parce que la société est régie par des individus ayant érigé les pouvoirs surnaturels en normes et la normalité en handicap. En adoptant le point de vue d’un enfant marginalisé et désormais traqué, le scénariste Kid Toussaint construit patiemment son ode à la tolérance, qu’il double d’un discours anti-dictatorial accessible à tous – et surtout au jeune public, qui peut aisément s’identifier au héros.

La narration de « Tous seuls » opère en deux temps. Le lecteur suit en parallèle la fuite de Cosmo et la résistance qui prend forme parmi ses camarades adolescents. D’un côté, le volet politique et les forces qui cherchent à s’y opposer ; de l’autre, l’immersion concrète dans l’oppression vécue par un enfant ostracisé. L’album laisse aussi entrevoir une future étape de son récit en évoquant Tulugary, une cité secrète pour les gens sans pouvoir. Cosmo trouvera-t-il dès lors la quiétude en se retranchant parmi ses semblables ?

Absolument normal – T.02 : Tous seuls, Toussaint, Martusciello et Pizzetti
Dupuis, août 2021, 48 pages

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