L’éditorialiste à Alternatives économiques Guillaume Duval place son dernier ouvrage sous le signe de l’espoir : l’Europe, confrontée à des crises de dimension et teneur variables, pourrait mettre à profit les épreuves qu’elle traverse pour en sortir grandie et consolidée.
Trump nous déclare une guerre commerciale et se montre isolationniste, tandis que les GAFAM envahissent notre quotidien et aspirent nos données personnelles. La Russie envahit l’est de l’Ukraine et profite de notre dépendance à ses ressources naturelles pour nous intimider. Le Brexit diminue notre poids démographique et économique tout en mettant à mal la coopération militaire des (bientôt) vingt-sept. Salvini, Orban et Kaczynski bombent le torse et virent, sans le moindre complexe, à droite toute. Toutes ces crises pourraient servir d’incubateur à une nouvelle Europe, plus sociale, intégrée et démocratique. C’est en tout cas le postulat – et le vœu – de Guillaume Duval.
Puisque l’Amérique de Donald Trump tourne le dos aux institutions internationales et considérant qu’Edward Snowden a révélé l’ampleur d’un scandale numérique sans précédent, l’Europe pourrait donner un coup d’accélérateur à ses ambitions de défense commune, voire au renforcement de l’arsenal législatif encadrant les nouvelles technologies. Le RGPD récemment adopté n’est peut-être qu’une première étape en la matière. Vladimir Poutine faisant de la Russie un ennemi à l’ancienne, provocateur et belliqueux, cela pourrait aboutir à une diversification des sources d’approvisionnement en gaz et en pétrole – mais pas que. Le Brexit, si tant est qu’il se concrétise, priverait certes l’Union d’atouts précieux, mais la libérerait surtout d’une situation de blocage éternel et du monoïdéisme du marché unique. Quant aux Salvini, Orban et autres dirigeants d’extrême droite ou illibéraux, ils nous obligent à repenser les politiques migratoires, austéritaires et libérales, souvent génératrices d’injustices, d’incompréhensions, voire de détresse.
Tous les chapitres composant ce court essai bénéficient d’une mise en perspective intéressante. Avec les PECO, on remonte aux mises en coupe réglée (notamment à l’époque soviétique) pour expliquer le refus d’une Europe prépotente. Avec l’Allemagne, on se questionne sur l’ordolibéralisme né avant la Seconde guerre mondiale sous l’égide de Walter Eucken, sur l’importance de la morale chrétienne, ainsi que sur la notion de mérite et de faute. Et Guillaume Duval de rappeler : « En allemand, le mot « Schuld » signifie à la fois « dette » et « faute » ! » La description de la Russie poutinienne passe, sommairement, par Staline et Khrouchtchev, les répressions sanglantes en Hongrie ou en Tchécoslovaquie, ainsi que la crise des euromissiles. Évoquant le Royaume-Uni, l’auteur rappelle à quel point son entrée dans l’Union fut difficile, notamment en raison de l’opposition de Charles de Gaulle, mais aussi de dissensions internes et de craintes syndicales quant à la pérennité de l’État social beveridgien.
Concis et limpide, Une chance pour l’Europe est mû par un optimisme salutaire. Les plus au fait des questions européennes en apprendront en revanche peu sur l’état actuel de l’Union, ses faiblesses et les vœux de ceux qui voudraient la voir évoluer dans un sens plus social et « hétérodoxe ». Un bémol qui ne rend pas, néanmoins, cette lecture moins agréable.
Trump, Poutine, Orban, Salvini, le Brexit… Une chance pour l’Europe !, Guillaume Duval.
Les Petits Matins, avril 2019, 143 pages.