Les livres Le Printemps par les grands maîtres de l’estampe japonaise par Jocelyn Bouquillard et Roses, pivoines et iris par les grands maîtres de l’estampe japonaise par Anne Sefrioui, édités chez Hazan, viennent compléter utilement une collection qui, publication après publication, ne cesse de révéler la splendeur de l’art japonais des estampes. Cette fois, les thèmes centraux sont donc le printemps et les fleurs, bien en vue de le kacho-ga et célébrés notamment à travers le hanami ou l’art floral de l’ikebana.
L’importance des fleurs dans la culture japonaise remonte à des temps anciens. La célébration du hanami (contemplation des fleurs de cerisier) symbolise à ce titre la méditation et la communion avec la nature. L’aspect spirituel des fleurs s’enracine dans le shintoïsme, mais également dans le bouddhisme. Les moines bouddhistes ont popularisé l’offrande florale au VIIIe siècle en les plaçant sur des autels, créant ainsi l’art de l’ikebana. D’abord réservé aux religieux et à la noblesse, ce dernier s’est démocratisé, donnant naissance à de nombreuses écoles et styles. L’estampe japonaise ne fait finalement que traduire la valeur accordée aux fleurs à travers la geste artistique : l’iris, la pivoine, le camélia ou encore la rose s’épanouissent dans ces œuvres, illustrant la richesse de la tradition florale nippone.
Les estampes des grands maîtres japonais témoignent d’une habileté poétique et délicate dans l’art du kacho-ga. Des artistes comme Tanigami Konan, Shodo Kawarazaki, Utagawa Hiroshige et Ohara Shoson ont immortalisé les fleurs (dont celles du printemps) dans des teintes variées, en les associant souvent aux oiseaux ou aux femmes. La rose, perçue comme protectrice contre les mauvais esprits, le camélia, aux multiples variétés, et d’autres motifs floraux ont été capturés dans toute leur diversité par des artistes cherchant à montrer la beauté éphémère et la simplicité des fleurs dans leurs compositions harmonieuses.
Suzuki Harunobu et Kitagawa Utamaro mettent volontiers en valeur la féminité en peignant des femmes dans leurs habits printaniers. Les estampes érotiques, ou shunga (littéralement « images de printemps »), étaient largement diffusées au XVIIIe siècle. Hokusai et Hiroshige ont aussi développé le genre du fukei-ga, représentant des paysages où la nature semble éclore et sortir de sa torpeur hivernale. Dans Le Printemps par les grands maîtres de l’estampe japonaise, on célèbre l’éclat éphémère de cette saison notamment caractérisée par les cerisiers en fleurs – motif par ailleurs déjà présenté dans la même collection.
L’esthétique japonaise du mono no aware, qui porte sur l’impermanence des choses, trouve peut-être sa plus belle expression dans la célébration du printemps. Anne Sefrioui nous rappelle que les œuvres des maîtres de l’estampe japonaise incarnent capturent la nature éphémère et changeante des saisons. Shigenobu, l’élève de Hiroshige, Suzuki Harunobu, Utagawa Kunisada ou encore Mizuno Toshikata travaillent à partir des rivières paisibles, des collines verdoyantes, des arbres en fleurs, des couleurs et des feuilles nouvelles, qui symbolisent la fragilité de l’existence et la nécessité d’apprécier chaque instant. On en retrouve les exemples concrets dans une très belle sélection sous forme de livre-accordéon.
Les deux coffrets, de Jocelyn Bouquillard et Anne Sefrioui, ont le mérite de révéler la richesse de la tradition dans les estampes japonaises, à travers les motifs du printemps et des fleurs. Ils nous emmènent dans un voyage esthétique, où l’éphémère et le spirituel se rencontrent avec style et poésie. Le tout est, comme toujours, très bien contextualisé grâce à des livrets explicatifs dédiés.
Le Printemps par les grands maîtres de l’estampe japonaise, Jocelyn Bouquillard
Hazan, avril 2024, 236 pages
Roses, pivoines et iris par les grands maîtres de l’estampe japonaise, Anne Sefrioui
Hazan, avril 2024, 274 pages