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« Les Olympiades truquées » : génie génétique, bêtise humaine

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Les éditions Au Diable Vauvert ajoutent à leur catalogue le roman de Joëlle Wintrebert Les Olympiades truquées, dont la première parution date de 1980. L’œuvre dépeint une société futuriste marquée par la déshumanisation et le contrôle technologique.

Le récit des Olympiades truquées suit une progression chorale qui met en lumière les luttes personnelles, mais aussi collectives, contre un système oppressif. Joëlle Wintrebert façonne un monde où la technologie, omniprésente, s’apparente toujours plus à un outil de contrôle. Les hystérines, substances dopantes utilisées pour améliorer les performances des athlètes, symbolisent parfaitement cette déshumanisation. Les individus, au premier rang desquels les athlètes, deviennent des pions manipulés pour des intérêts politiques et/ou économiques. 

C’est dans ce contexte que le Graal, une organisation dissidente, poursuit une lutte obstinée pour révéler la vérité sur le dopage sportif et dénoncer la corruption des Jeux Olympiques. Les personnages apparaissent souvent en quête identitaire, enserrés dans un environnement qui cherche à les définir et à les manipuler. Maël, par exemple, lutte pour se détacher des influences qui s’exercent sur elle et se solidarise des combats menés par ce groupuscule. Protagoniste complexe, elle est caractérisée par sa quête d’indépendance et de justice, mue par le désir de fuir un monde oppressant. Son évolution culmine avec une prise de conscience croissante des réalités sombres qui l’entourent.

Son père, Bior Malard, est un scientifique marqué par la culpabilité et les remords. Son rôle dans la révélation des effets des hystérines et son soutien à Maël montrent une tentative de rédemption. D’autres personnages tels que Khandjar, leader du Graal, ou Sphyrène, athlète victime des hystérines, permettent de creuser plus avant la communauté des Olympiades truquées, technologiquement avancée mais humainement dégradée. Dans le roman, le clonage, les mutations génétiques, les complots, le viol constituent une toile de fond peu engageante, qui ne cesse d’épaissir la dimension dystopique de l’histoire. 

Le récit évolue d’un état de tension latente à une série d’actions décisives, notamment orchestrées par le Graal. La progression narrative passe ainsi par des opérations clandestines visant à exposer la vérité sur les hystérines et les manipulations des Jeux Olympiques. La conclusion laisse cependant un goût amer, soulignant l’éternelle lutte contre un système résilient. Le moratoire décrété pour corriger les modalités des Jeux semble ainsi dérisoire face à l’ampleur des manipulations révélées. La vie de Maël, malgré ses actions héroïques, retourne à une monotonie désespérante, encadrée par des structures de pouvoir apparemment immuables – et proches du techno-fascisme. 

Les Olympiades truquées offre une réflexion glaçante sur la déshumanisation par la technologie et les limites de la résistance face à un système résolument oppressif. Les personnages, bien développés, incarnent tous des aspects différents de cette lutte complexe. Cependant, l’institution des Jeux, comparée à l’hydre de Lerne, renvoie le combat de Maël et de ses proches à une forme de vanité. En cela, Joëlle Wintrebert laisse bien peu de place à l’optimisme. 

Les Olympiades truquées, Joëlle Wintrebert
Au Diable Vauvert, mai 2024, 352 pages

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