Les éditions Hachette publient Jane Austen : L’encyclopédie visuelle, de Claire Saim et Gwen Giret. Richement illustré, ce beau-livre retrace la vie, l’œuvre et l’héritage de la plus célèbre des écrivaines britanniques.
Cette encyclopédie visuelle s’adresse tant aux inconditionnels de Jane Austen qu’à tous ceux qui désireraient s’ouvrir à son œuvre. Passionnées, Claire Saim et Gwen Giret proposent une exploration documentée de l’écrivaine britannique, disséquant au passage ce qui a constitué l’étoffe de sa littérature.
Portraiturer son temps
Figure emblématique du roman britannique du XIXe siècle, elle a excellé dans l’art de la critique sociale à travers des récits où l’amour, la moralité et l’indépendance féminine constituaient son assise narrative. Dès ses premiers écrits, Jane Austen a manié l’ironie avec la volonté d’exposer les failles de la bourgeoisie rurale anglaise. Dans Orgueil et Préjugés – qui se serait vendu à quelque 20 millions d’exemplaires dans le monde depuis sa première publication en 1813 –, la sagacité de son esprit transparaît à travers Elizabeth Bennet.
Le mariage, pivot central de l’existence féminine selon les conventions de son temps, est souvent, chez Austen, le théâtre d’une bataille entre la raison et l’affection. Si Raison et Sentiments met en scène ce duel interne, Emma le traite avec une légèreté moqueuse, suggérant que la maturité émotionnelle et intellectuelle précède l’union conjugale harmonieuse.
Claire Saim et Gwen Giret reviennent longuement sur les personnages austéniens. Les héroïnes par exemple, bien que contraintes par leur époque, révèlent une aspiration profonde à l’autonomie. Mansfield Park, avec Fanny Price, ou encore Persuasion, par le personnage d’Anne Elliot, illustrent ce désir d’indépendance, cette quête d’un espace où la femme pourrait s’affirmer au-delà des carcans sociaux. De leur côté, les figures antagonistes ne sont jamais unidimensionnelles. Ainsi, le personnage de Willoughby dans Raison et Sentiments oscille entre le charme et l’inconstance, reflétant la complexité des choix moraux et des influences sociales.
Jane Austen est décrite dans ce beau-livre comme une observatrice avisée de son temps. Si sa correspondance avec Cassandra laisse entrevoir une jeune femme gaie et spontanée, elle n’en demeure pas moins d’une acuité extraordinaire. C’est peut-être cela qui lui permet de radiographier si finement les réalités économiques de son temps. L’insécurité financière est un spectre qui hante ses personnages, de la famille Dashwood dans Raison et Sentiments aux héritières de Orgueil et Préjugés, soumises aux lois de l’héritage défavorables aux femmes. Ces descriptions révèlent les incohérences et les absurdités de l’époque.
Héritage
Jane Austen laisse en tout cas derrière elle un héritage particulièrement fécond. Maintes fois adaptée – les auteures en font abondamment état –, elle a également été mise en scène, par exemple dans l’œuvre de Stephanie Barron (ses Jane Austen Mysteries) ou chez Fabrice Colin ou Julia Golding. La réception critique de ses romans, mais aussi la considération (souvent tardive) de ses pairs, de Vladimir Nabokov à Virginia Woolf, sont également exprimés dans cet ouvrage.
Disparue à 41 ans, Jane Austen était, comme le rappellent les auteures, une femme indépendante qui gagnait son propre argent à une époque où cela constituait une anomalie. Des promenades thématiques lui étant consacrées à Londres aux goodies la représentant en passant par l’évocation minutieuse d’une vie et d’une bibliographie effeuillée avec passion, Jane Austen : L’encyclopédie visuelle a le mérite de se pencher longuement, et avec érudition, sur l’une des plumes les plus affûtées – et satiriques – de l’histoire du roman britannique.
Jane Austen : L’encyclopédie visuelle, Claire Saim et Gwen Giret
Hachette, octobre 2023, 312 pages