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« Introduction à Howard S. Becker » : un sociologue atypique

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Dans son Introduction à Howard S. Becker, publiée dans l’excellente collection « Repères » des éditions La Découverte, le professeur de sociologie Philippe Masson met l’accent sur le caractère non conventionnel de cet intellectuel formé à l’Université de Chicago et devenu spécialiste des déviances.

Ce n’est pas une injure que d’affirmer qu’Howard Becker n’est pas le sociologue américain le plus commenté de France. Mais c’est précisément, à notre sens, ce relatif anonymat qui justifie que les éditions La Découverte proposent un éveil à ses travaux et sa méthodologie à travers la collection « Repères ».

Philippe Masson s’y emploie avec didactisme, en rappelant notamment les limites de la prétendue « École de Chicago », mais aussi ce qui distingue Becker de la plupart de ses pairs : l’absence de cathédrale méthodologique ou théorique, des ouvrages hétéroclites, l’appropriation des romans ou de la photographique (pour ne citer que ces exemples) à des fins sociologiques, un discours limpide ayant si besoin recours à des cas imaginaires, l’affirmation selon laquelle la théorie est insuffisante pour restituer toute la complexité du monde, l’usage du « comment » en lieu et place du « pourquoi », une sociologie empirique et pragmatique qui fait volontiers son deuil de la méthodologie classique, la primauté accordée à la rédaction sur la littérature scientifique…

Howard Becker est notamment connu pour ses ouvrages Outsiders ou Boys in White, caractérisés par une observation participante. Outsiders est passé à la postérité pour son étude de la déviance. Pour Becker, la déviance est le produit d’interactions et naît de normes socialement partagées et entretenues. Elle n’est l’apanage d’aucun groupe social ni d’aucune catégorie d’actes. Dans Les Mondes de l’Art, le sociologue américain décrit la production de toute œuvre d’art comme une entreprise collective s’appuyant sur un réseau de coopération. Il s’interroge aussi sur les lignes de démarcation de l’art et sur les problèmes de définition inhérents à ce statut particulier. Philippe Masson revient amplement sur ces ouvrages, tout comme il présente l’interactionnisme symbolique, ce que Becker a pu tirer du monde du jazz (savoir partagé, répertoires spécifiques, tensions entre stabilité et changement…) ou encore le rôle des comparaisons, les cas marginaux et les problèmes d’échantillonnage.

Nos actes sont le fruit d’ajustements situationnels et d’engagement (impliquant des « paris adjacents »). Les carrières des institutrices de Chicago, analysées par Becker, permettent d’objectiver cette théorie, mais aussi d’aborder la problématique des milieux sociaux (des élèves) porteurs de difficultés spécifiques (notamment vis-à-vis des parents). Dans son opuscule, Philippe Masson met ainsi en lumière les nombreux travaux d’Howard Becker et questionne sa place dans les courants de la sociologie. Une heureuse tentative d’initiation.

Introduction à Howard S. Becker, Philippe Masson
La Découverte, août 2021, 128 pages

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