C’est à travers une série d’articles du New Yorker, regroupés dans deux opuscules, que Carlotta Films nous invite à découvrir John Huston et François Truffaut. Le lecteur y décèlera l’évolution des deux cinéastes à travers le temps, une part de leur vie intime et professionnelle, ainsi que des anecdotes à l’intérêt variable.
François Truffaut évoque d’emblée l’enfance et la manière dont elle est représentée au cinéma. Peu de films trouvent grâce à ses yeux, essentiellement parce qu’il a le sentiment que les réalisateurs se compromettent généralement en trahissant les enfants qu’ils mettent en scène. La journaliste Lillian Ross revient ensuite, à travers ses articles et entretiens, sur les modes de production de la Nouvelle Vague : Les 400 coups a été financé par le beau-père de Truffaut, une bande d’amis et quelques aides publiques, à parts quasiment égales. L’équipe se limitait à une douzaine de personnes dont la plupart étaient congédiées lors du tournage pour que les comédiens apparaissent plus naturels et décontractés. La fascination de François Truffaut pour Alfred Hitchcock a également voix au chapitre : au-delà des commentaires sur leurs fameuses conversations, l’ancien critique des Cahiers du cinéma avouera regarder au moins deux films du maître chaque semaine et revoir Sueurs froides environ tous les deux mois. Une admiration qui s’étend, certes de manière plus modeste, à Cocteau ou Becker, dont les disparitions respectives affectèrent grandement Truffaut. À Lillian Ross, dès le premier entretien, le cinéaste français déclare avoir visionné plus de 3000 films. Le chiffre ne cessera d’augmenter à chaque rencontre, de plusieurs centaines. Vis-à-vis de ses propres films, François Truffaut se montre critique. Lui qui ne vit que pour le septième art énonce une vérité touchant nombre de créateurs : si ses œuvres étaient le fait d’une autre personne, il les apprécierait d’autant plus. Sont aussi évoqués les filles de François Truffaut, la France supposément dépolitisée de Charles de Gaulle, le « charme colonial » de Hollywood, l’apprentissage de l’anglais, les audiences du Watergate – qui fascinaient le héraut de la Nouvelle Vague –, mais aussi… ses chaussures – inconfortables parce que Truffaut abhorrait le shopping et avait l’habitude d’acheter la première paire qu’il voyait.
John Huston a tout fait : boxeur, acteur, scénariste, écrivain, officier dans la cavalerie mexicaine, rédacteur en chef, cinéaste… Quand il tourna La Bible dans une Italie faisant désormais office de second foyer, il s’intégra dans « Dinocitta », un système de production articulé autour de Dino De Laurentiis, présenté par Lillian Ross comme un producteur à la vision artistique affirmée, habitué de prendre les décisions seul et de manière entière, doté en sus d’une appréhension rare des impératifs de réalisation. Un long article est consacré au tournage de l’Ancien Testament. Le porter au cinéma tient naturellement de l’entreprise titanesque. Son contenu dramatique a pourtant directement plu à Dino De Laurentiis, qui envisagea d’abord une succession de films avec des réalisateurs tels que Bresson ou Welles, avant de n’engager finalement que John Huston. La curiosité de la presse et du public envers ce film semble n’avoir d’égale que la jalousie des studios concurrents envers « Dinocitta » – qui profita à plein de la faiblesse des coûts de production en Italie. Plus loin, le cinéaste américain sera présenté comme un personnage de cinéma, à la fois virevoltant et profondément humain. On rapporte à son propos plusieurs anecdotes. On évoque sa vie au Mexique, sa réputation de travailleur acharné, son penchant pour la nourriture sicilienne. Avant que sa fille Anjelica, dans le dernier article de l’opuscule, ne prenne elle aussi un peu de lumière à l’occasion de ses premières expériences au cinéma. En définitive, les deux ouvrages se lisent d’une traite, mais paraissent malheureusement limités par leur configuration : une succession d’articles qui, si elle a le mérite de témoigner de l’évolution des deux cinéastes, ne cherche jamais à mettre en exergue le substrat de leur cinéma. C’est certes sympathique, mais relativement superficiel.
CARACTÉRISTIQUES DÉTAILLÉES : François Truffaut
Auteur : Lillian Ross
Editeur : Carlotta Films
Date de parution : 24/04/2019
EAN : 979-1093798059
ISBN : 109379805X
CARACTÉRISTIQUES DÉTAILLÉES : John Huston
Auteur : Lillian Ross
Editeur : Carlotta Films
Date de parution : 24/04/2019
EAN : 979-1093798066
ISBN : 1093798068