La Montagne par les grands maîtres de l’estampe japonaise, introduit par Anne Sefrioui et publié aux éditions Hazan, se penche sur la montagne telle qu’elle est représentée dans l’art de l’estampe japonaise. Sous la forme d’un ouvrage-accordéon de 118 pages accompagné d’un livret explicatif de 48 pages, ce coffret explore l’importance culturelle, spirituelle et esthétique de ces paysages dans l’imaginaire japonais.
Les montagnes, omniprésentes dans la topographie du Japon (elles couvrent près de trois quarts du territoire), sont vues comme des entités vivantes, habitées par des kami (esprits) bienveillants ou redoutables. Leur représentation dans les estampes reflète rien de moins que leur importance dans la vie quotidienne et spirituelle des Japonais.
Le Mont Fuji, en particulier, occupe une place centrale dans l’imaginaire nippon. Culminant à 3 776 mètres, il est à la fois un symbole national et une source d’inspiration artistique et poétique depuis des siècles. Dès le début du XIXe siècle, avec l’émergence des estampes de paysages à l’époque d’Edo, il devient un motif récurrent. Les œuvres majeures de Hokusai (Trente-six vues du mont Fuji, 1830) et de Hiroshige reprennent volontiers ce thème, en multipliant les perspectives et les ambiances.
Voyage et introspection
Dans la culture japonaise, le déplacement à travers les montagnes symbolise un voyage intérieur, une métaphore du cheminement humain. Les estampes illustrent non seulement des paysages spectaculaires – pics rocheux, vallées profondes, torrents et lacs – mais aussi des éléments de la vie quotidienne comme les voyages des seigneurs féodaux ou les pèlerinages. Les sources d’eau chaude, caractéristiques du paysage volcanique japonais, sont également présentes. Par exemple, les sources chaudes d’Aryu sont magnifiquement illustrées dans les œuvres de Kawase Hasui.
Le livre met en lumière des chefs-d’œuvre de plusieurs maîtres de l’estampe. Hokusai apparaît notamment avec la célèbre Chute d’eau de Kirifuri, Hiroshige a donné corps au Col de Shiojiri avec une vue plongeante sur un lac et une montagne, ainsi que le lac Suwa, entouré de montagnes avec le Mont Fuji en arrière-plan. Ohara Koson et Jokata Kaiseki offrent de leur côté des perspectives complémentaires. La faune, et notamment les oiseaux, figurent en bonne place dans ces estampes, dont la variété traduit avant tout le caractère pluriel des montagnes et de ce qu’elles évoquent dans l’inconscient nippon.
L’ouvrage souligne aussi la variété des saisons et des atmosphères, avec des montagnes tantôt enneigées, tantôt verdoyantes, témoignant de la richesse esthétique et symbolique de ces paysages.
La Montagne par les grands maîtres de l’estampe japonaise constitue une ode picturale à la nature, offrant une vision poétique et profonde des montagnes japonaises à travers le prisme de l’estampe. On y redécouvre quelques-unes des œuvres les plus célèbres de cette discipline, et une vision du Japon si pas idyllique, fortement engageante.
La Montagne par les grands maîtres de l’estampe japonaise, Anne Sefrioui
Hazan, novembre 2024, 118 pages (ouvrage–accordéon) et 48 pages (livret explicatif)