Entretien avec Sophie Garric
Sophie Garric est co-réalisatrice et co-créatrice de la web série humoristique Le Meufisme. Avec une première saison de six épisodes et une seconde prévue pour janvier prochain, les parisiennes Sophie Garric et Camille Ghanassia nous racontent avec humour la vie de JF, jeune trentenaire de la capitale.
Le Meufisme, c’est « un programme social fait par, pour et avec d’la meuf, pour qu’enfin la nana lambda fasse entendre sa voix ». Une formule qui marche, puisque la série a récemment remporté le prix du jury de la meilleure web série humoristique au Web Program Festival de la Rochelle. Des soirées cupcakes entre copines aux problèmes féminins du quotidien, Le Meufisme aborde les sujets propres aux femmes d’aujourd’hui, sans prétention et avec beaucoup de troisième degré. Sophie nous livre dans cet entretien son parcours, sa définition du Meufisme ainsi que des détails sur la prochaine saison, en préparation.
- Raconte moi ton parcours avant Le Meufisme
Je suis venue à Paris il y a un peu plus de dix ans pour faire des études de théâtre. Suite à mon diplôme du cours Florent, je me suis retrouvée dans la nature, c’était un peu compliqué de trouver comment passer des castings, ce genre de choses… Une directrice de casting m’avait repéré, et m’avait demandé une bande démo. Comme je n’en avais pas, j’ai fait un court-métrage ce qui m’avait donné goût à l’époque à la réalisation. Ensuite, comme j’en avais marre d’être serveuse je suis passée standardiste dans une boîte de production. J’ai réussi à devenir graphiste pour la boîte, ce qui m’a permis de gagner ma vie pendant sept ans. J’ai réalisé avec Camille Ghanassia, avec qui j’écris Le Meufisme, trois courts-métrages. On a fait en tout cinq films ensemble. J’ai décidé de quitter mon boulot à la télé il y a un an tout pile parce-que je voulais me consacrer entièrement à la fiction.
Pour se marrer, on a eu l’idée de faire une vidéo pour le web, mais ce n’était pas du tout prévu qu’on fasse une série ou quoi que ce soit. En fait, on s’est tellement marré à faire le premier épisode qu’on en a fait un deuxième, puis un troisième et six en tout pour la première saison. On a eu beaucoup de chance, on a été repéré tout de suite, on a eu un prix à La Rochelle tout de suite.
- La saison 2 est donc en cours de préparation. Où en êtes-vous exactement ?
Le tournage de la saison 2 commence aujourd’hui !. On vient de rejoindre la web factory des jeunes talents de Canal + (Canal Factory). Le Meufisme va continuer à être diffusé sur le web, ce sera tous les quinze jours à partir du 17 ou 18 janvier, sur la chaîne Canal +. Il y aura 12 épisodes. Ils sont tous déjà écrits, avec six qu’on tourne là maintenant et six autres qu’on tournera fin janvier. On va aussi beaucoup plus se lancer sur les réseaux sociaux, l’an dernier on s’est complètement laissé porter, et du coup cette année on va apprendre à beaucoup plus exister sur les réseaux sociaux. C’est hyper important.
- Vous refusez l’étiquette féministe. Pourtant, le Meufisme traite clairement des problèmes propres aux femmes, notamment des situations d’inégalités hommes/femmes dans la vie quotidienne.
C’est très compliqué. Les épisodes sont clairement « pro meufs », c’est pour ça qu’on créé notre mouvement le Meufisme. Je pense qu’il y a beaucoup de nanas qui se reconnaissent dans ce programme. On est parti du constat qu’il y en avait marre d’être des meufs, on a toutes les deux été sujettes au sexisme comme toutes les meufs, sauf qu’on ne se reconnaissait pas dans une certaine vision du féminisme. Je ne lisais pas ce qui se faisait dans le féminisme avant, j’avais beaucoup de clichés en tête. J’ai envie d’avoir l’égalité avec les hommes, mais d’être fun et de rire de moi-même.
Avec le premier épisode, on s’est pris des grosses claques de la part de féministes (le FMI d’la Meuf). Elles nous disaient qu’on mettait en scène l’image d’une meuf superficielle qui ne pense qu’à son shopping. Déjà, c’était le but de l’épisode, de montrer ce que ça coûte que d’être une femme selon les codes de la société. Je me suis ensuite abonnée à plein de blogs, j’ai commencé à lire tous les sites féministes et à avoir des débats passionnants avec des féministes modérées. Après il y a eu les mecs de Jeuxvidéos.com qui m’ont pourri tout l’été (mails d’insulte) parce-que pour eux on est des féministes finies. Du coup on s’est demandé si on allait changer le pitch de notre série pour assumer pleinement le caractère féministe de notre série, mais c’est très réducteur. On ne veut pas politiser, on veut avant tout faire rire en parlant de nous, de la « meuf lambda ».
- La série est majoritairement regardée par des femmes. Qu’en est-il du public masculin ?
On a un vrai public masculin, souvent amené à regarder par leur entourage féminin. On aimerait viser du 50/50 : si on arrive à tenir le pari d’être drôle je pense que ça peut plaire aux mecs comme aux filles, surtout qu’on est vraiment pas anti-mecs, on pointe juste des constats. Pour le dernier épisode, Meuf By Night, on a eu des réactions très positives comme très négatives. On ne dit pas que tous les hommes sont des salauds, mais c’est ce qui se passe réellement quand tu rentres seule le soir, t’as peur et t’as dix mecs qui vont t’aborder. Tout ce qui se passe dans cet épisode m’est vraiment arrivé.
- La web série, un format qui permet d’être plus créatif ?
Oui ! Ce qui est bien, c’est qu’il y a une certaine efficacité du web. Si tu postes un truc, ça passe ou ça casse. Les internautes n’y vont vraiment pas avec le dos de la cuillère. Tu sais à peu près si ce que tu fais est potable ou pas. Si tu as plus de retours positifs, ce qui a été notre cas, tu te sens porté par des gens curieux qui veulent que tu leur en donnes encore plus. Il y a beaucoup de scripts papiers qui auraient été refusés par un producteur lambda. On ne s’interdit rien pour l’instant. Pour la génération de nos petits frères et sœurs, la télé c’est un truc qu’ils ne regardent qu’en replay sur leur tablette, ils n’ont pas de rendez-vous TV, à part le sport peut-être. Le web va prendre de plus en plus de place dans nos vies, on va avoir de plus de plus de moyens. Notre ambition c’est d’être totalement interactives.
Sur internet, on va pouvoir aller dix fois plus loin dans la fiction et je suis sûre que dans dix ans, le terrain de jeu sera beaucoup plus grand qu’aujourd’hui. Internet permet une interaction directe avec les internautes, il y a une espèce d’immédiateté qui est géniale mais très chronophage.
- D’autres web séries en tête ?
Je suis super fan des Suricate, de Raphaël Descrasques, ce mec est hyper doué. Les Visiteurs du Futur forcément. J’adore aussi CamWeb et les Textapes d’Alices… Avec Camille, on aime aussi beaucoup Solange te parle, Marion Seclin de Madmoizelle et Natoo ainsi que ce que font Aude Gogny Goubert pour Golden Moustache ou Alisson Wheeler pour le Studio Bagel. Elles sont toutes supra douées et très inspirantes ! Ce sont eux qui ont ouvert la voie : Studio Bagel et Golden Moustache ont amené un souffle de liberté unique, et ont montré que la qualité pouvait aussi se trouver sur le web, ce qui a amené un vrai public blasé par la télévision.
Merci à Sophie pour cet entretien !
Le Meufisme compte actuellement 6 épisodes. 12 épisodes seront diffusés à partir de janvier 2015 sur la chaîne Canal Factory. La série a remporté le prix de la meilleure web série humoristique au Web Program Festival de La Rochelle, elle a également fait partie de la sélection officielle du Swiss Web Program en septembre dernier et vient récemment d’être sélectionnée pour le festival Paris Courts Devant.
EPISODE 3 – SUPER NENETTE – CA VA SAIGNEEEER
Ecrite par Sophie Garric, réalisée par Sophie Garric et Camille Ghanassia, Le Meufisme est produite par Rose Mécanique Productions. Acteurs : Sophie Garric, Thibault Gonzales, Juliette Blanche, Sandra Dorset, Marion Creusvaux, Christian Diaz, Julie Nicolet, Louise Duhamel, Sophie Muller, Virginie Bordes.