En véritable cinéaste cinéphile, Brian De Palma signe avec Passion, un film rempli de petites citations tout en y intégrant sa patte obsessionnelle et sa manière bien à lui d’être dans l’outrance des plans comme des sentiments.
Passion pose la question du statut d’un remake . Car, ce que que l’on recherche le plus souvent dans un film c’est son originalité, sa capacité à mettre en lien plusieurs éléments: scénario, acteurs, qualités esthétiques. Ici donc point de surprises scénaristiques réelles pour ceux qui connaissent déjà la trame de l’histoire du film d’Alain Corneau Crime d’amour. Brian De Palma signe un film assez fidèle à l’original: mêmes prénoms, même trame, mêmes thèmes: manipulation, pouvoir, sexualité. Mais, si la première scène semble présager un film identique, il se démarque parce qu’il se place dans un monde de femmes où les hommes ne sont finalement que des faire-valoir que l’on se pique pour mieux s’atteindre. La manipulation se fait donc encore une fois à trois mais ici De Palma la rend plus froide, plus crue, plus jeune, plus ambiguë, plus sexuelle. Les héroïnes de ce film sont glaçantes tant elles sont prêtes à tout et le film démarre sur les chapeaux de roue, la première scène, qui faisait déjà la force de Crime d’amour, est encore une fois ici le point d’orgue du film. Mais c’est à partir de la mort de Christine que tout s’enchaîne et que le délire hitchcockien de De Palma prend toute sa saveur. Dès lors, tout est entraîné dans un tourbillon, les images viennent se contredire, Isabelle est comme prise au piège dans sa manipulation, l’effroi s’en mêle quand la jumelle – existante ou non – semble elle aussi intervenir à l’image d’une héroïne blonde à la Hitchcock
Finalement, De Palma dresse un portrait glaçant du capitalisme moderne dans cette micro société qu’est l’agence de pub où les caméras jouent un rôle surprenant, ambivalent mais surtout effrayant : elles sont partout, tout le temps et ne sont là que pour faire du mal. Les identités de ces femmes sont brouillées dans leur désir, Christine va jusqu’à demander à ses amants de porter un masque à son image et la technologie menace à tout moment de nous emporter, nous humilier. Le constat est alarmant, et la partition des actrices y est pour beaucoup. En posant toujours la question du statut du remake, on peut repenser à ce que disait Jafar Panahi dans Ceci n’est pas un film : pour comprendre un film il il faut le réaliser pour lui donner sa force, et De Palma réussit à faire de ce scénario emprunté une originalité d’un monde où les femmes et les caméras prennent le pouvoir en pleine perte d’identité et même, peut-on l’affirmer, d’humanité … L’autre n’est plus qu’un obstacle à éliminer, un pantin à manipuler pour mieux le détruire sans jamais parvenir à être aimer pour ce qu’on est vraiment … Pétrifiant !
Passion : Bande annonce
Passion : Fiche technique
Réalisation : Brian de Palma
Scénario : Brian De Palma, d’après l’œuvre d’Alain Corneau
Interprètes : Rachel McAdams, Noomi Rapace, Karoline Herfurth, Paul Anderson, Rainer Bock, Benjamin Salder
Photographie : José Luis Alcaine
Montage : François Gédigier
Sociétés de production : Intregal Film, France 2 Cinema, SBS Productions
Distributeur : ARP Sélection
Date de sortie : 13 février 2013
Durée : 70 minutes
France – Allemagne – 2013