Festival de Gérardmer 2018 : Un détour hors-compétition

Maxime Thiss Responsable Festival

Après la compétition, il est temps de s’intéresser plus en détail à ce que le festival de Gérardmer nous a servi hors-compétition. Au programme 4 films dont 3 inédits et 1 classique du body horror. Encore une fois , la France s’illustre avec deux films : Cold Skin et La Nuit a dévoré le monde. Au même moment, une nouvelle production de l’invité d’honneur Alex de La Iglesia nous arrive tout droit du Pays Basque sous le nom de Errementari. Du côté du old school, c’est une œuvre culte du cinéma d’horreur des années 80 qui a été présentée dans une nuit spéciale, Hellraiser de Clive Barker.

  • Cold Skin

Xavier Gens, c’est un peu un enfant de Gérardmer. Le réalisateur français a été membre du jury, y a présenté The Divide en 2012 et Frontière(s) en 2008, il était donc tout naturel que le Dunkerquois revienne dans les Vosges pour nous montrer son projet de longue date, Cold Skin. Adapté d’un roman, le film raconte l’histoire d’un climatologue qui se retrouve sur une île perdue où il fait la connaissance d’un singulier gardien de phare. Ce ne sera par ailleurs pas la seule rencontre excentrique que fera ce pauvre homme, car l’île se trouve être peuplée de créatures amphibiennes à la silhouette anthropomorphe. Très vite les deux hommes vont se retrouver repliés dans le phare, en essayant de survivre aux assauts meurtriers des bestioles. Cold Skin avait de quoi allécher, malheureusement dès l’apparition de cette fameuse citation de Nietzsche ayant un rapport avec l’abîme qu’on a déjà vu 1000 fois, on sait très vite ce que va être le discours du film. Résultat, pendant plus d’1h30, le film va nous rabâcher cette rengaine de l’homme qui se mue en monstre et qu’au contraire une certaine humanité se cache au sein des bestiaux. Au moins, Gens a le mérite de s’attaquer à ça de façon frontale (même avec une scène de sexe, le mec ne se refuse rien) au travers d’un film de siège sanguinaire. Là aussi, on a un peu de mal car les assauts nocturnes sont sympas et divertissants les premières fois, mais deviennent très vite redondants. Si le film offre des visuels très réussis, avec beaucoup de trucages mais en dégageant de l’île de Lanzarote une ambiance très froide, le design des bêtes est un peu moins convaincant, tant il s’avère très simpliste. De belles idées, mais assez oubliable au final. On attendra Del Toro pour être ému par un amphibien.

  • La Nuit a dévoré le monde

Cette année, les films de zombies venaient de contrées incongrues. Après les Québécois de Les Affamés, c’est au tour des Français de La Nuit a dévoré le monde d’être présentés à Gérardmer. Pour son premier long-métrage, Dominique Rocher ne fait pas les choses comme tout le monde. Avec La Nuit a dévoré le monde, ce n’est pas tellement les zombies qui l’intéressent, mais plutôt ceux qui restent et notamment son personnage de Sam, incarné par Anders Danielsen Lie, que l’on avait déjà vu errer dans la capitale norvégienne dans Oslo, 31 Août de Joachim Trier. Ici c’est à l’intérieur d’un immeuble parisien que va se dérouler l’entièreté du long-métrage alors que le jeune homme semble être le seul rescapé de ce mal d’une origine inconnue. C’est donc la mélancolie engendrée par cette solitude que va filmer essentiellement Rocher, en nous montrant son personnage déambuler à travers les pièces de cet immeuble, en se tapant la discute avec un zombie coincé dans un ascenseur ( joué par Denis Lavant, qui montre encore une fois que le type peut tout jouer), ou en s’amusant à faire de la musique avec des ustensiles de cuisine. À partir de là, La nuit a dévoré le monde devient l’archétype même du film qui aurait fait un beau court-métrage, mais qui se transforme en supplice interminable. À l’image du personnage principal, on se retrouve très vite accablé par un ennui lancinant avant qu’il ne devienne complètement agaçant. La nuit a dévoré le monde a le mérite d’offrir un angle d’attaque original, jouant sur un aspect contemplatif au lieu de nous servir une nouvelle fois un survival calibré. Dommage que ça ne soit trop long et répétitif, ce qui atténue définitivement l’impact du message. Avec 1 heure de moins, le film aurait pu être des plus enthousiasmants.

  • Errementari : le forgeron et le diable

Alex de la Iglesia n’est pas venu les mains vides en tant qu’invité d’honneur du festival. Le cinéaste ibérique a été accompagné du réalisateur espagnol Paul Urkijo qui présente ici son premier long-métrage. Plus qu’un film espagnol, Errementari est avant tout un film basque, chose assez rare que de voir des films tournés dans cette langue. Nous propulsant donc dans le Pays Basque du XIXème siècle, Errementari s’avère être un conte gothique racontant l’histoire de deux personnages particuliers, un forgeron vivant à l’écart du village et qui effraie la plupart des habitants, et un diable gardé prisonnier sur Terre. Errementari frappe avant tout par cette atmosphère qu’il dégage, cette imagerie folklorique et gothique superbement cultivée au travers d’un esthétique foisonnante. Avec ces jeux de couleurs et d’éclairage, notamment au niveau des couleurs chaudes (rouge et orange), Paul Urkijo plante un décorum qui suffit à lui seul pour la création d’une ambiance. Comme on pouvait s’en douter en voyant le nom d’Alex de la Iglesia au générique, le film n’hésite pas à offrir de nombreuses ruptures de tons et de mettre les pieds dans un humour parfois noir et parfois très potache. L’écriture et la caractérisation des personnages sont à ce niveau très savoureux, notamment en ce qui concerne Usue, une gamine au sacré tempérament et Sartael, ce diable un peu loser et malchanceux sur les bords. Errementari est un nouveau témoin de l’efficacité des espagnols en ce qui concerne le film de genre. Un beau petit morceau de cinéma comico-fantastique ne se refusant pas à offrir des visuels très marquants (cette vision des enfers restera certainement gravée un moment dans les esprits).

  • Hellraiser

Pour finir ces petites reviews du festival de Gérardmer, autant conclure avec du culte. Quoi de plus culte que la saga Hellraiser vous allez me dire ? Le fleuron du body horror a eu l’honneur de se voir accorder une nuit blanche à cette 25ème édition avec la projection des 3 premiers volets. On ne parlera cependant ici que du premier, de l’original, celui sorti tout droit de l’esprit dérangé de son créateur Clive Barker. Hellraiser est une histoire en apparence compliquée à base de cube mystérieux,  de créatures à la recherche du plaisir au travers des douleurs intenses, d’un adultère entre une  femme et un oncle revenu des enfers, le tout dans une vieille maison. Mais Hellraiser c’est avant tout l’expression du body horror dans sa vision la plus marquante et frontale à l’image d’un Cronenberg des 80s.  Si Hellraiser fait encore aujourd’hui faire des cauchemars, c’est au travers des visions d’horreur que le film nous envoie en pleine face avec ces effets spéciaux dévastateurs. Entre le retour de l’enfer des Cénobites de l’oncle Frank dont le corps se reconstitue en prélevant des organes à de malheureuses victimes, et le design de ces Cénobites, créatures penchées sur le SM à un niveau beaucoup plus perché que Christian Grey, les FX n’ont pas pris une ride et gardent tout leur impact. Si parfois le scénario part dans des directions un peu trop alambiquées, l’ambiance poisseuse de cette maison et de son grenier, la présence d’une certaine influence Lovecraftienne, d’un côté cyberpunk dans le design des Cénobites, et puis surtout la tronche de Pinhead, figure emblématique de l’horreur, suffisent amplement à Hellraiser  pour obtenir sa place au panthéon du genre.