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FEFFS – Chronique N°4 du 17 Septembre 2014

FEFFS 2014 : Samouraï allemand, sang-froid scandinave et castors zombies.

Journée allégée aujourd’hui. Seul le programme du soir au cinéma Star Saint-Exupery s’avère intéressant. Le temps libre étant consacré à quelques lectures de dossiers de presse sur les films de ce soir, flemmarder et boire du café jusqu’à l’insomnie assurée. Cette soirée s’annonce particulièrement intéressante avec la présence d’un jeune réalisateur allemand qui a déjà pas mal fait parler de lui dans les récents festivals, d’un thriller scandinave qui suscite l’adhésion de tous et une séance attendue par tous les fans de zombies ET de castors. Festival, vends-moi du rêve ce soir !

Chers lecteurs, voici la quatrième chronique du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg (FEFFS) en exclusivité pour Cineseries-mag.fr

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Der Samurai

Réalisé par Till Kleinert (2014). Date de sortie prochainement annoncée.

Jakob, jeune policier collet-monté, mène une vie terne dans l’Allemagne rurale. Un soir, il croise la route d’un travesti charismatique qui, armé d’un katana japonais, cultive un goût prononcé pour la décapitation. Jakob part alors à la recherche de ce samouraï fou, dans une course poursuite où s’installe une attirance réciproque.

Sélectionné dans la compétition internationale, Der Samurai est le premier long-métrage de ce jeune réalisateur allemand, à l’origine d’une demi-douzaine de courts métrages ces dix dernières années. Intrigue schizophrène, Der Samurai fascine par sa capacité à nous offrir quelques plans d’une élégance esthétique imparable tandis qu’une bande-son électro nous emporte dans ce trip provocateur et obsédant. Il est facile de se perdre dans ce récit dont on ne sait jamais s’il évoque la schizophrénie de son personnage principal, la folie destructrice d’un homme ou d’une métaphore subtile et réfléchie de l’image du loup solitaire dans notre société. Autant de représentations que de réponses tant le réalisateur laisse libre court à l’imagination du spectateur. En début de séance, ce dernier nous avait prévenu que toutes nos attentes allaient être déjouées par ce film qu’il faut prendre comme une métaphore, plutôt qu’une œuvre plausible. Surréaliste, osé et perturbant, Der Samurai nous offre un personnage haut en couleur, un samouraï aux cheveux longs et blonds, vêtu d’une robe blanche à la croisée du personnage de La Mariée de Kill Bill et de Tyler Durden de Fight Club. Citant Shining parmi ses références, Der Samurai est une œuvre qui vit par elle-même et propose une réflexion sur la quête de soi et la manière de surmonter les difficultés de la vie. Stylisé et minutieux dans ses moindres détails, la mise en scène nous plonge dans une ambiance froide (beaux plans de nuit) et passionnelle (effluves d’orange et de rouge), et nous offre quelques plans qu’on croirait tout droit sortis de tableaux surréalistes et oniriques. Mais à force de se complaire dans sa métaphore et de proposer une mécanique lente et répétitive, Der Samurai s’enfonce dans son sujet et perd de vue un certain rythme au profit d’une contemplation dispensable. Le chemin vers la rédemption du personnage devient une épreuve à subir tant l’intérêt du spectateur ne se réduit à mesure que l’intrigue se rallonge. On ne pourra cependant pas lui reprocher une performance sur la mise en scène et sur une réflexion fine et psychologique de ce personnage morne et introverti, qui trouvera le salut dans un rapport destructeur, sexuel, sauvage avec un antagonisme troublant et emblématique. Dommage que le film perde en intérêt et ne s’enferme dans ses délires qui demandent à chaque fois de nouvelles interprétations. Der Samurai est une œuvre unique qui fera assurément naître les discussions. La sortie de salle voyant s’affronter les adorateurs et détracteurs du film.

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A la fin de la projection, le public applaudit en masse le premier long-métrage de ce jeune réalisateur. Je reste sur ma réserve. Till Kleinert se présente sur scène et le question-réponse peut démarrer. Grosso modo, on apprend que le réalisateur s’est inspiré de la culture manga et surtout de la culture vidéoludique pour son film. Il cite avec plaisir le jeu Silent Hill bien qu’il pense s’y être inconsciemment inspiré. Ce n’est qu’à la fin du tournage qu’il a senti l’impact du titre sur son travail. Il évoque la composition musicale réalisée par un seul homme et qui a véritablement marqué les esprits par une ambiance électro du plus bel effet. Toujours autant de questions superficiels sont posées : « Comment vous-est venu l’idée du film ? » ou plus surprenant « Les plans de nuit ont-ils été tournés de nuit ? ». Un oui ferme de la part d’un réalisateur surpris. Question suivante ? Ne pensant qu’à mon travail de journaliste et à vous, chers lecteurs, je décide de poser une question à Till Kleinert : « J’ai remarqué que vous remerciez les ’’crowdfunders’’ lors du générique. Désormais les scénarios les plus audacieux, les plus osés et donc les plus risqués ne bénéficient d’un espoir de réalisation que par la générosité de donateurs du crowdfunding. Est-ce-que vous avez eu beaucoup de difficultés à concrétiser votre projet ? » Ce à quoi le réalisateur m’a répondu longuement et avec la plus fidèle sincérité que ce projet est avant tout un travail de fin d’études pour valider son diplôme. Il évoque les contraintes de production d’un tel film, cru et plutôt osé dans son approche. Les boîtes de production ne souhaitèrent le financer qu’à 75% du budget. Le reste étant apporté par les donateurs via le crowdfunding. Mais le réalisateur nous dévoile en fait qu’il s’agissait -pour la plupart- de membres de sa famille et de ses amis, ainsi que de ceux de son équipe de tournage. Peu de donateurs inconnus donc. Apprenant cela, j’ai décidé d’être plus tolérant avec ce réalisateur qui offre tout de même quelques beaux moments de cinéma pour quelqu’un qui souhaitait simplement valider son année. La boîte destinée au vote du public est de nouveau disposé aux sorties de la salle. Très bon, bon, moyen, mauvais ou très mauvais donc. Ça sera moyen mais intérieurement, c’est un moyen positif. Chapeau néanmoins pour ce premier long métrage, Monsieur Kleinert !

Note de la rédaction : ★★★☆☆ 

Refroidis

Réalisé par Hans Petter Moland (2014). Sortie le 24 septembre 2014.

Nils est informé par la police du décès de son fils par overdose d’héroïne. Mais, quand il apprend la vérité, ce placide conducteur de chasse-neige se mue en justicier et entreprend de supprimer méthodiquement tous ceux qui sont liés à la mort de son fils, provoquant ainsi une désopilante guerre entre trafiquants de drogue avec, d’un côté, un parrain serbe à l’ancienne et, de l’autre, « le Comte », dandy paranoïaque et bébête. 

Dernier film de la sélection Crossovers, Refroidis est un film de vengeance à l’ambiance glaciale qui trouve son efficacité dans un subtil dosage d’humour noir et cynique. Tout droit venu de Scandinavie, le nouveau film de Hans Petter Moland aborde le genre « vigilante movie » avec dérision mais sans toutefois oublier de sa vue le caractère déterminé de son personnage. Ce dernier est interprété par un Stellan Skarsgård en apparence sage mais qui s’avère bien plus sombre et torturé. Stellan est un habitué dans la filmographie de Hans Petter Moland, où l’on a déjà pu le voir dans Un Chic type, Aberdeen ou Zero Kelvin. Dérision du film également dans ses nombreuses références avec ces personnages souvent simples d’esprit qui se donnent des surnoms de personnages de Top Gun ou le personnage de Stellan Skarsgård qui avoue ne pas connaître l’Inspecteur Harry. Refroidis bénéficie d’un soin particulier de l’image pour représenter à l’écran l’entendue des vastes paysages nordiques enneigés. Chaque plan se déroulant dans une ambiance plus que glaciale où cette couche de blanc risque à tout moment d’être tâchée par la mort d’un personnage. Ironisant à chaque fois ce tragique moment par l’incrustation à l’écran d’une croix funéraire et du nom de la victime. Cette succession d’assassinats trouve vite ses limites et le milieu du film s’avère embourbé dans un récit qui finalement s’allonge mais qui ne trouvera son apogée qu’avec ce final intense, froid et sanglant. On savourera toute une galerie de seconds personnages hauts en couleur et l’intervention d’un Bruno Ganz serbe complètement imprévisible. De ce film de vengeance nordique, le réalisateur en profite également pour livrer un message sur la nation nordique et l’arrivée de ces pays qui croient pouvoir prendre le contrôle de ces territoires qu’ils ne connaissent pas. Une métaphore politique subtile sur l’attachement des habitants nordiques à ne pas se mêler des affaires des autres nations, ce qu’elle attend en retour. Nordique comme on les aime, Refroidis est un thriller aussi bien qu’une comédie noire maîtrisée avec sang-froid, et tout naturellement reparti avec le Grand Prix du Festival Policier de Beaune.

Note de la rédaction : ★★★★☆  

Zombeavers

Réalisé par Jordan Rubin (2013). Date de sortie prochainement annoncée. 

Trois étudiantes sexy partent pour un weekend entre filles dans la classique hutte isolée au fond des bois. Tout baigne au soleil mais, au milieu du lac, il y a un drôle de barrage de castors, d’où suinte une substance vert-pomme. Cette décharge toxique a engendré une fièvre ravageuse… les timides rongeurs renaissent en stratèges carnivores : les ZOMBEAVERS. Les petits amis hypersexués des filles finissent par arriver pour un grand final gore à la nuit des casmorts vivants. 

Avant même le trailer, Zombeavers a suscité un certain engouement sur les internets car ce crossover entre zombies et castors était la promesse ultime d’un délire assuré et nanardesque. Première réalisation de Jordan Rubin, produit par les gars à l’origine de Cabin Fever, Zombeavers est un film qui surfe sur ce retour à la mode des animaux tueurs, et cela en attendant Squirrels et ses écureuils dévoreurs de chair humaine. Une mode qui trouve son origine dans le succès implacable des productions Asylum et de ses méga-requins dans des tornades contre des pieuvres et j’en passe. Comédie horrifique bien heureusement assumée, Zombeavers est le genre de long métrage idéal pour une séance de minuit, comportant assez de sang, d’humour débridé et de sexe pour contenter une audience venue pour la simple et unique raison de se marrer devant une dose revigorante de mauvais goût. Présenté pour la première fois en France, le cinéma Star Saint-Exupery a fait salle comble et c’est toute une foule de jeunes déconneurs qui applaudissent et rient avec délectation de cet enchaînement de séquences plus potaches les unes que les autres. C’est grâce à un tel public que ce genre de productions peut trouver des financements, un casting et des distributeurs. Faux nanar mais bien slasher conçu au vingtième degré, Zombeavers propose une ressasse du film de série B avec son lot de maison à la campagne, de filles en bikini, de nichons, de sang et de plaisanteries grivoises. Il faut savoir qu’en anglais, beaver signifie donc le castor mais dans un langage plus familier, il évoque également le sexe de la femme. Un jeu de mot exploité jusqu’à l’épuisement dans ce film, nous balançant des vannes au goût de plus en plus douteuses. Quand bien même on s’attend à regarder un film cheap et mauvais qui n’a que son pitch pour attirer le public, on reste relativement déçu par ce film qui trouve difficilement son salut. Et ce n’est pas tant le sujet qui est en faute, des films aux pitchs plus débiles s’avéraient être de véritables trouvailles d’humour débridé et d’horreur à souhait. On pense à Black Sheep, Piranha 3D voire Arac Attack.

Zombeavers est simplement paresseux. Autant dans sa forme qui se rapproche davantage du court-métrage amateur que d’un long métrage avec de l’audace, que dans son fond, le récit n’étant que le théâtre d’une histoire d’infidélité, de sexe et de sexe again (du sexe soft, attention on reste en Amérique !) dans un seul but d’être la combinaison publicitaire idéale : Sujet idiot, gore et sexe. Bingo ! Les scénaristes (oui ils ont été trois à l’écrire) s’inspirent d’anciens films d’attaques animalières, et ne proposent qu’une ressasse de tous les clichés du genre. Pas étonnant quand on sait que les scénaristes sont les frangins Kaplan, à l’origine de tous les mauvais films que sont Piranhaconda ou bien Dinocroc vs. Supergator. On saluera le parti-pris d’avoir mis en scène des marionnettes de castors (durant tout le film, pas un seul vrai castor n’a dû être utilisé) qui donne un côté old school sympathique et relativement nostalgique au film. Qu’à cela ne tienne, Zombeavers loupe complètement le coche et la bande-annonce se suffisait à elle-seule, bien plus efficace pour nous faire prendre conscience du délire qu’est le croisement entre zombies et castors. Un tel sujet n’aurait dû trouver sa place que sur YouTube. Le format long annule tout simplement l’effet mouche comique et le potentiel décalé d’un film qui ne cherche jamais à se démarquer d’un schéma ressassé depuis les années 80 et qui déjà ne nous faisait pas marrer. A ne voir qu’à plusieurs et uniquement en séance de minuit (et encore) ou bien vous risquerez de fort regretter ces quatre-vingt-dix minutes d’arnaque total. Ou mieux, passez-vous la bande-annonce de Zombeavers avant de regarder Black Sheep, bien plus efficace dans le genre.

Note de la rédaction : ★☆☆☆☆  

Cette journée sans excès s’achève malgré tout dans la bonne humeur. Des applaudissements tonitruants se font résonner à l’extérieur du cinéma et on croirait presque que les gens ont aimé le film. La nuit est toujours aussi belle sur Strasbourg. Au programme demain, des chiens télépathiques et un désir de célébrité fantasmée jusqu’à l’horreur vont s’affronter dans la compétition internationale tandis que la séance de minuit nous présentera un sous genre du slasher que l’on peut déjà nommer le « Slash Dance ». A demain, les monstres !

Reporter/Rédacteur LeMagduCiné