Deauville 2016 : Born to be blue de Robert Budreau (Avant-première)

Born to be blue: un biopic avec Ethan Hawke dans la peau de Chet Baker, le légendaire trompettiste à la voix divine qui a tout perdu avec l’héroïne.

Synopsis : Afin de lui rendre hommage, un producteur d’Hollywood propose à Chet Baker, un trompettiste de jazz célèbre des années 1960, de tenir le premier rôle dans un film sur sa vie. Pendant le tournage, il tombe follement amoureux de sa covedette, Jane. Malheureusement, ce retour sur son passé ravive les démons qui hantent Chet. On met alors fin au projet. Anéanti, l’artiste se replie sur lui-même. Néanmoins, Jane réussit à le convaincre de remonter sur les planches pour une tournée.

Après Miles Davis et son biopic réalisé et incarné par Don Cheadle (Miles Ahead), c’est Chet Baker qui voit sa vie contée sur grand écran et projetée au Festival de Deauville avec Born to be blue, réalisé par Robert Budreau.
Ces dernières années, une prestation d’Ethan Hawke est souvent gage de qualité. Ses rôles dans les films de Richard Linklater (Before Sunrise, Before Midnight, Boyhood...) l’ont confirmé auprès du public mondial comme un acteur talentueux. Born to be blue ne déroge pas à la règle, et l’acteur réaffirme son talent, mais il ne s’agit en rien de sa meilleure prouesse cinématographique.
Chet Baker est un personnage complexe, tiraillé entre les femmes, la drogue, le sexe et la musique. Son amour pour la trompette fait de lui un grand artiste, au talent singulier, qui frôle le « faux », ce qui le différencie de Miles Davis. Cette mentalité est parfaitement illustrée dans le long-métrage et Ethan Hawke l’incarne avec une sobriété, une certaine froideur qui l’empêche de tomber dans un pathos caricatural. L’acteur américain devient Chet Baker, mais parvient tout de même à garder une distance avec l’homme qu’était le trompettiste. Et que serait Chet Baker sans les femmes ? À travers l’œil de Robert Budreau, on prend conscience qu’il ne serait pas grand chose et que son inspiration aurait été bien amoindrie. Elaine, qui sera sa compagne durant quelques temps, est elle aussi parfaitement représentée par Carmen Ejogo, qui ne forme parfois qu’un avec le musicien. L’amour évoqué dans Born to be blue est légèrement trop appuyé, mais il permet de caractériser au mieux nos protagonistes. On ne fait pas que découvrir la vie de Chet Baker, on en apprend également sur lui. Le réalisateur fait du musicien un être aux multiples facettes, tantôt talentueux et au sommet de son art, tantôt ridicule, à la limite de l’imbécillité et de la grivoiserie. Malheureusement, si les intentions du réalisateur sont comprises, elles peinent à être clairement exposées. La dimension téléfilmique de Born to be blue joue en sa défaveur. Les flash-back ainsi que le montage parallèle ne sont pas bien amenés, ce qui alimente une impression de fourre-tout, comme s’il était nécessaire de rappeler le mal quand Chet Baker veut le bien, et vice-versa. Born to be blue souffre d’un gros problème de montage. On perçoit aisément une tentative de glorification de la musique et des instruments (piano, trompette, contrebasse) mais elle n’est pas assez puissante pour être considérée comme un personnage à part entière, comme ça pouvait être le cas dans Whiplash. On prend du plaisir à réentendre les différents morceaux de Chet Baker, mais ils auraient pu être amenés de manière plus majestueuse, afin de faire hérisser le poil du spectateur dès les premières notes de trompette.
L’alternance entre noir et blanc et couleur s’avère dépourvue de sens. Born to be blue est une mise en abime, un film dans lequel un film est tourné, mais on ne sait plus où donner de la tête et le scénario nous perd.
Mais, comme dans bon nombre de films musicaux, la scène finale est d’une puissance et d’une fraîcheur spectaculaire. On se délecte du morceau, et les acteurs s’offrent à nous comme jamais. Tous réunis, ils parviennent à se livrer par un simple regard, un sourire en coin ou une larme sur la joue.
Born to be blue est un drame prenant, mais trop peu travaillé esthétiquement pour en faire un biopic mémorable, alors que l’histoire de Chet Baker, qui sera accroc à l’héroïne toute sa vie, est pourtant passionnante, et il est bon de parfois découvrir l’envers du décor, afin de nous faire aimer davantage un artiste qui n’a jamais su se trouver.

Un demi-siècle après avoir enregistré les chansons My Funny Valentine et Let’s Get Lost, sa voix douce et désarmante sonne toujours de manière aussi  étrange et obsédante. Cette délicatesse hypnotisante reste gravée à jamais dans l’histoire du jazz…

Born to be blue, réalisé par Robert Burdreau, avec Ethan Hawke, Carmen Ejogo, Callum Keith Rennie… est déjà sorti dans de nombreux pays et sortira prochainement en France.