Que dire d’autre si ce n’est que l’on l’attendait de pied ferme le nouveau film de Thierry Klifa qui n’avait pas tourné depuis bientôt dix ans. Il est l’auteur d’un carré d’as de mélodrames majoritairement de très grande qualité : Une vie à t’attendre, Le Héros de la famille, Les yeux de sa mère et Tout nous sépare. Ces films regroupaient le gratin du cinéma français, même si tous les publics n’y ont pas forcément adhéré à cause de leur classicisme pourtant assumé. Il revient cette fois avec une comédie mêlant romantisme et fantaisie tout en lorgnant un tantinet sur le cinéma de Pierre Salvadori. Sauf que la sauce ne prend pas en dépit d’un nouveau casting quatre étoiles alléchant. En effet, le rire est triste ici et le tout frôle parfois le ridicule et l’improbable malgré quelques bonnes séquences.
Synopsis : Cuisinière à domicile, Rachel, sorte de Ma Dalton, a élevé ses fils Sam et Jérémie, et son petit-fils, Nathan, dans le culte de l’arnaque. De plans foireux en petits larcins, cette sympathique famille de bras cassés court toujours après le gros coup. Chance ou fatalité, lors d’un cambriolage, ils volent sans en connaître sa valeur, une toile de Tamara de Lempicka. Céleste, une détective rusée et charmeuse, se lance alors à leur poursuite.
On se souvient tous l’an passé de la bonne surprise qu’était L’Innocent le dernier film de Louis Garrel. Entre comédie et film de braquage en famille, il remettait au goût du jour les gentils malfrats et les magouilles en famille, avec une tonalité qui transpirait le bon vieux temps des films de Belmondo voire des films de casse à l’américaine. En tentant de changer de registre et en investissant ce type de feel-good movie à l’ancienne, l’ancien rédacteur en chef du magazine Studio, se rate. Malheureusement, Les Rois de la piste sonne faux. Pourtant, on sent la volonté de livrer une comédie semblable à celle d’un certain âge d’or du cinéma français, sans rentrer non plus dans l’hommage. Mais surtout sans jamais y parvenir, même pas un peu.
Prenons les acteurs par exemple. Klifa a été habitué à diriger les plus grands comédiens français avec un brio certain, de Catherine Deneuve à Emmanuelle Béart en passant par Gérard Lanvin et Nathalie Baye ; il a même réussi à diriger le rappeur Nekfeu de manière plus qu’efficace dans son dernier film, Une vie à t’attendre. Mais ici, tous semblent jouer dans un film différent. On ne peut pas dire que leur prestation soit mauvaise mais ce n’est pas non plus leur meilleure. Loin s’en faut.
Fanny Ardant minaude comme on l’a déjà vu faire tant de fois mais de manière plus adaptée. Son jeu semble ici à contretemps. Concernant Mathieu Kassovitz, il se débrouille comme il peut dans un rôle qui ne lui convient qu’une scène sur deux. Quant à Laetitia Dosch, elle nous rejoue le même type de prestation que ce qui l’a fait connaître, la femme mi-nunuche mi-ingénue, restant dans sa zone de confort. Enfin, la surprise, ou plutôt devrait-on dire le contre-emploi surprise, nous vient de Nicolas Duvauchelle, dont on gardera ici le secret pour ménager les effets. Il surprend et réussit ce saut dans le vide mais, comme effrayé par un tel rôle, il ne se lâche pas autant qu’il pourrait. Il nous offre un spectacle étonnant mais finalement limité, trop dans la retenue. En somme, le casting est royal mais pas forcément bien assorti, ni exploité et dirigé.
Un autre problème majeur qui ressort des Rois de la piste concerne son script farfelu et qui souffre d’un paradoxe dommageable. D’un côté il est ancré dans un certain réalisme qui a pour effet que ce qui s’y passe nous parait peu vraisemblable et trop farfelu. De l’autre, il est également trop timoré dans la folie pour que les excès et les faux pas de cette histoire abracadabrantesque puisse passer l’examen du tolérable et de la cohérence. Klifa aurait dû y aller de manière bien plus engagée dans le décalé ou le burlesque. Cette inégalité dans la tonalité de son long-métrage lui joue préjudice et rend les instants censés être drôles bien moins amusants qu’ils n’auraient dû l’être. Et, en effet, on rit peu des pérégrinations de la famille Zimmerman. D’autant plus que le scénario semble plein de trous et que sa progression narrative n’adopte pas toujours la plus grande des logiques, certaines scènes semblant s’enchaîner un peu de manière aléatoire.
Tout n’est cependant pas raté dans Les Rois de la piste qui, malgré ses près de deux heures, s’avère tout de même assez rythmé et inattendu par instant pour ne pas s’en défaire. Les réactions des autres protagonistes quand ils retrouvent le personnage de Duvauchelle sont plutôt drôles et gratinées. La confrontation Laetitia Dosch/Fanny Ardant occasionne quelques rires occasionnels et on ne peut nier que la mise en scène de Klifa soit apprêtée, presque luxueuse, et agréable à l’œil. C’est juste que le charme n’opère pas, qu’il manque du liant à la recette opérée par le cinéaste qui semble donc décidément bien plus à l’aise dans l’émotion et le drame que la comédie et la légèreté. Et on se désole parfois de contempler certaines scènes qui sont presque ridicules et fleurent bon le vaudeville de bas étage… Pas déplaisant mais décevant et parfois gênant.
Fiche technique – Les Rois de la piste :
Réalisateur : Thierry Klifa.
Scénariste : Benoît Graffin et Thierry Klifa.
Production : Nolita Cinéma.
Distribution France : Apollo Films.
Interprétation : Fanny Ardant, Mathieu Kassovitz, Laetitia Dosch, Nicolas Duvauchelle, …
Durée : 1h56.
Genres : Comédie – Policier.
27 mars 2024 en salles.
Nationalité : France.