Arras Film Festival: Interview du cinéaste Jim Sheridan

Rencontre avec un grand Monsieur du Cinéma : Jim Sheridan

            Au programme de la septième journée du Arras Film Festival, la rencontre avec l’invité d’honneur Jim Sheridan, réalisateur des grands My Left Foot (1989), In the Name of the Father (1994), et In America (2003) entre autres. On peut aussi citer le beau Brothers réalisé en 2009.

Il est 19h40, place à l’interview. À noter que celle-ci a été réalisée avec une collègue de la Voix du Nord. Aussi votre serviteur n’a pas repris ses questions posées en anglais, préférant avant tout mettre en avant les propos originaux de l’Irlandais Jim Sheridan (à droite sur l’image de couverture ci-dessus). De plus, il faut dire que Maxence Gasiecki (à gauche), notre traducteur, s’il a facilité la conversation, a participé avec passion à celle-ci.

Sur sa première fois à Arras

            En effet, c’est la première fois qu’il vient à Arras. Une ville qui pourrait l’inspirer pour un film, un peu comme Bruges. « I’d want to do a movie in France » : Je voudrais faire un film en France.

Ce qu’il pense des films français

            Le problème majeur du cinéma français et même de la majorité des films, est la domination d’Hollywood, répond-il. C’est un vrai problème que cet « huge business in America ». Il faut qu’on mette en place une stratégie européenne, « an european strategy » dit-il.

Un problème que le réalisateur lie à une certaine idée des spectateurs et des gens : « People don’t believe films exist out of America. » / Les gens ne croient pas que les films existent en dehors de l’Amérique.

Sur l’un des thèmes majeurs du cinéaste : l’adversité

            La vie est emplie d’adversité, répond-il. Tous ont leurs épreuves, et les personnages les dépassent. Ses films peuvent inspirer les gens : « can inspire people ».

« Pourriez-vous revenir sur votre transition dans le cinéma américain, et nous parler notamment de votre relation avec Fox Searchlight ? »

« For In America ? »

« Oui. »

            « It was good (…), great work, a good job » répond-il. Il a pu travailler avec des gens très talentueux et faire son film. Cependant, « I’d like to see not american movies work in America » dit-il. Selon le réalisateur, la majorité des films créés en dehors de l’Amérique (notamment de ses majors) n’ont pas de succès là-bas. La collègue de la Voix du Nord dit qu’il y a eu The Artist (Michel Hazanavicius, 2011) – film qui parle tout de même (passionnément) d’Hollywood –, on peut aussi citer Les Intouchables (Nakache/Toledano, 2011) qui a très bien fonctionné aux US – et même à l’internationale – malgré des critiques très partagées.

            Il faut réussir à s’insérer directement en Amérique, notamment avec l’installation de cinémas européens : « find a way to do that in Major America Cities (…) need an European buisiness plan for properties. »

            Le cinéaste explique aussi être effrayé de Netflix, d’Amazon… de ces autres modèles de production et distribution qui quittent la salle de cinéma.

« Ne pensez-vous pas que les cinéastes qui réussissent en Europe et vont en Amérique sont souvent avalés par la machine Hollywoodienne ? Je pense notamment au réalisateur irlandais Steve McQueen ? »

            « He’s a good visuel artist » me répond-il. Il dit ensuite que Spike Lee n’avait pas fait Twelve Years A Slave (2014), personne n’avait fait un tel film sur cette partie de l’histoire américaine. « Mais il y a eu Alan Parker avec Mississipi Burning (1988) ». En effet, mais ça parlait de blancs aussi, et c’était fait par un blanc.

« What do you think about this movie ? » me demande-t-il.

« En le voyant, j’ai justement pensé que c’était le film à oscars – qu’il a d’ailleurs remporté -, oui c’est un artiste visuel, mais il me semble qu’on a repris sa force esthétique pour l’appliquer sur un film qui n’est pas le sien, loin de Shame ou d’Hunger. »

Il acquiesce : « Oh yes, i understand » et le lie à un film de sa carrière Brothers. Si Brothers est un bon film, il est fac-similé de son art. Selon lui, en Amérique, il s’agit moins de créer un être jusqu’à l’os, de s’inventer, de se réinventer, d’user son art, mais d’en faire le fac-similé.

            « I don’t have seen his movie », « I think it’s his better with Hunger » lui réponds-je, « Yeah, think Hunger is his best movie », enchérit-il.

« Vous avez produit Bloody Sunday (Paul Greengrass, 2002), que pensez-vous du réalisateur (irlandais) Paul Greengrass ? »

            « It’s a force movie, a great movie (…) there isn’t close-up except on Bourne (…) but with landscape (…), but, he’s a great director, isnt’ he ? »

« Complètement. »

 Qu’est-ce qu’un bon film ?

            « (It’s) when we believe », c’est presque lié à quelque chose de religieux. « Do you believe the movie ? » dit le cinéaste.

            Jim Sheridan pense que c’est aussi lié à l’aspect limité des films, comme Hunger. S’il est bon, c’est parce-qu’il a été limité dans son processus de fabrication. Plus un film a de moyens, plus il a de chance de s’égarer, pense le réalisateur.

Comme pour J.-P. Bacri et Michel Leclerc, il a été demandé à Jim Sheridan de participer au lancement de la prochaine édition (2016).

            « Fuyez Paris et allez à Arras, c’est une belle ville, les rues sont magnifiques et les gens, charmants. »*

* traduit de l’anglais au français.

            C’est sur ces derniers mots que termina cette interview-Jim-Sheridan-cineaste-scenariste-arras-film-festivalinoubliable rencontre avec un grand monsieur du cinéma, humaniste et artiste passionné ouvert vers le monde et l’humanité, empli d’humilité et de gratitude… Bref, un cinéaste à l’image de ses films dont on a plus que besoin en ce moment. Votre serviteur reviendra sur ses films prochainement, dont deux d’entre eux très vite à l’occasion de leur diffusion au Arras Film Festival.

(À droite, au-dessus, votre jeune serviteur avec un humble et grand homme : Jim Sheridan)