En 1989, Carpenter sortait son treizième long-métrage, qui passe souvent pour le plus politique de sa filmographie. En réalité, le simplisme domine, mâtiné de virilité mal pensée et d’une érotisation de la violence dont l’époque n’a nul besoin…
L’argument du treizième long-métrage (1988) de Carpenter est simple : John Nada (incarné par le catcheur, célèbre aux USA, Roddy Piper), lancé sur les routes par le manque de travail engendré par un capitalisme galopant, arrive dans une mégalopole où il trouve enfin un emploi manuel, largement sous-qualifié. Son corps bodybuildé partage généreusement avec son cerveau quelques petits muscles, qui permettent au bonhomme d’être assez perspicace. Une sagacité qui lui permettra de tomber sur un stock de lunettes magiques, grâce auxquelles on peut voir le monde tel qu’il est : les panneaux publicitaires sont en réalité porteurs de messages subliminaux (« Dormez », « Soyez dociles », « Ne pensez pas »…) et une grande partie des supposés humains sont en réalité des androïdes extraterrestres, identifiables à la structure métallique qui se cache sous leur visage. Flanqué de son nouveau grand copain, Frank (Keith David), notre héros va entreprendre de nettoyer la ville de ces parasites qui entendent l’asservir sous les lois de la finance et du capitalisme.
L’opération de purification donnera lieu à plusieurs scènes de tuerie de masse assez nauséabondes, à grand renfort d’érotisation des armes, dont quelques gros plans montrent l’extrémité légèrement renflée vibrant sous l’énergie de la décharge… L’idéologie qui sous-tend le droit que se donnent les tueurs, chevaliers blancs du XXème siècle, est bien connue, sous ses diverses variantes d’excuse : les cibles ne sont pas des hommes, mais ici des robots… ailleurs, des sous-hommes… des ennemis du peuple… des Infidèles… des renégats… des suppôts d’Hitler… des Résistants… des opposants… des chiens de mécréants… On sait où mènent de telles déshumanisations de l’autre.Les scènes qui auront précédé cette apothéose auront bénéficié du même sceau de simplisme : opposition, au début, de la grande ville aux immeubles démesurés, froide et insensible, tout entière régie par l’exploitation de l’homme (quand un Hochhaüsler, quelques années plus tard, réservera à cette thématique un traitement tellement plus subtil, et percutant, avec Sous toi, la ville, 2010), au chaleureux bidonville, où règnent l’entraide, le partage, l’honnêteté et la bonne humeur… Groupuscule d’opposants réunis dans une église (le puritanisme américain est sauf !) et qui s’avéreront être les seuls clairvoyants (woke avant la lettre ?!), puisque ce sont eux les fabricants des fameuses lunettes… Petit plaisir du réalisateur, avec interminable scène de lutte des deux grands copains, ponctuée de râles orgastiques et même de grands coups de bassin dans les testicules du grand ami…
Sur ce ragoût mal maîtrisé de messages simplistes et de phantasmes mal assumés surnage – ô surprise, mais c’est presque du gâchis… – la très belle musique composée par le réalisateur lui-même, sorte de rock assez sensuel revisitant des thèmes de blues, et apportant, par instants, un potentiel contrepoint assez humoristique à la figure du héros. Une distance salutaire, mais qui ne rencontre pas d’autres échos dans le film, malheureusement.
Bande-annonce : Invasion Los Angeles
Fiche Technique : Invasion Los Angeles
Titre original complet : John Carpenter’s They Live 2
Réalisation : John Carpenter
Scénario : John Carpenter (sous le pseudonyme de Frank Armitage), d’après la nouvelle Les Fascinateurs (Eight O’Clock in the Morning de Ray Faraday Nelson)
Avec Roddy Piper, Keith David, Meg Foster…
Décors : Marvin March
Musique : John Carpenter et Alan Howarth
Photographie : Gary B. Kibbe
Montage : Gib Jaffe et Frank E. Jimenez
Production : Larry J. Franco
Sociétés de production : Larry Franco Productions et Alive Films
Sociétés de distribution : Universal Pictures (États-Unis), Studiocanal (France)
Durée : 90 minutes
19 avril 1989 en salle / 1h 33min / Science Fiction, Epouvante-horreur, Action, Thriller