Un-Coup-de-maitre-film-remi-bezancon-critique-cinema
Un coup de maître: Bouli Lanners, Vincent Macaigne |Copyright Thomas Nolf

Un Coup de maître : de l’artiste, créant et créé

Le septième long-métrage de Rémi Bezançon, Un Coup de maître (9 août 2023), réunit deux monstres sacrés du cinéma, Vincent Macaigne et Bouli Lanners, dans le monde de l’art contemporain et de son marché. En résulte une œuvre à la fois méchante, acérée, mais aussi généreuse et humaine, profondément jubilatoire.

Aller voir un  film dans lequel joue Vincent Macaigne, c’est être assuré à la fois de retrouver un acteur aimé, apprécié, reconnu, et de lui découvrir un nouveau visage, presque une nouvelle silhouette,  une nouvelle personnalité. Il est pareil aux « filles » chantées par Brassens : «  Les filles, quand ça dit je t’aime,/ C’est comme un second baptême,/ Ça leur donne un cœur tout neuf,/ Comme au sortir de son œuf ». Lorsque Vincent Macaigne « aime » suffisamment un scénario pour consentir à endosser le rôle qui lui est proposé, on n’en finit pas de s’émerveiller devant le nouveau Macaigne, avec « un cœur tout neuf,/ Comme au sortir de son œuf ». Car l’engagement dans ce nouvel être qui constitue son nouveau personnage est toujours intact, complet, intègre. Une force intarissable de réjuvénation que l’on ne peut qu’admirer et qui ne manque pas de produire un effet jubilatoire.

Dans ce septième long-métrage de Rémi Bezançon, Vincent Macaigne est Arthur Forestier, galeriste de son état. D’entrée de jeu, la causticité du ton ravit ; on entend cet habile marchand commenter en voix off le tableau qui apparaît à l’écran. La réussite est totale dans cet art délicat qu’est la parodie : à la fois, l’imitation du sujet moqué est parfaite, et l’on reconnaît, à travers ces propos, non pas un galeriste, mais cent, et transparaît ce léger excès, mais idéalement dosé, qui signale à coup sûr la satire.

Un coup de maître ne s’écartera pas de cette perfection, tendue, féroce, et qui assure le plaisir du spectateur. Secondé au scénario par Vanessa Portal, comme pour sa précédente réalisation, Rémi Bezançon adapte ici un film argentin de 2018, pareillement titré en français, Mi Obra Maestra en langue originale, de Gastón Duprat. Mais l’intrigue est légèrement modifiée, s’adaptant au contexte parisien.

Ce galeriste se trouve confronté à la détresse de son ami et artiste favori, Renzo Nervi, à qui l’inénarrable Bouli Lanners prête sa carrure. Panne créative, doublée de crise existentielle, sur fond de deuil mal dépassé. Sur un ton badin, comique, le réalisateur parvient à s’approcher de thématiques on ne saurait plus graves, et cela avec une réelle justesse. Il faut savoir que l’équipe se retrouve là en terrain intimement connu, puisque Rémi Bezançon a fait l’École du Louvre avant de devenir réalisateur et que Bouli Lanners pratique lui-même, et depuis longtemps, l’art de la peinture, domaine auquel il se destinait initialement. Éléments de réel qui contribuent certainement à l’efficacité et à la finesse du film.

Questionnant ce point essentiel qu’est la création, en marche ou encalminée, le film s’interroge également sur tout ce qui crée un créateur, à différents niveaux. Du point de vue le plus extérieur : sa reconnaissance, sa cote, sa réception critique, les effets de mode… Au point de vue le plus intime : ce qui le nourrit, ce qui le détruit, ce qui peut le ranimer…

L’image, par Philippe Guilbert, est très subtilement construite, en teintes chaleureuses qui s’accordent bien avec la peinture de Renzo Nervi et qui participent à la profonde humanité du film, auquel la musique essentiellement électronique de Laurent Perez del Mar confère une belle énergie, très pulsée et positive. Quelques seconds rôles, honorablement tenus par Anaïde Rozam, Aura Atika, Bastien Ughetto et Philippe Resimont, prennent part à l’architecture d’ensemble. Mais le grand régal est offert par les nombreuses scènes en duo qui mettent en présence Vincent Macaigne et Bouli Lanners. Déjà réunis dans Chien (2018), de Samuel Benchetrit, dans une tonalité plus sombre, les deux acteurs jubilent visiblement à se donner la réplique et achèvent d’électriser des dialogues déjà très mordants.

Mais au-delà de la fête cinématographique ainsi créée, Rémi Bezançon questionne, avec audace et lucidité, non seulement la vie d’un artiste ou d’une personnalité, mais également sa mort, et les effets volontiers paradoxaux que celle-ci génère.

Bande-annonce : Un Coup de maître 

Synopsis du film : Propriétaire dʼune galerie dʼart, Arthur Forestier représente Renzo Nervi, un peintre en pleine crise existentielle. Les deux hommes sont amis depuis toujours et, même si tout les oppose, lʼamour de lʼart les réunit. En panne d’inspiration depuis plusieurs années, Renzo sombre peu à peu dans une radicalité qui le rend ingérable. Pour le sauver, Arthur élabore un plan audacieux qui finira par les dépasser… Jusquʼoù peut-on aller par amitié ?

Fiche Technique : Un Coup de maître 

De Rémi Bezançon
Par Rémi Bezançon
Avec Vincent Macaigne, Bouli Lanners, Bastien Ughetto
9 août 2023 en salle / 1h 35min / Comédie
Distributeur : Zinc Film

Note des lecteurs0 Note
4