Dès les premières images, on voit bien que le film est un western un peu différent. Un homme, Jon, est sur le quai, dans l’attente de l’entrée en gare du train. Une belle femme blonde et un garçonnet, blond également, en sortent. Il s’agit de sa femme et de son enfant qu’il n’a pas vus depuis 8 ans, ayant émigré du Danemark vers l’Amérique pour faire fortune, après avoir fait la guerre contre les allemands.
Synopsis: 1870, Amérique. Lorsque John tue le meurtrier de sa famille, il déclenche la fureur du chef de gang, Delarue. Trahi par sa communauté, lâche et corrompue, le paisible pionnier doit alors traquer seul les hors-la-loi.
La prisonnière du désert
Dans cette première séquence, loin des plans larges sur les vastes prairies américaines, le réalisateur filme des plans serrés sur les visages plutôt souriants des personnages, une image bien peu représentative du genre western, dans une profusion de couleurs hyper saturées, qui n’évoquent en rien les grands maîtres du genre, comme John Ford. Et pourtant tous les codes du western sont là : le cow-boy solitaire, le shérif un peu dépassé, le méchant très vilain, les bagarres épiques, le saloon, la diligence, la pendaison. Avec une telle accumulation de stéréotypes, Levring finit par donner l’impression d’imiter un western plutôt que d’en réaliser un.
L’histoire est donc celle de Jon, avec un Mads Mikkelsen impeccable comme toujours dans un rôle quasi-mutique, ne dérogeant finalement pas à son habitude. Après avoir retrouvé sa famille à la gare, il repart avec elle en diligence vers Black Creek, son habitation. Le voyage s’effectue malheureusement en compagnie de deux hommes avinés et violents qui éjectent Jon de la diligence, avec des intentions peu équivoques envers sa femme. Bien vite, Jon retrouve la diligence, et le corps de son fils, puis celui de sa femme violentée.
Dès lors, le processus de vengeance/contre-vengeance se met en place. Jon tue les malfaisants de la diligence, dont l’un s’avère être le frère du gangster Delarue, auto-proclamé « protecteur » de la petite localité Black Creek où habite Jon. Delarue à son tour déploie un éventail d’horreurs pour venger la mort de son frère. Et Jon va devoir se défendre, et défendra aussi la petite localité de ce tortionnaire et de sa bande, d’où le « salvation » du titre.
Lorsque Jon retrouve la diligence, il fait nuit, et la lune qui inonde la scène donne une ambiance très inhabituelle pour un western : Mads Mikkelsen a le visage très lumineux et très argenté, et la prairie américaine apparaît pour ce qu’elle est véritablement, à savoir une savane sud africaine où le film a été tourné. Cette séquence, et bien d’autres encore, plongent le film dans une sorte d’incohérence visuelle, sans doute voulue par son réalisateur, afin de donner une identité renouvelée à son western. Cela ne fonctionne pas très bien, d’autant moins que les CGI (notamment les incrustations de plans de Monument Valley à la lumière beaucoup plus américaine, et plus douce) aggravent encore le résultat. Il est difficile dans le même temps d’exacerber cette lumière africaine, tout en insistant sur la présence des Monuments de la Valley.
La problématique de l’image est rejointe par d’autres mauvais choix de Levring qui fait ne fait qu’un ersatz de western , voire un pastiche qui, du coup, ne présente que peu d’intérêt. Il aurait été souhaitable de creuser davantage l’origine étrangère de Jon, pour faire un film original, en étayant un peu le sens et l’implication, que cela pouvait avoir dans sa vie de tous les jours, dans sa conquête de l’Ouest.
De même, le film est danois, taiseux et minimaliste aussi bien dans les décors que dans les expressions des personnages. Levring aurait pu prendre encore plus partie de ses acteurs, Cantona, (alias le Corse, le bras droit de Delarue), Eva Green (une veuve pas vraiment consentante du violeur de la diligence, qui l’aurait sauvée des griffes des indiens après que ceux-ci lui ont tatoué le front et coupé la langue), et Mads Mikkelsen, qui sont très bien castés pour ce genre de rôle silencieux, mais qui sont outrageusement sous-utilisés (surtout Cantona, et Eva green dans une moindre mesure).
On ne peut pas dire que The salvation soit un mauvais film, c’est un film plutôt divertissant, mais qui n’apporte rien au genre. Du coup, il oscille entre une dimension commerciale qu’il pourra vraisemblablement satisfaire, et une volonté artistique qui a visiblement raté sa cible.
Fiche Technique: The Salvation
Titre original : the salvation
Réalisateur : Kristian Levring
Genre : Drame/ Western
Année : 2014
Date de sortie : 27 Août 2014
Durée : 89 min.
Casting : Mads Mikkelsen (Jon), Eva Green (Madelaine), Jeffery Dean Morgan(Delarue), Eric Cantona (Le Corse), Mikael Persbrandt (Peter)
Musique : Kasper Winding
Scénario : Anders Thomas Jensen, Kristian Levring
Chef Op : Jens Schlosser
Production : Danemark , Afrique du Sud, UK
Maisons de production : Zentropa entertainments, Forward films, Spier films
Distribution (France) : Chrysalis Films, Jour2fete