Sortie au cinéma au début de l’année, la quatrième réalisation de Lucien Jean-Baptiste (également acteur), Il a déjà tes yeux avait dépassé le million de spectateurs dans les salles. Retour sur cette comédie autour de l’adoption, de la tolérance et du vivre-ensemble.
Synopsis : Paul et Salimata Aloka vont devenir parents : leur dossier d’adoption est accepté. Mais le petit Benjamin est un joli gamin blond aux yeux bleus… or les Aloka sont Noirs. Mais comment gérer cette situation entre le scepticisme de l’assistante sociale, Madame Mallet, et les parents de Salimata, très attachés aux traditions africaines ? Paul, Salimata et Benjamin pourront-ils former une famille et surtout la faire accepter ?
Depuis ses débuts derrière la caméra (La Première Etoile, 30° Couleur, Dieumerci !), l’acteur et réalisateur martiniquais Lucien Jean-Baptiste utilise l’humour comme arme pour véhiculer des messages prônant la tolérance. Il a aussi le mérite de mettre en avant des personnages Noirs parmi ses personnages principaux, hélas encore en minorité dans le paysage audiovisuel français. On peut même affirmer qu’il est actuellement l’un des seuls réalisateurs à traiter de la question noire. Cela dit, il ne faut pas s’attendre à un résultat corrosif et hilarant : Lucien Jean-Baptiste a toujours privilégié la tendresse. Tendre, Il a déjà tes yeux, l’est par moments. En revanche, il est rarement drôle alors qu’il a été vendu comme une comédie. On n’évite pas les bons sentiments et un scénario parfois tiré par les cheveux (la fin en particulier). S’il n’est pas catastrophique contrairement à un certain nombre de comédies françaises actuelles, ce film n’est pas non plus réussi.
Ce résultat trop gentillet et oubliable est d’autant plus frustrant face à une histoire qui a un énorme potentiel sur le papier. En effet, Lucien Jean-Baptiste joue sur une inversion de rôles à la fois crédible et peu ordinaire : alors que notre société accepte de plus en plus des parents Blancs ayant un enfant de couleur noire, la société semble moins ouverte à imaginer le cas contraire, c’est-à-dire des parents Noirs (ou en tout cas d’une autre couleur de peau) ayant un enfant Blanc. Hélas, le long-métrage n’est jamais original contrairement à son sujet. Ainsi, tous les clichés sont présents : la méchante assistante sociale (mais qui a quand même du cœur), le pote relou aux dents dégueulasses qui n’a pas d’emploi mais squatte chez tout le monde, l’amie donneuse de leçons, les parents africains dans tout ce que le spectateur lambda peut imaginer etc.
Surtout Il a déjà tes yeux manque cruellement de rythme. Assez court (il a le format habituel d’une comédie), des longueurs se font pourtant réellement sentir dès les premières minutes : peu de séquences sont pertinentes et accrocheuses et le reste est parfois plus proche d’un remplissage qu’autre chose. C’est comme si les scénaristes n’avaient finalement rien à raconter. Au lieu d’être face à une comédie qui aurait pu être fraîche et originale, il s’agit d’un (télé)film formaté et mou du genou. Les acteurs ne sont pas toujours bien employés.
Si Aïssa Maïga est remarquable dans le rôle de cette jeune mère douce et Zabou Breitman plutôt crédible dans le rôle de cette assistante sociale a priori sévère et intrusive (on pense à son interprétation dans Discount), en revanche Vincent Elbaz est très lourd dans le rôle du pote cas social de service et Lucien Jean-Baptiste livre une prestation certes correcte mais légèrement éteinte.
Si Il a déjà tes yeux est certes une comédie (pas drôle) sans prétention transmettant de beaux messages de tolérance sur l’acceptation des différences et interrogeant sur le vivre-ensemble, les bonnes intentions n’effacent pas ses défauts.
Il a déjà tes yeux : bande-annonce
Il a déjà tes yeux : Fiche Technique
Réalisation : Lucien Jean-Baptiste
Scénario : Lucien Jean-Baptiste, Marie-Françoise Colombani et Sébastien Mounier
Interprètes : Aïssa Maïga, Lucien Jean-Baptiste, Vincent Elbaz, Zabou Breitman
Producteurs : Maxime Delauney et Romain Rousseau
Société de production : Nolita Production
Distributeur : UGC Distribution
Durée : 95 minutes
Genre : comédie
Date de sortie : 18 janvier 2017
France – 2016
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