Favelas, un film de Stephen Daldry – Critique

Favelas, une histoire d’amitié touchante dans une réalité difficile

Synopsis : Rafael et Gardo sont deux jeunes garçons des bidonvilles de Rio. Alors qu’ils travaillent comme tous les jours à la décharge, ils trouvent par hasard un portefeuille appartenant à un certain José Angelo, bras droit d’un député influent. Bientôt, la police arrive sur les lieux à la recherche de l’objet. Les deux compères réalisent rapidement qu’ils doivent à tous prix garder le secret de leur découverte. Accompagnés de leur ami Rato, ils décident de mener leur propre enquête, et ce malgré les risques encourus.

Favelas, c’est d’abord la mise en scène d’une relation d’amitié quasi-fusionnelle entre Rafael (Rickson Tevez) et Gardo (Eduardo Luis), compagnons de galères et fortes têtes du haut de leurs quatorze ans. Malgré la misère qui les entoure, la saleté, les abris de tôles et les rats, ces deux gamins appréhendent leur univers comme un vaste terrain de jeu, de baignades et d’acrobaties en tous genres. Sur fond de rap brésilien, le début de Favelas se concentre en effet sur la vie de la favela elle-même, montrée comme un véritable organisme en perpétuel mouvement. Stephen Daldry (Billy Elliot, The Reader, The Hours) force un peu dans sa représentation d’une favela « joyeuse », ou la pauvreté n’empêche pas – et au contraire tend à amplifier – le simple bonheur de vivre.

Les enfants sont donc les principaux acteurs de ce thriller pour ados, les adultes n’occupant qu’une place secondaire (on se demande même l’intérêt d’avoir mis Martin Sheen et Rooney Mara au casting, si ce n’est pour rendre l’affiche plus alléchante). L’énergie redoublée de ces gamins de misère, leur agilité dans cette jungle urbaine est très bien rendue par des scènes de course-poursuite haletantes dans les dédales de Rio. Rafael, Gardo et Rato (Gabriel Weinstein) courent, grimpent, sautent avec agilité et grâce, si bien que certaines scènes peuvent parfois faire penser aux envols nocturnes des héros de Tigre et Dragon. Daldry introduit ainsi une dimension poétique qui vient embellir un paysage urbain décousu, transformant une architecture alambiquée en jeu de piste géant.

Rafael et Gardo, malgré leur maturité précoce, conservent cette innocence enfantine qui font d’eux des personnages profondément humains, altruistes, courageux et donc forcément attachants. Mais la sauce ne prend pas : des enfants des bidonvilles qui parviennent à exposer des politiques corrompus, il faut l’avouer, c’est un peu tiré par les cheveux.

Un manichéisme trop marqué

Le titre de la version originale, c’est Trash, autrement dit « déchet(s) ». Un terme polysémique donc, puisque s’il semble désigner littéralement l’immense décharge fouillée quotidiennement par les jeunes des favelas, il vise en réalité les véritables « déchets » que sont ces politiciens véreux et immoraux qui profitent du système politico-économique brésilien.

Du coup, la critique est trop transparente, manquant par la même de subtilité et de nuance : symptomatique de ce travers récurrent, une des séquences met en scène la torture du jeune Rafael, qui refuse malgré tout d’avouer qu’il est en possession du portefeuille de José Angelo (Wagner Moura), ancien bras droit du député corrompu Santos. Pour le punir, l’inspecteur Frederico (Selton Mello) l’enferme à l’arrière d’une voiture de police tandis que le conducteur s’amuse à faire de brusques dérapages pour que la tête du jeune garçon heurte violemment les vitres barbelées. Le spectateur assiste à cette scène inhumaine à travers les yeux de Frederico qui, installé à son volant, écoute tranquillement un morceau de musique classique. Il s’agit donc d’une dichotomie entre ce qui se voit et ce qui s’entend, ce qui se passe et ce qui est ressenti, qui montre un peu trop clairement que culture ne signifie pas nécessairement civilisation.

Slumdog Millionaire au Brésil

Libération a vu juste : « Favelas est un thriller politique pour préados, avec de longues courses-poursuites et de souriants moments d’amitié partagée ». Un thriller politique gentillet donc, où l’on est soit méchant, soit gentil. Santos, le député ambitieux, corrompu jusqu’aux bouts des ongles, devient la figure emblématique du capitaliste exploiteur, qui dans un système gangréné par l’injustice sociale fait fortune.

La fin du film fait directement écho aux manifestations qui ont secoué Rio l’année dernière, alors que les fonds publics étaient investis dans la Coupe du Monde et non pas dans l’aide aux populations pauvres de la région. Cependant, l’aspect polémique de Favelas ne fait pas long feu : une morale finale pleine de bons sentiments et un happy end à l’américaine font définitivement du film une réplique un peu fade de Slumdog Millionaire, alors qu’on aurait pu attendre du réalisateur de Billy Elliot et de The Reader une œuvre plus subversive.

Bande-annonce – Favelas

Favelas: Fiche technique

Réalisation : Stephen Daldry
Scénario : Felipe Brag, Richard Curtis, d’après le roman d’Andy Mulligan
Distribution : Martin Sheen, Rooney Mara, Wagner Moura, Selton Mello, Rickson Tevez, Gabriel Weinstein, Eduardo Luis
Montage : Elliot Graham
Musique : Antonio Goldman
Photographie : Adriano Goldman
Sociétés de production : 02 Filmes, PeaPie Films, Working Title Films
Durée : 115 min
Genre : Action
Date de sortie française : 12 novembre 2014