Le Colibri (surnom du personnage principal) du film fresque de Francesca Archibugi, adapté du roman éponyme de Sandro Veronesi met en scène les beautés des Storia della vita, leurs mémoires éclatées et étirées, leurs temps vibrés, leur qualité de durée entrelacée à de la fulgurance ou de la fugacité.
« Un cerveau très développé, un cœur gros, une capacité à voler à reculons et à effectuer 100 battements d’ailes par seconde… Le colibri est un volatile exceptionnel à bien des égards ». Le film de Francesca Archibugi est en tous points ce Colibri.
A quoi tient une vie humaine ? Embrasser avec émotion et lucidité les changements et l’immobilité perpétuels. Avec le même appétit, la même folie ou magnanimité, faire face aux échecs, tenir les attentes et jouir d’une joie vaste et fêlée : c’est la gageure de ce film dont certains critiqueront quoi au juste ? La vie même. Telle quelle !!!
Gros et haut en cœurs
Disons le tout de suite le Colibri est un film au cœur haut, ardent, un mélodrame très fort qui ne craint pas d’embrasser excessivement et subtilement les passions humaines. La première qualité du film est cette sincérité, cette manière désencombrée de réticences de nous plonger au cœur de vies fébriles et déchirées par les pertes, les troubles, les mensonges, les fantasmes et les joies.
Le Colibri vibre de toutes ses fibres narratives et s’illumine de tout ce qui constitue profondément les émotions archaïques de toute existence.
Passé, Présent, Avenir mêlés
Que ceux qui ne voient dans le cinéma qu’un pur divertissement chargé de les distraire( et au fond de mépriser leur vie) passent leur chemin ou viennent au trois quart assister à l’une des plus belles scènes de cinéma vie vue depuis longtemps: une scène de jeu où le joueur destiné à perdre gagne et renonce à son gain. Ecouter-voir alors ce qu’il dit. Ce qu’il propose. Le cinéma est toujours au meilleur une proposition, parfois juste une position ou une injonction.
Ici le film de Francesca Archibugi renoue avec le meilleur du cinéma italien: sa peinture néoréaliste prenante et foisonnante, ses sagas familiales déchirantes, sa sophistication ancrée, ses manières d’embrasser avec souffle et vitalité ce qui nous tord et nous étreint. Le Colibri fait songer aux Meilleures Années de Marco Tulio Giordana traversant le destin historique de l’antipsychiatrie.
Le montage et le mouvant
Nous vivons la storia della vita de Marco Carrera dit le Colibri interprété par le divin Pierfrancesco Favino. Et cette autobiographie est riche en tourments, amours de jeunesse idéalisés( Bérénice Bejo délicieuse de grâce), trahisons de l’âge mur, choix et décisions face à l’irrémédiable. Dans ce kaléiodoscope de vies et de destins, le montage tout en ellipses vives et fragmentations temporelles véloces donnent à voir l’authenticité d’une mémoire, le tissu d’une durée sans cesse percutée et transfusée par des réminiscences du passé ou des appels de l’avenir.
Ce montage faisant intervenir tous les temps ( passé-présent-avenir) sur un plan étale et condensé perturbe provisoirement pour finalement nous emporter viscéralement dans ces moments d’âme incarnés par un Pierfrancesco Favino tout en mansuétude et compassion.
Car c’est bien cela que nous donne à vivre et ressentir Francesca Archibugi dans son Colibri, la vie ce ne sont pas des états de l’âme mais des stances, des paliers, des trous d’airs, des stases, des éclats, des décollages et atterrissages de l’âme. Rien d’autre. Ou tout autre. Pur vol et envol au plus près de ceux qui ont toujours été nos indéfectibles amours, nos brûlures jamais cicatrisées, nos passés, nos avenirs, nos sur-place, nos sursauts, nos troubles, nos incompréhensions, nos inconsolables.
Bande-annonce : Colibri
Fiche Technique : Colibri
Titre original Il colibrì
Réalisatrice : Francesca Archibugi
Scénaristes : Francesca Archibugi, Laura Paolucci
Avec Pierfrancesco Favino, Kasia Smutniak, Bérénice Bejo…
2 août 2023 en salle / 2h 06min / Drame
Distributeur : Paname Distribution
Synopsis du film : Début des années 70. C’est au bord de la mer que Marco Carrera rencontre pour la première fois Luisa Lattes, une belle fille un peu particulière. C’est un amour qui ne sera jamais consommé mais qui ne s’éteindra jamais. La vie conjugale de Marco se déroulera à Rome, avec Marina et leur fille Adèle. En proie à un destin sinistre qui le soumet à de terribles épreuves, Marco se retrouve à Florence. Prêt à le protéger des pires coups du destin, Daniele Carradori, psychanalyste de Marina, apprend à Marco à faire face aux changements les plus inattendus de la vie.