Bird : La sincerité au service de l’émotion

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Copyright Atsushi Nishijima | Bird
Beatrice Delesalle Redactrice LeMagduCiné

Bird : Après un détour par le documentaire Andrea Arnold revient à la fiction en évoquant des thématiques qui lui sont chères avec un angle de vue renouvelé et poétique.

Synopsis : À 12 ans, Bailey vit avec son frère Hunter et son père Bug, qui les élève seul dans un squat au nord du Kent. Bug n’a pas beaucoup de temps à leur consacrer et Bailey, qui approche de la puberté, cherche de l’attention et de l’aventure ailleurs.

La belle et les bêtes

Bird, Wasp, Cow, Fish Tank…. Andrea Arnold aime la nature, et les bêtes. Née dans le Kent, entre la campagne et la capitale pas si lointaine, la cinéaste connaît, comme elle aime à le rappeler, aussi bien les champs et les bois que les crayères et les autoroutes. De fait, c’est dans une parfaite synthèse du béton et de la nature qu’elle débute son film avec sa jeune héroïne, Bailey (épatante  Nykiya Adams), une jeune fille taciturne et solitaire, qui aime filmer les oiseaux avec son téléphone portable. Elle aime d’ailleurs filmer la vie avec son téléphone portable, un véritable filtre entre elle et le monde. Surgit alors dans un bruit de macadam froissé  Bug, le torse nu, le tatouage florissant, son père interprété par un excellent Barry Keoghan, cabotin mais pas trop 30 ans au moment du tournage. Un père très jeune donc,  un homme fougueux qui la remmène chez eux en zigzagant sur sa trottinette électrique. On traverse une cité plutôt charmante, pour atterrir dans un squat autrement plus délabré, maculé de graffiti, que Bailey et Bug partagent avec Hunter, son demi-frère tout aussi atypique.

Bug annonce son mariage avec Kayleigh, une jeune femme rencontrée trois mois plus tôt, ce qui explique son euphorie. Fauché comme toujours, il présente son idée à Bailey, une idée farfelue et illégale à la Bug, pour financer la fête. Bailey s’insurge contre les deux, le mariage et l’idée farfelue, et de rage et de frustration, quitte le « domicile »  pour finir à la belle étoile. C’est là qu’elle rencontre au petit matin Bird, une véritable apparition, un homme étrange, interprété par Franz Rogowski. Bird, comme les oiseaux qu’elle aime tant, un homme fantasmatique habillé d’un faux kilt et qui dort nu et débout sur le toit d’un immeuble. Bird, comme sans doute l’oiseau qu’elle veut être. Il n’en faut pas plus pour attirer Bailey.

Bird est un film initiatique, et la jeune fille de 12 ans, découvre beaucoup par elle-même, sans aucun adulte référent pour la guider, bien au contraire, entre une mère à peine adulte qui s’est affublée d’un petit copain extrêmement abusif, et un père toxico et irresponsable entouré d’amis à l’avenant. Elle découvre la vie par surprise, par accident et par nécessité. Mais la présence de son nouvel ami Bird apporte un grain d’évasion lui permettant de s’extirper des problèmes de son monde compliqué, nourri d’une pauvreté que la violence ne tarde jamais à côtoyer. Bird lui-même est aussi un être égaré, à la recherche de ses racines ; ainsi, Bird et Bailey donnent l’un à l’autre mais aussi reçoivent l’un de l’autre et s’il y a une magie dans ce film, c’est surtout celle-là :  la magie d’une grande bienveillance et d’une belle amitié qui éclosent au milieu du chaos. La magie de l’amour aussi qui fraie son chemin et qui arrache un sourire au visage grave de Bailey pendant la choré de Cotton Eye Joe au mariage de son père.

Andrea Arnold n’a jamais été aussi jeune qu’à 63 ans. Filmé comme d’habitude avec une caméra à l’épaule, le film déborde d’une énergie paradoxalement très positive, malgré l’étiquette de réalisme social qui lui colle à la peau. On retrouve la même vibe que dans son excellent court-métrage Wasp, la pauvreté crasse d’une population jeune (focalisée dans ses films sur les très jeunes mères célibataires de familles nombreuses) allant pourtant de pair avec  une féroce joie de vivre. Bird baigne dans  une bande-son actuelle et 100% british, allant du rock au rap, emportée notamment par les Fontaines DC ou  l’ambient de Burial, mais qui ne dédaigne pas un classique des Coldplay ou un morceau de Blur déclamé par Bug à sa jeune et improbable épousée. C’est notamment cette étonnante symbiose avec la réalité de la jeunesse qui rend Bird aussi attachant.

Reparti bredouille de Cannes quand les précédents ont presque tous remporté le prix du Jury, Bird est pourtant une belle ode à la liberté. La symbolique de l’oiseau est forte bien qu’un peu facile, et apporte de la fraîcheur et de l’espoir dans une société britannique (mais pas que) désespérante et qui n’est pas toujours très tendre avec ses laissés-pour-compte. Même si son film semble moins percutant que Fish tank ou Les Hauts de Hurlevent, la cinéaste continue de réaliser des films d’une grande sincérité et d’une grande liberté, pour notre plus grand bonheur.

Bird – Bande-annonce

Bird – Fiche technique

Réalisatrice : Andrea Arnold
Scenario : Andrea Arnold
Interprétation : Nykiya Adams (Bailey) Franz Rogowski (Bird), Barry Keoghan (Bug) Jason Buda (Hunter), Jasmine Jobson (Peyton), Frankie Box (Kayleigh), James Nelson-Joyce (Skate),  Jason Williamson (Fred),  Sarah Beth Harber (La mère deDionne) , Rhys Yates (Beck), Joanne Matthews (Debs) , Kirsty J. Curtis (la mère de Moon), Calum Speed (Leon)
Photographie : Robbie Ryan
Montage : Joe Bini
Musique : Burial
Producteurs : Lee Groombridge, Juliette Howell, Tessa Ross Coproducteur : Olivier Père
Maisons de production : House production Co-production : Ad Vitam Production, Arte France Cinema
Distribution : Ad Vitam Distribution
Durée : 119 min.
Genre : Drame
Date de sortie : 1er janvier 2025
Royaume-Uni·Etats-Unis·France·Allemagne – 2024

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Redactrice LeMagduCiné