Deux nouveaux albums nous permettent de renouer avec l’humour décalé et parfois trash des éditions Lapin : Ultimex : Strip Club de Gad et Psychanalyse du marine de l’espace de Wandrille. Bien qu’issus de registres totalement différents, ils partagent une volonté de bousculer les conventions et de s’attaquer à des thématiques de société avec un humour subversif et un regard critique.
Ultimex : Strip Club – Au service de la provocation
Ultimex : Strip Club est, disons-le, une œuvre trash, provocatrice, qui n’hésite pas à faire éclater les tabous. Avec un humour délibérément choquant, elle met en scène Ultimex, un personnage cynique, misogyne et moralement abject, accompagné de son acolyte Steve, dont les déboires sentimentaux et physiques nourrissent le comique de situation. Le ton de l’album est d’emblée annoncé : la série se moque des codes sociaux et de la politique en multipliant les gags autour des stéréotypes et des travers humains. Ultimex n’a aucune limite, et cela se reflète dans une narration qui s’affranchit de toute structure complexe pour privilégier l’humour, en une ou plusieurs cases.
Loin de viser une réflexion profonde sur la société, Ultimex : Strip Club semble davantage être une satire irrévérencieuse, voire une attaque frontale contre les formes de bienséance modernes. Son style graphique sommaire et son humour excessivement osé visent un public averti, à la recherche d’une lecture sans concession. Ce sont principalement ses personnages caractérisés comme des êtres détestables (dans un style Archer) et leurs aventures dénuées de toute morale, parfois à la limite du scatophile, qui constituent le cœur de cette œuvre, la rendant radicale mais aussi largement clivante.
Psychanalyse du marine de l’espace – L’introspection chez les guerriers cosmiques
En contraste avec Ultimex, Psychanalyse du marine de l’espace de Wandrille s’inscrit dans un univers très spécifique, celui des geeks. L’album se penche sur les tourments intérieurs des célèbres marines de l’espace, ces soldats d’élite d’un univers de science-fiction. À travers une série de gags textuels, chaque planche devient une introspection d’un héros de l’espace confronté à des dilemmes psychologiques et émotionnels. Les « enjeux » sont tout aussi absurdes que ceux d’Ultimex, mais la manière de les traiter diffère radicalement : ici, il ne s’agit pas tant de provoquer par la violence ou la transgression, mais plutôt de rire de l’absurdité des conflits internes de personnages par ailleurs redoutables.
Wandrille, avec une approche minimaliste (une planche, un gag, un bon mot), propose un format très court, dans lequel chaque dessin représente un instantané de l’angoisse ou de l’absurde vécu par un marine de l’espace. Cela permet d’offrir un regard décalé sur les frustrations de ces héros. L’humour ici est plus subtil, utilisant le contraste entre la violence supposée et la fragilité des personnages pour construire un univers comique. Le tout est imbibé d’une critique du sexisme, du racisme et des stéréotypes.
En bref
Les deux albums partagent une volonté de dénoncer les travers humains à travers un prisme déformé par l’absurde. Mais là où Ultimex : Strip Club plonge dans un humour volontairement régressif et excessif, Psychanalyse du marine de l’espace choisit une approche plus détournée, où l’absurde se livre sur le divan d’un psy, et se mêle à la satire sociale. Ultimex cherche à choquer par son cynisme, son sarcasme et son nihilisme, tandis que Psychanalyse du marine de l’espace questionne de façon plus douce mais tout de même incisive, en mettant en lumière les contradictions des figures héroïques classiques. C’est une réinterprétation de l’héroïsme stéréotypé, revu sous le prisme de l’introspection psychologique.
Ultimex : Strip Club et Psychanalyse du marine de l’espace illustrent chacun à leur manière une volonté de détourner les conventions, mais dans des registres distincts. Deux approches radicalement différentes, mais qui, à leur manière, interrogent le lecteur sur les travers de nos sociétés et sur les failles humaines.
Ultimex : Strip club, Gad
Lapin, janvier 2025, 64 pages
Psychanalyse du marine de l’espace, Wandrille
Lapin, février 2025, 24 pages





