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« Prise de bec » : à l’instar des hommes

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Rémy Benjamin et Geoffrey Delinte publient Prise de bec aux éditions Motus. Mettant en scène des animaux excentriques, ils s’amusent des comportements humains par les moyens détournés offerts par l’allégorie animale.

Prise de bec met en vignettes une série d’animaux – corbeau, cochon, vache, chien, etc. – fondus dans des récits à une planche exploitant le comique de caractère, de situation et surtout de répétition. À plusieurs reprises, Rémy Benjamin et Geoffrey Delinte confrontent un oiseau au ver de terre qu’il envisage d’avaler, mais ce dernier finit invariablement par se jouer de sa naïveté pour se tirer d’affaire. Un couple homosexuel de volailles se voit quant à lui mis à l’épreuve par les pleurs incessants de leur enfant adopté : tant leur condition amoureuse, leur rôle de parents et les effets des pleurs de leur petit sur les autres sont un objet de dérision (et de réflexion).

Les auteurs de cet album rafraîchissant prennent le parti, invariable, de satiriser les comportements humains par le truchement des animaux. Un mouvement de grève est initié parmi les dauphins (sorte de transports en commun des mers). Appâtés à l’aide d’une contrepartie pourtant insignifiante (un poisson), les grévistes se divisent et l’action est rompue. Dans un parc public, le comportement d’une vache et de son veau sont pointés du doigt par des animaux qui, dans la foulée, en viennent eux-mêmes à troubler ceux qu’is admonestaient. Un chien peine à répondre aux questions de son fils, des parents sont étouffés par les conseils éducatifs qu’on leur prodigue avec bienveillance, un cochonnet rêve de se déguiser en poulet mais est freiné par les moqueries que cela pourrait occasionner…

Souvent en six cases, avec des dessins ronds, d’une simplicité synonyme d’efficacité, Prise de bec extirpe du monde animal ce qui fait le sel – et l’absurdité – des relations humaines. Les difficultés parentales, l’hypocrisie sociale, les jugements à l’emporte-pièce, la prédation (y compris commerciale) se fondent dans des histoires brèves et amusantes, autonomes mais liées entre elles par le comique de répétition. Sans prétention, Rémy Benjamin et Geoffrey Delinte parviennent à faire mouche et à distraire le lecteur en épinglant certains traits constitutifs d’une humanité décidément étonnante.

Prise de bec, Rémy Benjamin et Geoffrey Delinte
Éditions Motus, avril 2022, 52 pages

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