Dans Poussière d’os, Ben Stenbeck nous plonge dans un univers dystopique ravagé où les rares survivants humains s’entredéchirent pour subsister. Porté par un style graphique percutant, l’album dépeint la survie d’un enfant sauvage traqué par des tribus cannibales, sous le regard curieux d’une intelligence artificielle. Une œuvre à la croisée de la science-fiction et du drame post-apocalyptique, qui rappelle Mad Max et des œuvres dystopiques comme La Route de Cormac McCarthy.
Poussière d’os plante le décor dans un monde en ruines, presque vide de toute vie, où l’humanité semble avoir régressé à un état bestial. Ben Stenbeck, connu pour son travail sur Hellboy, nous entraîne dans un futur cauchemardesque où seules quelques tribus éparses subsistent, réduites au cannibalisme pour survivre. Cette vision terrifiante de la fin de l’humanité se déploie dans un cadre visuel qui met en scène des paysages désolés, peuplés de créatures à peine humaines et de carcasses de voitures, ce qui accentue l’atmosphère de désespoir omniprésente.
Le héros, un jeune garçon mutique et débrouillard, cherche à naviguer au milieu d’une brutalité inouïe. Sa lutte pour échapper à ses poursuivants rappelle les épopées survivalistes les plus crues du genre post-apocalyptique, dans une veine comparable à celle de La Route. L’intelligence artificielle qui observe et interagit avec ce monde désolé ajoute une dimension supplémentaire à l’histoire, notamment vis-à-vis de ses intentions réelles.
Le rythme de l’intrigue est tendu, frénétique, ne laissant guère de répit. Dès les premières pages, le lecteur est happé dans une course-poursuite où chaque instant peut être le dernier pour le jeune garçon. Mais il y a un revers à ce procédé : les personnages souffrent d’un manque criant de caractérisation. L’aspect spectaculaire l’emporte à l’évidence sur le développement psychologique et le background des protagonistes.
Il semble que Ben Stenbeck ait dû sacrifier la dimension émotionnelle de son récit pour laisser place à l’action. Les scènes de combat sont intenses, mais elles éclipsent souvent les enjeux plus profonds que l’histoire pourrait aborder, notamment sur la nature humaine ou l’évolution des sociétés après une telle apocalypse.
La partie graphique ne rattrape que partiellement ces faiblesses conceptuelles. Ben Stenbeck déploie son talent de dessinateur avec des planches post-apocalyptiques inspirées, des personnages dotés d’une forte identité visuelle et un mélange globalement réussi de violence et d’esthétisme. La brutalité primitive transparaît clairement, mais certaines planches manquent cependant de détails et d’expressivité.
Ainsi, tenu en haleine, le lecteur ne saura cependant jamais vraiment d’où viennent les personnages, comment le monde en est arrivé là, ni quelles sont les véritables intentions de l’intelligence artificielle. Poussière d’os est à cet égard trop expéditif, avant tout sensoriel et immersif, et le lecteur ressortira de cette œuvre avec de nombreuses questions sans réponse, mais aussi avec le sentiment d’avoir parcouru un monde aussi fascinant que terrifiant.
Poussière d’os, Ben Stenbeck
Delcourt, septembre 2024, 144 pages