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« L’Arnaque des nouveaux pères » : le mythe de l’égalité parentale

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Dans L’Arnaque des nouveaux pères, les journalistes Stéphane Jourdain et Guillaume Daudin, accompagnés par l’illustrateur Antoine Grimée, s’attaquent à un sujet brûlant et parfois tabou dans la société contemporaine : le rôle des pères dans la parentalité. À travers cette bande dessinée reportage publiée aux éditions Glénat, ils démontrent que derrière l’image des « nouveaux pères » se cache une réalité bien loin des espoirs suscités. Alors que l’égalité des genres semble progresser à la surface, la charge parentale et mentale demeure en effet massivement féminine.

Malgré les apparences, les hommes ne gèrent que 29 % des tâches parentales. Ce chiffre présenté tôt dans l’album révèle une réalité alarmante, cachée sous le tapis, ou plutôt derrière l’image idéalisée des « nouveaux pères », félicités un peu rapidement pour leur implication supposée dans l’éducation de leurs enfants. Car les faits sont têtus et ils montrent que cet engagement paternel se limite souvent aux activités ludiques, laissant aux mères l’essentiel des tâches domestiques et de la charge mentale. Les rendez-vous médicaux, les devoirs scolaires, l’organisation du quotidien : toutes ces responsabilités demeurent largement féminines.

Les auteurs citent notamment des données de l’INSEE qui démontrent que plus il y a d’enfants dans un foyer, plus le père a tendance à se désengager. Cela est renforcé par une organisation du travail historiquement pensée par et pour les hommes, qui ne laisse guère de place à une réelle répartition égalitaire des tâches parentales. Les auteurs soulignent également que les tâches effectuées par les pères, telles que jouer avec les enfants ou les amener au parc, sont celles qui sont socialement valorisées et qui permettent de tisser un lien affectif, laissant de ce fait aux femmes les tâches plus ingrates et répétitives.

L’ouvrage explore évidemment les conséquences concrètes de cette inégalité persistante. Parmi les plus notables, les écarts salariaux entre hommes et femmes se creusent souvent dès la naissance du premier enfant. En effet, les congés de maternité, plus longs et plus fréquents que les congés de paternité, freinent l’avancement professionnel des femmes. De même, le temps partiel, souvent choisi par nécessité pour s’occuper des enfants, est majoritairement pris par les femmes, perpétuant ainsi un cercle vicieux de dépendance économique et d’inégalités professionnelles.

L’Arnaque des nouveaux pères fait plus que dénoncer les inégalités ; il les documente et interroge les raisons pour lesquelles elles persistent. Une partie du livre se consacre aux injonctions sociales que subissent les femmes. Elles sont souvent les principales gestionnaires du foyer, s’infligeant elles-mêmes une pression immense pour répondre aux attentes de « bonnes mères » tout en maintenant, quand c’est possible, une vie professionnelle active. Ce phénomène, connu sous le nom de « charge mentale », est analysé à travers des témoignages de femmes et de spécialistes, qui décrivent comment cette surcharge cognitive influence négativement leur santé, leur couple, leur qualité de vie.

Les auteurs pointent également du doigt le système de congé parental en France, qui favorise un déséquilibre dès le départ. Après le congé de paternité, généralement plus court, les mères restent souvent à la maison plus longtemps, développant des compétences parentales que les pères n’acquièrent pas nécessairement. Ce décalage initial crée des habitudes et des rôles genrés difficiles à briser par la suite. Parmi les pistes évoquées pour un partage plus équitable des tâches domestiques et parentales, un meilleur équilibre des congés parentaux entre les deux parents apparaît comme essentiel. L’exemple des pays nordiques, tels que la Suède, où des congés de paternité plus longs et obligatoires ont été introduits dès les années 70, est mis en avant comme un modèle de référence.

Les auteurs mettent également en lumière la nécessité de revoir l’organisation du travail, qui doit être plus inclusive et flexible pour permettre à tous les parents, hommes comme femmes, de s’impliquer également dans l’éducation de leurs enfants. L’Arnaque des nouveaux pères parvient à décortiquer les illusions et les réalités de l’évolution des rôles parentaux depuis plusieurs décennies. Ils posent la question : combien de temps faudra-t-il pour parvenir à une véritable égalité entre les sexes dans la parentalité ? À travers leurs rencontres avec des pères suédois, des chercheurs, des mères et d’autres acteurs de la société, et après avoir procédé à un bref rappel historique, les auteurs dressent un portrait nuancé mais sans concession de la situation actuelle et des défis à relever.

L’Arnaque des nouveaux pères, Stéphane Jourdain, Guillaume Daudin et Antoine Grimée
Glénat, septembre 2024, 184 pages

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