Les éditions Glénat publient Kundan, de Luana Vergari et Emmanuel Civiello. Un récit en deux temps, de vengeance et de sang, partagé entre l’Inde et l’Angleterre.
L’histoire de Kundan débute sur une scène de massacre. En Inde, les prêtresses de la déesse Durga livrent une guerre totale aux vampires, exterminant jusqu’au dernier ces créatures de la nuit… ou presque. Un enfant échappe à l’anéantissement. Il est alors porteur d’une vengeance aussi patiente qu’implacable. Ce prologue, à la fois mystérieux et violent, ancre le récit dans un mythe fondateur. Vingt ans plus tard, la vengeance s’apprête à s’accomplir, mais dans un tout autre décor : les brumes sombres et inquiétantes du Londres de 1910.
C’est dans une capitale anglaise suintant la peur que l’intrigue principale prend son essor. Un jeune garçon est retrouvé vidé de son sang, et le chef de la brigade de nuit, Lord Benedict, se lance dans une enquête aux implications bien plus terrifiantes qu’il ne l’imagine. Dès le départ, l’ombre d’un nouveau venu, Kundan, plane sur cette affaire sanglante. Ce dernier, prétendument recommandé par Sir Oliver, semble se trouver bien trop souvent à proximité des meurtres. Est-il un allié de confiance ou une menace tapie dans l’ombre ?
Les meurtres se succèdent, et la rumeur enfle : la population, fébrile, évoque tour à tour un tueur en série, un démon ou une sorcière. L’inquiétude grimpe d’autant plus qu’un vent de révolte souffle en Inde, menaçant l’empire colonial britannique. Chargé de pacifier la situation sur place, Lord Benedict demande à être accompagné de Kundan, loin de se douter qu’il transporte ainsi avec lui la source de la terreur londonienne vers une terre où le passé s’apprête à ressurgir.
Luana Vergari propose un récit qui s’inscrit à la croisée des influences. D’un côté, Kundan reprend avec brio les codes du vampirisme victorien, dans la lignée de Dracula de Bram Stoker, en plongeant le lecteur dans une atmosphère gothique où l’ombre et le sang dictent leur loi. De l’autre, elle insuffle à son intrigue une profondeur culturelle fascinante en intégrant le bestiaire et le folklore indiens. Cette double influence confère au récit une densité singulière.
La figure de Kundan mérite également que l’on s’y attarde. Loin d’être un simple monstre, le protagoniste est animé par un passif traumatique, il agit dans l’ombre pour accomplir sa vengeance, fruit d’une tragédie originelle. Cette dimension tend à ancrer l’intrigue dans une réflexion sur le temps long et l’irréductibilité des conflits ancestraux. Pour magnifier ce scénario, on peut compter sur le trait inspiré d’Emmanuel Civiello, qui marque les esprits. Intensité visuelle, Londres dépeinte sous un voile de ténèbres, sens de la mise en scène : Kundan se regarde avant de se lire.
Avec Kundan, Luana Vergari et Emmanuel Civiello livrent un premier opus prometteur qui convoque enquête criminelle, récit vampirique et tensions politiques, avec rythme et maîtrise. L’intrigue avance rapidement et pose clairement les enjeux, mais cela n’empêche pas la caractérisation réussie de l’antagoniste. La suite s’annonce haletante : le sang a coulé, mais il n’a pas fini de réclamer son dû.
Kundan, Luana Vergari et Emmanuel Civiello
Glénat, janvier 2025, 64 pages