Tout-Chabrol-critique

Laurent Bourdon nous raconte « Tout Chabrol »

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

C’est une somme de près de 700 pages que Laurent Bourdon consacre à Claude Chabrol aux éditions LettMotif. De quoi effeuiller un monstre sacré du cinéma français. Et s’enquérir des ressorts d’un cinéma appelé à faire date.

Tout Chabrol, donc. L’ancien des Cahiers du cinéma voit sa filmographie détaillée par le menu, film après film. Le journaliste Laurent Bourdon retrace la genèse de ses œuvres, qu’elles aient vu le jour sur petit ou grand écran. Il collectionne les citations, rapporte les anecdotes, restitue les faits et leur contexte, se livre à plusieurs (courtes) analyses filmiques. Sur la longueur, on peut avoir l’impression d’un portrait en actes. Chabrol s’entoure des uns, se détache des autres, envisageait ceci mais réalisa cela. C’est un personnage, un visionnaire, un chef d’orchestre qui s’expose au lecteur et ce, dès la biographie qui noircit les quarante premières pages de l’ouvrage.

On aurait bien du mal à identifier le public ciblé par Laurent Bourdon. Tout Chabrol recèle d’histoires passionnantes et évite les démonstrations pompeuses. Il cite volontiers, par association, François Truffaut, Orson Welles, Alfred Hitchcock ou Fritz Lang. Il évoque avec passion le cinéma, son artisanat et ses arrière-boutiques. Mais il n’en demeure pas moins accessible aux profanes, qu’il accompagne pas à pas à mesure qu’il s’épanche sur la carrière de celui que François Berléand, rédacteur de la préface, appelle « Chacha ». Chacun des projets chabroliens est scrupuleusement répertorié, résumé, commenté et augmenté d’une revue de presse offrant un panorama précis de sa réception critique. Une information utile à la juste appréhension de la place du héraut de la Nouvelle vague dans le septième art à travers le temps.

Car celui qui est étroitement associé au renouveau du cinéma français des années 1950-1960 devra aussi s’accommoder des films de commande, des projets avortés ou dénaturés, des échecs commerciaux et des critiques de la presse. Il aura des velléités étonnantes (faire du porno, par exemple), des rapports complexes avec certains comédiens (Romy Schneider notamment), des collaborations plus apaisées et prolifiques (comme avec le compositeur Pierre Jansen ou le producteur Marin Karmitz), une « parenthèse documentaire », une carrière parallèle dans la téléfiction, des rencontres décisives (Stéphane Audran, Paul Gégauff) et tout un tas d’expériences professionnelles, tant douces qu’amères, qui donne sa chair à l’ouvrage de Laurent Bourdon.

En appendice de celui-ci apparaissent de brefs chapitres dédiés aux publicités et à l’entourage de Claude Chabrol. On apprend notamment le relatif dédain du cinéaste pour les premières et la fidélité professionnelle qu’il a toujours conservée à l’égard du second, comprenant notamment sa femme, qu’il décrit comme « la meilleure scripte française ». De quoi compléter cette étude passionnée et exhaustive, qu’on recommandera tant aux amateurs de Claude Chabrol ou de la Nouvelle vague qu’à tous ceux qui chercheraient une porte d’entrée vers un réalisateur-phare du cinéma français.

Tout Chabrol, Laurent Bourdon
LettMotif, août 2020, 680 pages

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