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Temps glaciaires, Adamsberg en Islande

Dans cet épais rompol (490 pages) assez typique de Fred Vargas, le commissaire Jean-Baptiste Adamsberg, égal à lui-même, agit beaucoup à l’inspiration, au grand dam de ses équipiers. L’intrigue trouve ses sources dans le passé (jusqu’à la Révolution), ainsi que loin de la France, puisqu’Adamsberg enquête jusqu’en Islande.

L’attention d’Adamsberg et de son équipe se trouve attirée par une série de suicidés auprès desquels on trouve le même symbole. Rapidement, l’équipe des policiers acquiert la conviction qu’il s’agit de meurtres. Le lien se trouve confirmé quand ils sont contactés par le président d’une association qui mérite l’attention. En effet, ils sont plusieurs centaines à se réunir régulièrement pour reprendre les séances de la Convention, en pleine Terreur. Ils découvrent que Château, le président de cette association, y joue à chaque fois le rôle de Robespierre. Un rôle qu’il joue tellement bien que les policiers se font tous la même réflexion : quand Château monte au créneau (à la tribune) pour s’exprimer, il est littéralement Robespierre. Bien qu’il ait contacté Adamsberg (dans des conditions un peu rocambolesques), comment ne pas le suspecter ? D’ailleurs, Château refuse de donner le moindre nom, pas même ceux de ses adjoints dans l’association qu’il préside. Il faudra les désigner par Leblond et Lebrun pour les distinguer.

Une enquête tournée vers le passé

Le tout premier de ces cas suspects amène l’équipe d’Adamsberg à enquêter un peu à l’écart, en province, dans une propriété située à Le Creux. Si on mange plutôt bien à l’auberge du coin, il semblerait que le nom du patelin soit plutôt en rapport avec une légère déclivité de terrain. Comme par hasard, le maître des lieux vient de mourir. Il se serait suicidé en se tirant une balle dans la bouche avec son fusil. Une petite investigation des policiers amène à penser que cette mort est à relier avec les autres. Du coup, Adamsberg et son équipe s’intéressent aux habitants de cette sorte de manoir (ainsi que des environs, puisqu’ils montent à cheval et que celui qui tient le haras a fait de la prison et qu’il détient un réel pouvoir sur ses chevaux). Malgré le soutien de celui qui lui sert d’homme de confiance, le récent orphelin a du mal à comprendre ce qui se passe. Adamsberg cherche à comprendre le lien qu’il sent entre ces deux hommes. C’est ainsi qu’une vieille histoire émerge et conduit Adamsberg jusqu’en Islande !

Quelques réticences, vite balayées

Les réticences qui affectent l’équipe d’Adamsberg correspondent assez bien aux réticences du lecteur (la lectrice) qui a du mal à comprendre l’intérêt de l’épaisseur du bouquin, puisque pendant quelques chapitres on se demande, comme une partie des policiers, pourquoi Adamsberg abandonne Paris pour aller en Islande sur un coup de tête, presque comme s’il voulait faire un peu de tourisme en attendant que la situation évolue à Paris. Et, puisqu’Adamsberg va en Islande, on pense forcément à Arnaldur Indriðason, le spécialiste islandais de la littérature policière. Autant dire que le passage en Islande ne déçoit pas. Et si Indriðason adore faire un lien dans ses enquêtes avec un passé relativement lointain, Fred Vargas ne remonte que de quelques années en arrière, pour qu’Adamsberg tente de faire la lumière sur un drame marquant. Alors, même si on sent un petit flottement pendant quelques chapitres, c’est pour mieux nous asséner certaines révélations et nous captiver dans la dernière partie. On peut quand même dire que la résolution de l’affaire se fait de manière un peu brutale. Certes, on n’a rien vu venir, pas plus que les équipiers d’Adamsberg, qui pourtant avaient toutes les cartes (parisiennes) en main. À vrai dire, toutes les enquêtes d’Adamsberg s’achèvent plus ou moins de la même façon, avec un final assez rapide où il explique ce qu’il fallait comprendre. Évidemment, pour ses coéquipiers, c’est toujours un peu frustrant, car il utilise surtout son instinct, une manière qui n’appartient qu’à lui (quelque chose qui tient de la macération dans son cerveau) – et donc absolument inimitable. On remarquera qu’une fois de plus, Fred Vargas s’amuse beaucoup à flirter avec les croyances populaires et une façon d’interpréter les événements qui tire vers le surnaturel (toujours de manière suffisamment subtile pour qu’une interprétation logique et rationnelle reste possible – voir l’intervention d’un afturganga, croyance typiquement islandaise). On remarquera également que tous les personnages de l’univers d’Adamsberg sont ici présents, notamment dans sa brigade.  Mais si la présence de Danglard (et ses connaissances encyclopédiques) se remarque (surtout qu’il se met dans une position tellement inconfortable qu’on craint pour son avenir), ainsi que celles de Veyrenc (déjà moindre) et de Retancourt (physique, caractère), les autres doivent se contenter de leurs habituels rôles de faire-valoir. Finalement, le principal reproche à faire à ce rompol qui ménage quelques fausses pistes, c’est un aspect sans doute un peu plus fabriqué que les premiers qui ont contribué à la réputation de Fred Vargas. Tout le soin qu’elle met à se renouveler, tout en proposant une intrigue et des personnages originaux, se fait à mon avis au détriment d’une certaine spontanéité, car son style est désormais plus policé qu’à ses débuts. Si l’originalité de style se fait plus discrète, on trouve heureusement toujours des comportements atypiques chez certains personnages (sans oublier un sanglier affublé d’un prénom masculin). Des monomaniaques, mais moins surprenants qu’avant.

Temps glaciaires, Fred Vargas
Flammarion, mars 2015, 496 pages

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3.5