Docteur en études cinématographiques, l’essayiste Jacques Demange se penche cette fois, après avoir exploré la filmographie de Robert Redford, sur Natalie Portman et ses dualités, dans un ouvrage paru aux éditions LettMotif.
Quand on se passionne pour le métier d’acteur comme le fait Jacques Demange, Natalie Portman peut se révéler un objet d’étude fascinant. Par la mutation physique qui a accompagné sa filmographie, par une image publique écartelée entre les publicités Dior et ses études en psychologie à Harvard ou à travers l’écho qu’elle offre à Stanislavski ou Strasberg, la comédienne et réalisatrice israélo-américaine voit se porter sur elle toutes sortes de réflexions. Jacques Demange va même plus loin, puisqu’il appréhende son jeu comme une chorégraphie, un travail respiratoire et lacrymal ou encore une intériorité dont la pluralité serait caractérisée par la pose, la posture, le regard ou le corps.
Du corps, justement, il en est beaucoup question dans l’essai qui nous intéresse. Qu’il s’agisse de suggérer une sexualité naissante dans Léon, d’énoncer la mutation vers l’âge adulte dans la saga Star Wars ou de symboliser la dualité et les fêlures dans Black Swan, l’attention portée au corps est constante. L’auteur revient d’ailleurs abondamment sur les transformations physiques de Natalie Portman, de l’enfance à l’âge adulte, et sur la manière dont les cinéastes se sont attachés à mettre en scène la comédienne. C’est une affaire de regard et d’espace dans Free Zone, de fantasme dans Closer, de grâce ou d’animalité dans Black Swan ou encore de jeu instinctif dans Léon. Mais les performances de Natalie Portman ne sont jamais réductibles à l’une ou l’autre de ces caractéristiques, puisque s’y mêlent des rimes visuelles, des partis pris stylistiques, des allusions de tout ordre. Toute l’entreprise de Jacques Demange consiste précisément à en traduire les effets.
Dans Jackie, les représentations de la Première Dame semblent entrer en résonance avec sa psyché, mais aussi les événements qui secouent les États-Unis. Dans New York, I Love You, le costume s’érige en extension du jeu de Natalie Portman. V pour Vendetta questionne l’articulation entre l’image et le discours. Jane Got a Gun procède à la conciliation des différentes facettes de la féminité par une mise en scène sophistiquée. En clerc, Jacques Demange étudie non seulement les performances de Portman, mais aussi la relecture qu’en offrent les techniques de réalisation employées lors de ses apparitions à l’écran. Il cherche ainsi à relier la comédienne et la manière dont elle est « captée » au film et à son propos, ses scènes appelant à un effeuillage des intentions de réalisation. L’ensemble ne prétend pas à l’exhaustivité, mais permet toutefois une appréhension pertinente de la carrière de Natalie Portman.
Natalie Portman, Jacques Demange
LettMotif, septembre 2021, 296 pages