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éditions Les Impressions Nouvelles

Maigret, Docteur ès crimes, de Jean-Baptiste Baronian

Le 4 septembre 1989 mourait Georges Simenon. Trente ans plus tard, il est toujours temps de se plonger dans son œuvre gigantesque pour en découvrir la cohérence. Jean-Baptiste Baronian, à travers son ouvrage Maigret, Docteur ès crimes, paru aux éditions Les Impressions Nouvelles, dresse le portrait d’un des plus célèbres policiers de fiction du XXème siècle.

Jean-Baptiste Baronian est un passionné. Cela se sent à chaque page de ce court livre (120 pages, la durée moyenne d’un roman de Simenon, ou peu s’en faut). Il connaît le roman policier dans son ensemble, comme le prouve son introduction, qui prend la forme d’un bref historique schématique du genre, ce qui permettra de mieux situer l’originalité du personnage de Jules Maigret. Tout au long de son Maigret, Docteur ès crimes, il va étudier la personnalité, les habitudes, mais aussi les ambiguïtés de ce personnage unique. Et il va le faire avec force exemples, citant des situations précises issues des romans et nouvelles du grand écrivain belge, mais aussi des textes de critiques, des extraits d’interviews de Simenon.

Tout cela permet de dresser le portrait d’un homme complexe. Sous certains aspects, Maigret est l’inverse de Sherlock Holmes, par exemple. Là où le détective anglais est rigide, accroché à une méthode scientifique dont il ne démord jamais, le commissaire français semble agir un peu au gré de son humeur. D’ailleurs, Baronian nous rappelle que l’humeur de Maigret est bien changeante : le policier passe de la jovialité et la chaleur humaine aux grognements bougons de l’homme contrarié, et le déroulement des enquêtes en est d’autant affecté.

Baronian commence son livre sur un fait essentiel. Ce commissaire qui semble ne pas avoir de méthode en cache quand même une : l’empathie. Avec lui, une enquête policière consiste à se glisser dans la peau des personnages, de la victime en particulier, connaître son rythme de vie, le milieu d’où elle provient, ses actions quotidiennes, etc. Tous les romans de Simenon, aussi bien ceux de la série Maigret que les « romans durs », sont basés sur ce principe : l’humanité.

Et finalement, c’est cela aussi la caractéristique principale du commissaire. Simenon a fait de lui un être humain, avec ses contradictions, ses zones d’ombre parfois, mais aussi avec cette infinité de petits détails, qui s’ajoutent les uns aux autres au fil des romans, et qui donnent cette épaisseur humaine à un personnage : des réminiscences de l’enfance arrivant de façon imprévue, ces verres de fine ou de bière qu’il prend un peu partout (et un peu tout le temps aussi), les hésitations, voire les erreurs, les colères ou les tendresses, et même cette attente de la retraite…

La grande qualité de Maigret, Docteur ès crimes est donc de nous faire découvrir ce personnage grâce à une vaste connaissance jamais pédante mais toujours passionnée. Et tout cela sans jamais dévoiler entièrement le mystère qui règne autour du personnage et qui lui donne une stature d’autant plus grande.

De plus, le livre de Baronian dégage une atmosphère similaire à celle des romans de Simenon : la présence de la Seine, l’odeur de la pipe, le Paris des années 40, les pavillons de banlieue, les gargotes au bord de l’eau, les bars pour mariniers (à juste titre, Baronian cite le motif de l’eau, la péniche, les mariniers, motif qui revient très régulièrement chez Simenon en général et dans les aventures de Maigret en particulier), etc.

De plus, au fil d’un chapitre, Baronian cite les points communs troublants entre Simenon et son personnage principal. Et ainsi, tout au long de son livre, il laisse de petites pistes de réflexion qui donnent envie de se replonger dans les romans pour approfondir tous ces propos.

En bref, un bon livre pour les amateurs du célèbre commissaire.

Maigret, Docteurs ès crimes, Jean-Baptiste Baronian
Les Impressions Nouvelles, octobre 2019, 125 pages