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47 Ronin de Carl Erik Rinsch : Critique du film

Critique 47 Ronin : De la pub mensongère façon hollywoodienne

Synopsis : Un perfide seigneur de guerre ayant tué leur maître et banni leur tribu, 47 samouraïs errants jurent de se venger et de restaurer l’honneur de leurs compatriotes. Arrachés à leurs foyers et perdus aux quatre coins des terres connues, cette poignée de rebelles se voit contrainte de recourir à l’aide de Kai – un demi sang qu’ils avaient jadis renié – lors de leur combat à travers un univers violent, peuplé de monstres mythologiques, de métamorphoses maléfiques et d’effroyables dangers. Cet exil sera l’occasion pour cet esclave rejeté de se révéler leur arme la plus redoutable, et de devenir la figure héroïque qui donnera à cette troupe d’insoumis l’énergie de marquer à jamais l’éternité.

Un budget montant jusqu’à 170 millions de dollars (ce qui est énorme) pour un démarrage aux États-Unis de seulement 10 millions de dollars (écho d’un cuisant échec commercial, qui s’est confirmé au fil des semaines). Qu’a-t-il bien pu arriver à cette production Universal pour décevoir à ce point ? D’autant plus que le film nous a été vendu comme une fresque épique et agréable à regarder, une sorte de Seigneur des Anneaux à la japonaise, qui devait servir de tremplin au retour de Keanu Reeves (ses derniers succès en date étant la trilogie Matrix et Constantine, c’est pour dire !)…

À première vue, nous pouvons véritablement nous poser la question, 47 Ronin étant un film réussi du point de vue visuel. Les 170 millions de dollars se sentent énormément à l’écran, et cela se voit dans la plupart des apports techniques du long-métrage. Par là, il faut bien entendre qu’il est question des costumes, véritables prouesses signées Penny Rose (qui a travaillé sur Les Pirates des Caraïbes). Des décors en studio, offrant par moment des plateaux de tournage démesurés. Des effets numériques vraiment jolis. De la photographie de John Mathieson, grand collaborateur de Ridley Scott. Tous ces détails qui font que 47 Ronin est un long-métrage hollywoodien très coloré, qui avait franchement de quoi offrir, et qui voulait nous faire partager un peu de la culture japonaise (cela se ressent par moment). Un nouveau Seigneur des Anneaux ? Pas vraiment…

Le naufrage de 47 Ronin s’explique en un seul mot : la production. En s’intéressant un peu plus au making-of du film, tout devient explicite. Qu’est-ce que 47 Ronin ? Il s’agit d’une « version blockbuster » d’une légende japonaise, adaptée à la sauce fantasy par Universal, qui a nommé un « inconnu » en la personne de Carl Erik Rinsch. C’est là que les ennuis commencent : le réalisateur veut un film 100% asiatique, les producteurs un divertissement accessible à tous (même les plus jeunes). Du coup, le film n’a connu que des divergences artistiques et des changements soudains orchestrés par la production. Le spectateur le ressent énormément.

À commencer par le casting : Keanu Reeves à la base, ni même son personnage, ne faisait partie du scénario. Au début, 47 Ronin devait suivre nos renégats japonais dans leur quête de vengeance, avec que des acteurs asiatiques (Hiroyuki Sanada, Rinko Kikuchi, Kō Shibasaki…). Mais pour les producteurs, ce n’était pas assez vendeur. Du coup, ils y ont greffé le personnage de Keanu Reeves (pour relancer également la carrière de l’acteur), un paria devenu protagoniste principal de cette aventure. Toutefois, cet ajout est trop visible… Pendant tout le long du film, on se pose cette question : « mais à quoi sert-il ? ». Constat cruel mais véridique pour ce comédien qui est carrément inutile à la trame, aux autres personnages, au film, qui se montre perdu comme jamais (le seul Américain dans un casting japonais). Le véritable héros, c’est Hiroyuki Sanada, étant le seul comédien potable de la distribution, celui à qui l’on s’attache le plus, celui dont l’enjeu se montre le plus intéressant de tous. En bref, celui qui aurait dû être en tête d’affiche.

Autre problème : le scénario. Pour une fresque épique à la Seigneur des Anneaux, avoir comme scénaristes Hossein Amini (Blanche-Neige et le Chasseur) et Chris Morgan (Wanted : Choisis ton destin, la saga Fast & Furious) posent déjà problème. Mais surtout, oser prétendre être l’équivalent d’une immense trilogie alors qu’on ne dure qu’1h58, c’est un peu nous prendre pour des imbéciles. Car, pour être l’égal des films de Peter Jackson, il faut étaler minutieusement son univers, ses personnages, ses trames… En moins de deux heures, c’est tout bonnement impossible ! De ce fait, nous nous retrouvons avec un film aux personnages inexistants, aux ellipses permettant des raccourcis maladroits, aux séquences s’enchaînant sans imagination, aux répliques affreusement creuses, aux clichés désespérants (cette romance…), aux incohérences indigestes (le personnage de Keanu Reeves n’utilise ses pouvoirs que de manière aléatoire ; ce géant de 2m30 en armure nous est présenté comme un surhomme, qui meurt au final de la façon la plus débile qui soit…). Sans oublier le remaniement qu’a subi le scénario de la part de la production, qui renforce le côté fouillis de l’ensemble, pour notre plus grand malheur.

 

Ce n’était pourtant pas une si mauvaise idée d’adapter cette légende populaire à la sauce heroic fantasy. Encore faut-il l’assumer pleinement ! La bande-annonce nous promettait des monstres, de la magie. De tout cela, vous n’aurez qu’une créature qui ne ressemble à rien au début du film, et une sorcière se transformant en dragon (au corps d’anguille…). C’est tout ! On a beau nous vendre un Keanu Reeves détenant des pouvoirs, ayant été élevé par des hommes-oiseaux, mais rien de tout cela ne transparaît à l’image. Quant au rythme du film, il est mal dosé. Qui expliquerait cette faible quantité de fantasy, mais également l’ennui qui pointe rapidement le bout de son nez (peu de scènes d’action épiques et flamboyantes comme il a été annoncé) et un montage anarchique (des ralentis ajoutés sans raison, des effets de style qui n’ont pas lieu d’être…).

Enfin, il convient de dénoncer l’énorme publicité mensongère qui a été faite sur ce film. La mise en avant de Keanu Reeves, qui n’a clairement pas sa place ici, alors qu’il est en tête d’affiche. Tout comme certains personnages, qui n’apparaissent dans le film que durant 10 secondes (le mec aux tatouages). Et surtout, où sont ces fameux 47 Ronin dont on ne nous cesse de faire l’éloge ? Nous avons juste droit à Keanu Reeves tentant de sauver sa bien-aimée et Hiroyuki Sanada en sauveur héroïque. Si vous vous attendiez à une bataille spectaculaire à la 300, c’est loupé !

47 Ronin est visuellement beau mais terriblement creux et mal emballé, ce genre de cadeau que l’on attend avec impatience et qui n’est finalement pas celui que l’on voulait, au point qu’il nous tarde de s’en débarrasser au plus vite. Décevant !

Fiche technique – 47 Ronin :

États-Unis – 2013
Réalisation : Carl Erik Rinsch
Scénario : Hossein Amini et Chris Morgan, d’après une histoire de Chris Morgan et Walter Hamada
Interprétation : Keanu Reeves (Kai), Hiroyuki Sanada (Oishi), Rinko Kikuchi (Mizuki), Kō Shibasaki (Mika), Tadanobu Asano (le seigneur Kira), Jin Akanishi (Chikara), Min Tanaka (le seigneur Asano), Masayoshi Haneda (Yasuno)…
Date de sortie : 2 avril 2014
Durée : 1h58
Genre : Action, aventure, fantastique
Image : John Mathieson
Décors : Jan Roelfs
Costumes : Penny Rose
Montage : Craig Wood
Musique : Ilan Eshkeri
Budget : 175 M$
Productions : H2F Entertainment, Mid Atlantic Films, Moving Picture Company et Stuber Productions
Distributeur : Universal Pictures International France

Auteur de la critique : Sebi Spilbeurg