Ce que l’on ignore ne nous tue pas, mais ce que l’on garde secret peut changer à jamais notre trajectoire. Le Retour d’une famille en Corse tire justement cette alarme, entre les railleries d’adolescents et leurs premiers émois. Catherine Corsini en profite également pour hurler son amour à cette île méditerranéenne et à la dernière génération qui l’investit de toutes ses forces.
Synopsis : Khédidja travaille pour une famille parisienne aisée qui lui propose de s’occuper des enfants le temps d’un été en Corse. L’opportunité pour elle de retourner avec ses filles, Jessica et Farah, sur cette île qu’elles ont quittée quinze ans plus tôt dans des circonstances tragiques. Alors que Khédidja se débat avec ses souvenirs, les deux adolescentes se laissent aller à toutes les tentations estivales : rencontres inattendues, quatre cents coups, premières expériences amoureuses. Ce voyage sera l’occasion pour elles de découvrir une partie cachée de leur histoire.
Tout juste après avoir éclaté les points de suture d’une unité d’urgentistes dans La Fracture, la réalisatrice semble revenir à La Belle Saison, celle du féminisme qu’elle a voulu capturer avec sincérité dans son film. Elle s’accroche ainsi à une narration très linéaire et moins nerveuse que dans le précédent. Catherine Corsini nous feinte alors d’entrée de jeu, avec une ouverture sans doute pas nécessaire pour que l’on saisisse la portée d’un deuil commun, qui frappe une mère et ses deux filles.
Cette famille retourne ainsi sur sa terre natale, où l’union de Khédidja (Aïssatou Diallo Sagna) et d’un mari absent interroge des enfants, sur qui le poids de la réussite pèse. La mère cherche à bien faire, quitte à tromper son monde pour que le sien ne s’effondre pas, car il s’arrête bien à l’existence de Jessica (Suzy Bemba) et de sa sœur cadette Farah (Ester Gohourou). Chacune d’elles a son côté sale gosse, rendant ainsi crédible certains virages significatifs, où l’une trouvera des réponses dans la maternité et l’autre dans la paternité. Elles dérivent donc jusqu’à s’enfoncer dans la végétation corse, un environnement sec et brûlant par moments.
L’été Corse
Tous les personnages ont droit à leur périple personnel, doublé d’une quête initiatique pour les adolescentes, pour qui le vertige de l’amour est encore inconnu, quelle que soit sa forme. C’est pourquoi l’irruption de Gaia (Lomane De Dietrich) dans le groupe rouvre peu à peu des plaies qui n’ont jamais cicatrisé. L’intrigue découvre aussi des hommes bagarreurs contre des femmes libérées, ou qui cherchent à l’être. On y célèbre également une jeunesse qui ne sait plus vraiment d’où elle vient ou quel avenir tracer. Est-on simplement destiné à la réussite avec un diplôme en poche ou y a-t-il d’autres moyens de ne pas tomber accros aux quatre cents coups ?
Par ailleurs, la cinéaste n’interroge pas la sexualité, mais bien la solitude des personnages à travers un deuil non résolu. Le Retour résout évidemment toutes ses problématiques, mais avec trop peu de subtilités pour rester dans nos mémoires. Son récit se dévore comme une glace sur la plage, avant de replonger dans le bain du quotidien. Certes, il n’y a pas de quoi se rassasier, mais dans le fond, on connaît tout le bien que ça nous fait.
Le Retour de Catherine Corsini est présenté en Compétition au Festival de Cannes 2023.
Par Catherine Corsini, Naïla Guiguet
Avec Aïssatou Diallo Sagna, Esther Gohourou, Suzy Bemba
Distributeur : Le Pacte