Maryam, médecin dans une clinique de l’Arabie saoudite rurale se voit refuser l’autorisation d’embarquer à bord d’un avion devant la mener à Riyad où elle souhaite devenir chirurgien, le document signé par son père ayant expiré. Tandis que ce dernier est absent, elle se rend chez son cousin, employé dans l’administration, dans l’espoir qu’il valide l’autorisation, malheureusement en vain.
Révoltée, Maryam découvre la possibilité de se présenter aux élections municipales. Son envie de changer les choses lui inspire sa candidature, mais autour d’elle, l’existence d’une femme candidate fait grincer des dents…
Présenté en sélection officielle à la Mostra de Venise 2019 mais sorti au cinéma le mercredi 12 août 2020, The Perfect Candidate fait partie de ces films nécessaires qui bousculent l’ordre établi et témoignent de situations ayant lieu de l’autre côté du globe et qu’on croit connaître à travers l’image qu’en renvoient nos médias.
Une réalisation presque documentaire
Avec une mise en scène très efficace, à la fois didactique et garnie de sous-texte, la réalisatrice saoudienne Haifaa Al-Mansour (Wadjda) déroule son propos sans une seconde d’ennui, sans un moment inutile. Presque tout est sans fioritures dans ce long-métrage où le rythme est le point fort, couplé à une photographie nette et épurée.
Ce film a presque quelque chose du documentaire, et c’est un choix qu’on salue, car très pertinent pour nous dépeindre cette société saoudienne machiste qu’on entrevoit sur nos écrans. La fiction permettant néanmoins à la réalisatrice de mieux contrôler son propos. Le double point de vue féminin et saoudien – à la fois le personnage de Maryam, mais aussi la réalisatrice sont des femmes saoudiennes, toutes deux instruites – promet un regard objectif, plein d’une envie de changer les choses. Le parallèle entre les deux femmes ne s’arrête pas là : tandis que son personnage désire être la première femme maire de sa petite ville, Haifaa Al-Mansour n’est autre que la première réalisatrice de sexe féminin d’Arabie saoudite !
Incursion dans une culture mal connue
The Perfect Candidate, au gré de ses incursions dans le monde de la politique, se plaît surtout à balader le spectateur au sein de différents lieux et points de vue de la société saoudienne. Bien que l’intrigue soit centrée sur Maryam, femme médecin en campagne, la caméra passe aussi beaucoup de temps aux cotés de son père, chanteur dans un groupe de musique itinérant, mais aussi à gauche et à droite sur différents personnages secondaires, jeunes, plus âgés, femmes, hommes, qui tour à tour, nous dévoilent les multiples facettes d’un pays en évolution.
Dans l’Arabie saoudite actuelle – en tous cas telle que dépeinte par Haifaa Al-Mansour – cohabitent des hommes qui soutiennent les femmes, d’autres qui les méprisent, des envies progressistes comme des désirs de retourner en arrière.
Un monde de paradoxes
Et il est vrai que quelque chose saute aux yeux dans ce film : c’est la multitude de paradoxes sur lesquels la culture saoudienne repose, qui donnent l’impression au spectateur de ne pas savoir où se placer, de la même manière que le personnage de Maryam ne sait sur quel pied danser, entre révolte féministe et besoin de faire campagne et donc de plaire.
Le premier et plus flagrant de ces paradoxes étant bien évidemment le fait qu’une femme qui est médecin, diplômée et soignante doive se recouvrir d’un niqab pour ses sorties extérieures – Maryam ne porte pas le voile chez elle, et pour nos yeux d’occidentaux, il y a presque deux personnages, entre la figure tout de noir vêtue qui n’est que gestes et voix et cette jeune femme qu’on pourrait croiser dans nos rues, vêtements simples, cheveux lâchés. On voit d’ailleurs ce vieux monsieur qui ne lui fait pas confiance et préfère être soigné par un infirmier, incapable de faire le diagnostic. Et finalement, cet aspect de Maryam nous surprend, car on peut, dans notre société, avoir associé le port du niqab à une certaine soumission, à un manque d’instruction, mais Maryam est tout le contraire.
De la même manière, le père de Maryam, qui n’apparaît pas du tout comme une figure paternelle rétrograde et semble avoir une relation tout à fait normale avec ses deux filles, vit paradoxalement dans le deuil de son épouse qu’il évoque presque à chaque prise de parole, tout en négligeant l’héritage de cette épouse : ses enfants. Si Maryam peut compter sur le soutien de sa soeur photographe, son père déplore sa campagne de maire – pas parce qu’elle lui paraît inimaginable, mais simplement dérangeante, un brin scandaleuse – en se cachant derrière des problèmes de santé dignes du Malade imaginaire.
Le plus subtil de ces paradoxes, enfin, sont ces chansons qui ne parlent que d’amour, de la femme comme le bonheur de l’homme, sa raison d’être, à grands renforts de métaphores poétiques d’un autre âge dignes du poète Rûmî, quand dans leur société, les femmes sont réduites au néant, oppressées, cachées sous un niqab et moquées quand elles souhaitent acquérir plus de pouvoir, comme Maryam.
The Perfect Candidate a quelque chose à dire
The Perfect Candidate est donc un film à voir car il a quelque chose à dire et le dit de la meilleure façon possible. La mise en scène et le montage presque documentaires s’effacent parfois un instant au profit de moments poétiques telles que la bande-son qui de temps en temps fusionne avec la musique entendue par les personnages par un effet de mise en abyme.
Porté par une Mira Al Zahrani très crédible, qui, dans le rôle de Maryam, est de presque tous les plans, The Perfect Candidate séduit autant qu’il instruit et promet une note d’espoir puisque de cette campagne, Maryam ne sera pas la seule changée.
The Perfect Candidate – bande-annonce
Fiche technique :
Réalisatrice : Haifaa Al-Mansour
Scénaristes : Haifaa Al-Mansour et Brad Niemann
Musique : Volker Bertelmann
Casting : Mila Al Zahrani, Nora Al Awadh, Dae Al Hilali, Khalid Abdulraheem
Date de sortie : 12 août 2020
Pays : Arabie saoudite, Allemagne
Genre : drame
Durée : 1h45 minutes