À l’occasion de l’Arras Film Festival, Battle of the Sexes de Jonathan Dayton et Valérie Faris a été dévoilé en avant-première. Retour sur leur récit de combat pour l’égalité des femmes à travers un match de tennis historique porté par l’interprétation de Steve Carell et Emma Stone.
Synopsis : 1972. La championne de tennis Billie Jean King (Emma Stone) remporte trois titres du Grand Chelem. Mais loin de se satisfaire de son palmarès, elle s’engage afin que les femmes soient aussi respectées que les hommes sur les courts de tennis. C’est alors que l’ancien numéro un mondial Bobby Riggs (Steve Carell), provocateur qui s’est autoproclamé « gros macho », met Billie Jean au défi de l’affronter en match simple…
Billie Jean King battles
Le nouveau long métrage des réalisateurs de Little Miss Sunshine n’est pas un film centré sur deux personnages, avec le récit de leur rivalité grandissante puis de leur rencontre (sportive) suivie de la naissance d’une amitié certaine, tel que Borg vs. McEnroe. À l’inverse de ce dernier, on ne peut reprocher à Battle of the Sexes de se concentrer davantage sur un personnage plutôt qu’un autre (en plus, de mauvaise manière). Le film porte bien son titre : il conte une bataille, avec les prémices du conflit, puis ses stratégies, le combat et enfin, une victoire, celle de Billie Jean King sur Bobby Riggs.
Ainsi, le métrage démarre sur le succès de la jeune tenniswoman, Billie Jean Kings, devenue numéro 1 mondiale du tennis féminin. Cette héroïne sportive s’engage dans un combat loin d’être facile à gagner au début des années 70s, l’égalité hommes/femmes. Un engagement qu’elle va d’abord mener dans son propre domaine : le tennis. BJK n’est pas extravagante même si les dialogues avec son associée Gladys Heldman (Sarah Silverman) tendent à représenter cette révolution comme une petite folie d’une femme courageuse qui ne serait pas née à la bonne époque. En effet, la sportive fait face à nombreux machos (parfois insidieux) qui refusent tout progrès pour les femmes – et plus largement pour l’humain – sur le court de tennis. Ainsi l’égalité des salaires et le respect des joueuses leur sont refusés : « les femmes ne seront jamais aussi douées qu’un homme » entendra-t-on plusieurs fois.
Billie Jean King prouvera le contraire plusieurs fois en public : premièrement, en réussissant à mettre en place un tournoi féminin mobile qui aura son succès ; deuxièmement, en acceptant le match avec le provocateur Bobby Riggs, elle devra alors supporter toutes les provocations et extravagances du bonhomme, mais aussi du public et des journalistes dont de nombreux éléments sont machistes ou pro-« woman in the kitchen and in bed ». Puis, il y a ce fameux troisième moment, celui de la victoire de la sportive contre Bobby Riggs. Elle est alors consacrée, applaudie, félicitée par le public, des journalistes (dont certains ayant l’esprit relativement fermé juste avant le match). Et ce match sera l’une des batailles gagnées du combat pour l’égalité des sexes.
Les réalisateurs Valérie Faris et Jonathan Dayton n’oublient pas de représenter la réalité sexuelle de la sportive : elle aime les femmes. Elle nie, puis l’admet. Ainsi sommes-nous témoins de la première relation passionnelle lesbienne de la tenniswoman. C’est alors que le récit d’amour doit faire face à l’Histoire. Billie Jean ne peut révéler cette face de sa vie au grand public. Il ne s’agit d’ailleurs même pas de libération sexuelle. L’héroïne découvre sa sexualité qu’elle devra occulter pendant un certain temps pour deux raisons : l’égalité hommes/femmes n’est pas le combat de l’acceptation de l’homosexualité par l’autre ou des droits civiques des LGBT. Dès lors, révéler sa sexualité pourrait ruiner le combat qu’elle mène pour les femmes sur les courts de tennis ; deuxième motif, son mari Larry explique à l’amante de Billie, Marilyn Barnett (interprétée par Andrea Riseborough) qu’ils ne seraient que des détails dans l’histoire de la sportive. Celle-ci aurait pour grand amour le tennis. Selon le même bonhomme, les détails ne doivent pas venir gêner la concentration de la championne et ainsi empêcher sa victoire, qui les dépasse tous. La sportive, elle-même, ne sera plus sûre de désirer Barnett à ses côtésparce qu’elle doit vaincre. Et pour cela, elle doit se concentrer, réfléchir, s’isoler. Son coming out attendra, et son droit de vivre librement et tranquillement en public sa sexualité aussi… Ce n’est pas le moment, lui dira avec compassion son costumier Ted Tinling (joué par Alan Cumming). Elle est déjà engagée dans un autre combat qu’elle doit mener à sa fin, la difficile battle of the sexes. Billie Jean King gagne, et plus tard, comme nous l’apprend le générique, sort victorieuse d’un autre combat : elle et Larry King divorcent ; les deux restent amis ; la championne devient la première sportive à faire son coming out ; depuis, elle continue à se battre pour l’égalité hommes-femmes ainsi que les droits LGBT. En 2009, la championne reçut la médaille présidentielle de la liberté pour de la Liberté pour ses engagements. Ainsi Battle of the Sexes, reconstruction d’un événement historique socialement et politiquement conséquent, est aussi le théâtre des batailles intimes et universelles de Billie Jean King.
Bobby Riggs victory
Même si Billie Jean King sort victorieuse de ses combats, non sans difficultés, son adversaire n’est pas en reste. Bobby Riggs est un joueur invétéré. Adepte des paris fous malgré la promesse faite à sa femme de ne plus en faire, l’ancien champion ne peut s’empêcher de s’amuser. Il gagne contre ses amis et son psy – lui aussi joueur –, dollars et voitures de luxe. Provocateur, Riggs va jusqu’à perturber une réunion d’addicts au jeu en leur disant qu’ils ne font rien de mal. Le tennisman ira jusqu’à déclarer que leur addiction serait en fait une passion qu’il mettrait mal en usage. Ces drogués aux jeux perdraient parce qu’ils jouent mal et ont de mauvais objectifs. Lui, gagne, car il réfléchit et met en place tout ce qui est nécessaire pour gagner.
Riggs entre de manière passive dans la bataille pour l’égalité des sexes : on le découvre pour la première fois regarder un show de télévision dans lequel Billie Jean King est célébré. C’est alors que vient une idée au quinquagénaire, celle de son ultime pari : vaincre la jeune championne en match libre en prétextant un combat idéologique. En effet, le tennisman s’amuse à s’appeler le « gros macho » et à se présenter comme le représentant des mâles américains et du monde contre les féministes assoiffées de pouvoir et qui voudraient prendre la place des hommes dans tous les domaines. Le récit de Riggs le provocateur est en réalité celui d’un addict de la victoire. Ce tennisman, grand champion couronné de succès et de médailles, a toujours vécu dans la course à son ultime victoire. La battle of the sexes, lancée par Riggs, représente l’opportunité pour le sportif d’avoir accès à ce dernier combat.
Le cirque médiatique de Bobby Riggs est spectaculaire, grossier, gras, burlesque, fou, démesuré. Mais le tennisman révèle dans l’intime des brèches : il demande à sa femme prête à lancer le divorce d’être à ses côtés. En effet, le macho autoproclamé est loin d’être aussi fort qu’il le laisse paraître en public. Il demandera aussi de l’aide à son fils, en qui il a pleine confiance. Il sera d’ailleurs déçu que son fils ne l’accompagne pas au match. Bobby a peur, et s’il perdait ? Le succès économique serait moindre, sa réputation pourrait être entachée pour rien, et surtout, son ultime pari/jeu aurait échoué. Premier service, deuxième set, jeu et match : Billie Jean King triomphe du quinquagénaire qui s’est bien battu. Pendant le duel, ce dernier cesse de faire le pitre pour se donner à fond. Alors Riggs se dévoile enfin au grand public comme Battle of the Sexes expose un autre récit aux spectateurs : celui d’un champion qui n’a jamais pu se résigner à ne plus l’être. L’émotion est là, et se poursuit lors des quelques dernières images sur l’ex-champion assis dans les vestiaires. Il semble avoir pris conscience de ses failles. Sa femme le rejoint, Riggs a besoin de réconfort et surtout d’un être cher pour l’aider à traverser sa crise intime. Fini la course aux paris et défis ultimes, Bobby Riggs vient de connaître sa plus grande (et intime) victoire.
Balle de match
Emma Stone est formidable dans le rôle de Billie Jean King. Et même si l’actrice et l’ensemble du casting font le travail dans les règles de l’oscarisable, Steve Carell sort du lot. Son génie d’acteur a toujours été composé par une puissance comique intimement liée à une force dramatique d’une justesse rare. Encore aujourd’hui, Carell surprend. Emma Stone joue, travaille les strates psychologiques et émotionnelles de son personnage. L’actrice travaille la profondeur humaine de son rôle. L’effort est clairement présent à l’écran. Mais, Carell, ce roi qu’on devrait un jour consacrer, raconte Bobby Riggs avec son énergie rythmique au service de ses dialogues ; dans le burlesque transcendé des actions du personnage, ou encore dans la retenue terrible du corps comique associée à celle du tennisman vieillissant en pleine prise de conscience. Ainsi Stone est oscarisable ; Steve Carell est cinématographique.
Bande-Annonce – Battle of the Sexes
Fiche Technique – Battle of the Sexes
Réalisation : Jonathan Dayton & Valérie Faris
Scénario : Simon Beaufoy
Interprétation : Emma Stone, Steve Carell, Andrea Riseborough, Sarah Silverman, Alan Cumming, Bill Pullman, Elisabeth Shue
Directeur de la photographie : Linus Sandgren
Directeur artistique : Alexander Wei
Décors : Judy Becker
Costumes : Mary Zophres
Montage : Pamela Martin
Compositeur : Nicholas Britell
Production : Christian Colson, Danny Boyle, Robert Graf, Karen Ruth Gretchell
Sociétés de Production : Fox Searchlight Pictures, Cloud Eight Films, Decibel Films
Distribution (France) : Twentieth Century Fox France
Genre : comédie dramatique
Durée : 2h 02min
Date de sortie : 22 novembre 2017
États-Unis – 2017