Le Policier (Ha-shoter), de Nadav Lapid : Critique du film

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Le Policier de Nadav Lapid  : Un cri d’alerte salvateur contre l’intégrisme archaïque

Synopsis : Yaron se trouve au cœur d’un groupe de policiers d’élite, appartenant à une unité anti-terroriste israélienne. Ses compagnons et lui sont l’arme pointée par l’État sur ses adversaires, «l’ennemi arabe». Yaron adore l’unité, la camaraderie masculine, son corps musclé, sa beauté. Sa femme est sur le point d’accoucher ; il pourrait devenir père d’un moment à l’autre. Sa rencontre avec un groupe peu commun, violent, radical, le confrontera à la guerre des classes israélienne et à celle qu’il livre à l’intérieur de lui-même. 

Nadav Lapid, nouveau venu dans le jeune cinéma israélien, lance un cri d’alerte salvateur et salutaire. Il dénonce un pays sclérosé et archaïque qui s’est trop longtemps conforté dans son rôle réconfortant de sauveur de la Nation juive. Cette obsession, fédérant dirigeants politiques et tenants d’un judaïsme rigoriste, est volontairement exacerbée au profit d’une cohésion nationale. Il est ainsi plus facile de trouver un ou des ennemis communs pour étouffer une réalité sociale beaucoup plus complexe. Ainsi, la question palestinienne n’est jamais réellement évoquée explicitement, mais tout de même bien présente. Cette thématique est dépeinte assez subtilement, afin de pointer du doigt l’irresponsabilité d’un gouvernement trop à son affaire. Par ce biais là, ce dernier peut évacuer son incompétence et sa corruption.

L’histoire de ce soldat de l’armée de Tsahal est très significative de ce point de vue. Ces corps massifs et virils expriment leurs amitiés brutalement. Toute cette puissance qui s’en dégage est une parfaite métaphore du corporatisme de cet Israël protecteur, arrogant et suffisant. La première partie décrit une société installée dans un conformisme trop rassurant, que rien ne semble écorner. Pas même le cas de conscience de ces hommes suspectés d’actes de tortures lors d’une opération commando en terre Arabe. Ils s’en déchargeront facilement et rapidement en rejetant la faute sur leur pauvre camarade en fin de vie. C’est un premier avertissement, signe que ce pays qui se veut juste envers ses compatriotes, n’est pas assez consciencieux. La mort rode, annonciatrice d’une certaine culpabilité.

Le basculement est définitivement acté lorsque apparaît à l’écran cette nouvelle jeunesse réclamant dignité et justice. Elle, qui ne se reconnait pas dans cette judaïté traditionaliste, se radicalise à force de désespérance sociale. La lutte des classes, qui fait écho aux révoltes de plus en plus courantes en Terre Sainte, est le résultat de l’exaspération de la classe moyenne, mais est occultée au profit des nouveaux riches ayant la mainmise sur l’État. S’ensuit un patriotisme sincère mais dangereux car de conception diamétralement opposée dans les deux camps.

Cette radicalisation ne sert l’intérêt de personne, tel semble être le message de Nadav Lapid. Elle ne fera que renforcer et attiser la déliquescence morale d’un peuple fatigué de devoir lutter sur tous les fronts. Un point de vue très intéressant, tant dans la forme que dans le fond. La première heure met en place de façon précise et cohérente les enjeux essentiels de cette charge courageuse. La suite est un peu moins travaillée, d’où une impression de didactisme trop appuyé. Mais ce procédé sert de point d’appui nécessaire pour une meilleure compréhension d’ensemble. Cela s’avère donc moins démonstratif que de prime abord.

Il est judicieux de constater qu’une nouvelle génération de cinéastes osent aborder des sujets pour le moins délicats, et ainsi questionner de front le devoir de mémoire et sa remise en cause. Vivement conseillé à tous ceux qui se passionnent pour les sujets d’ordre philosophiques, politiques et moraux, ô combien d’actualité !

Fiche technique – Le Policier

Titre Original : Ha-shoter
Réalisation : Nadav Lapid
Scénario : Nadav Lapid
Producteur : Itai Tamir
Avec Ben Adam, Michael Aloni, Meital Barda…
Montage : Rea Lapid1
Photo : Shai Goldman
Costumes : Amit Berlowitz
Dates de sortie : 28 mars 2012
Durée : 1h47

Auteur de la critique : Le Cinéphile Dijonnais