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Good Kill, un film de Andrew Niccol : Critique

Synopsis : Le major Thomas Egan est un ancien pilote de chasse aujourd’hui reconverti en pilote de drone de combat. Quand il ne combat pas les talibans depuis sa base à Las Vegas, il est chez lui où il se querelle avec sa femme Molly et ses enfants. Alors qu’il développe un trouble de stress post-traumatique, Thomas remet sa mission en question : ne crée-t-il pas plus de terroristes qu’il en extermine ?

Guerre 2.0

9 ans après Lord of War, le réalisateur Andrew Niccol renoue avec un cinéma militant, en dénonçant les aberrations d’une guerre qui semble sans fin. Son film est comme une réponse au American Sniper de Clint Eastwood, qui faisait l’éloge du sniper Chris Kyle, en romançant la véritable histoire, pour en faire un héros. Ici aussi, le récit s’inspire de faits réels, mais on nous montre l’envers du décor, en démontant l’héroïsme des protagonistes, qui ne sont que des marionnettes dans les mains de leurs supérieurs.

Ethan Hawke est un homme au bord de la rupture. Un ancien pilote de F-16, devenu un pilote de drone de combat, mais qui a toujours le désir de voler à nouveau. Son ancienne vie lui manque. Il a besoin de l’adrénaline, qu’il ressentait durant ses missions. Il est en manque de sensations et ce n’est pas sa vie trop rangée dans un pavillon, avec sa femme et ses enfants, qui vont lui redonner cela. L’alcool lui permet d’accepter sa nouvelle vie, mais il reste absent, les yeux rivés au ciel. Il est enfermé dans une routine, qui le détruit à petit feu. Son attitude met sa vie de famille en péril, mais aussi sa carrière.

Le film parle surtout de cette guerre contre le terrorisme, de ce droit que s’octroie les états-unis d’assassiner des gens, sans procès. La situation est résumée en un échange rapide, entre Ethan Hawke et un policier, c’est une guerre sans fin, comme face à la drogue. Son lieutenant Bruce Greenwood a aussi sa vision des choses : si on ne les tue pas, ils vont nous tuer, c’est un cercle vicieux. A travers diverses discussions, Andrew Niccol; également scénariste; énonce des vérités qui font mal. En se cachant encore et encore, derrière les drames du 11 septembre, le gouvernement américain, justifie ses attaques et l’emploi de drones. Ces hommes et cette nouvelle venue, Zöe Kravitz, doivent éliminer des cibles, sans que les civils soient touchés. Mais la CIA va prendre les commandes des opérations et les dommages collatéraux, deviennent récurrents. Face à cette nouvelle situation, les consciences de chacun, vont être mises à mal. Doivent-ils exécuter les ordres ou réfléchir avant d’agir, en risquant de perdre leurs postes ?

Le camp militaire est situé à côté de Las Vegas, la ville de tout les vices, ou tout parait fictif. Ces pilotes sont aussi fictifs, enfermés dans leurs boites climatisés, ils prennent juste le risque de se renverser du café sur leurs combinaisons. Mais quand ils appuient sur la gâchette, ils mettent vraiment fin à la vie d’un terroriste ou d’un innocent. Tout en restant impuissant, quand ils voient un vrai drame se dérouler sous les yeux, avec cette femme violée. Zoë Kravitz apporte un regard différent face à ses insoutenables situations. Les hommes qui l’entourent, ne semblent pas se remettre en question, même si on perçoit furtivement une douleur dans leurs regards. Seul Ethan Hawke semble se remettre en question. Ce sont deux générations qui se rejoignent, le vétéran qui a connu le terrain et la jeune recrue idéaliste, pensant éliminer seulement des membres d’Al-Qaïda. Elle a beau asséner des faits avérés, on ne veut pas l’entendre, les mots se perdent, seuls les actes restent. Même à travers un moniteur, on ressent la douleur de ses femmes pleurant leurs enfants, ou enlevant un bras d’un arbre. Ces gens qui sont tués, au cas ou, par le biais d’un ordre émis par le haut-parleur d’un téléphone….Ces hommes de l’ombre, ces fonctionnaires de haut rang, qui ont du sang plein les mains, mais l’esprit en paix, en déléguant les exécutions à des subalternes, dont les images de ces meurtres restent gravés dans leurs esprits.

Andrew Niccol dénonce cette inhumanité, en signant un pamphlet contre le guerre. Ses plans sur les pavillons de Las Vegas, sont comme ceux dans la salle de contrôle des drones, comme pour montrer, qu’eux aussi peuvent devenir des cibles, qu’ils ne sont pas à l’abris et que la mort, peut frapper à tout moment. Sa réalisation est redondante, à l’image de la vie d’Ethan Hawke. On passe de la salle de contrôle, à sa maison. Seul le trajet semble lui permet de souffler un peu, avec du rock à fond, mais toujours avec une bouteille à la main, son seul remède, contre l’horreur des images, qu’il voie chaque jour. Il habite son personnage, on sent sa douleur, sa frustration, mais aussi une violence sous-jacente. C’est sa troisième collaboration avec Andrew Niccol, après Bienvenue à Gattaca et Lord of War, ses deux plus grandes réussites. Même s’il n’atteint pas l’excellence de ces deux précédentes œuvres, en allant pas au fond de son sujet. Cela reste un film de bonne facture. C’est une réflexion sur la guerre et ses conséquences. Il reste sobre en ne montrant jamais des images chocs, les situations et les mots, suffisent à retranscrire l’horreur des faits.

Le film perd souvent de sa force, dès qu’il tente de montrer les conséquences de la guerre, sur la vie familiale. January Jones n’est pas étrangère à ce léger handicap, en ne faisant jamais preuve d’émotions, face aux drames se déroulant sous son toit. Enfin, on regrettera une fin convenue, dans un film non-conventionnel, une contradiction, qui laisse le spectateur sur sa faim. Mais pour son sujet brûlant et l’interprétation d’Ethan Hawke, Bruce Greenwood et Zoë Kravitz, le film reste intéressant et à le mérite de dénoncer ces faits, malheureusement réel.

Fiche technique : Good Kill

USA – 2014
Réalisation : Andrew Niccol
Scénario : Andrew Niccol
Distribution : Ethan Hawke, January Jones, Zöe Kravitz, Jake Abel, Bruce Greenwood et Peter Coyote
Photographie : Amir Mokri
Montage : Zach Staenberg
Musique : Christophe Beck
Société de production : Voltage Pictures
Société de distribution : La Belle Company
Genre : Thriller
Durée : 104 minutes
Date de sortie française : 22 Avril 2015

auteur : Laurent Wu