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Un « Atlas mondial des matières premières » pour comprendre leurs enjeux géopolitiques

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

L’actualité est émaillée de problématiques liées aux ressources naturelles : émeutes de la faim, réunions de l’OPEP, envolées des prix des matières premières, rapports de l’Union européenne sur les terres rares, économies asphyxiées par une dévaluation soudaine des hydrocarbures… Bernadette Mérenne-Schoumaker actualise nos connaissances sur les produits de base dans un atlas à paraître aux éditions Autrement.

L’intérêt pour les métaux est à la fois ancien et éminemment contemporain. Dès l’Antiquité, les hommes exploitent l’or, l’argent, le fer, le cuivre, le plomb ou l’étain. Aujourd’hui, ce sont les terres rares qui se portent au frontispice des préoccupations. Et pour cause, comme le souligne l’essayiste Guillaume Pitron dans un essai paru en janvier 2018, ces métaux nécessaires aux panneaux photovoltaïques ou aux voitures électriques occasionnent de nouvelles dépendances (à la Chine, au Congo, à la Russie…) en même temps que des défis écologiques inédits. Dans cet Atlas mondial des matières premières, Bernadette Mérenne-Schoumaker et Claire Levasseur cartographient la production et les réserves de terres rares. La Chine, le Brésil ou le Vietnam apparaissent ainsi comme les principaux interlocuteurs des pays importateurs, une situation significative alors même que des domaines aussi variés que la recherche militaire, les énergies renouvelables ou les nouvelles technologies de l’information dépendent pour partie de ces ressources naturelles. Hydrocarbures, charbon ou uranium font eux aussi l’objet d’un chapitre dédié en resituant les principaux enjeux.

Les trois grandes productions de céréales – riz, blé, maïs – se renforcent, les États-Unis, l’Union européenne, la Chine, le Brésil et l’Inde faisant office de principaux producteurs. Elles continuent de fournir environ 45 % des calories alimentaires de l’humanité. Le café demeure toutefois en valeur la première denrée agricole échangée dans le monde : sa production se fait au Sud, sa transformation au Nord et, à eux seuls, les États-Unis et l’UE totalisent 57 % de ses importations mondiales. Le bois constitue également une ressource de premier plan, puisque son commerce excède les 250 milliards de dollars et sous-tend d’épineux enjeux sociaux – la vente illégale – et écologiques – sa gestion durable. Un bien universel et public comme l’eau douce a également toute sa place dans cet atlas : la capter, l’épurer et la distribuer nécessite des coûts de plus en plus importants et son prix final s’en ressent. Surtout, une forte inégalité géographique frappe cette ressource naturelle indispensable à l’homme et à l’agriculture. L’Afrique septentrionale connaît par exemple des situations de stress hydrique, voire de pénurie.

En élargissant le spectre, Bernadette Mérenne-Schoumaker décrit une situation tendue : la demande mondiale en ressources naturelles ne cesse de croître tandis que l’offre peine à suivre. Croissance démographique et économique mettent sous tension des produits souvent liés entre eux par leurs usages ou leurs prix. La finitude des ressources et les questions écologiques qu’elles supportent appellent à une réflexion de fond sur nos modes de production et de consommation. L’action des investisseurs financiers dans la négoce (Cargill, Rosneft ou Trafigura) n’est évidemment pas de nature à apaiser les crispations : la spéculation peut entraîner une grande volatilité des prix des matières premières, et ce autant pour les métaux que les hydrocarbures ou les produits agricoles. Ce sont souvent les populations les plus vulnérables qui en paient les pots cassés, comme en témoignent les émeutes dites de la faim qui ont secoué l’Algérie, l’Egypte, le Mali ou l’Argentine depuis 2008.

Outil précieux et riche en cartographies, cet Atlas mondial des matières premières passe en revue de nombreux sujets dont l’actualité demeure brûlante : les produits d’avenir, les poissons et leur élevage, les changements climatiques, l’organisation des marchés des matières premières, la fameuse « maladie hollandaise », l’indépendance énergétique américaine ou encore la sécurisation des approvisionnements chinois. Pour résumer des problématiques qui s’enchevêtrent au mieux comme un plexus, on notera finalement que « la carte du monde semble (…) se reconstruire autour des ressources naturelles qui continuent par ailleurs à alimenter de nombreux conflits ou suscitent la course à l’exploration de nouveaux territoires tant terrestres que marins ».

Atlas mondial des matières premières, Bernadette Mérenne-Schoumaker
Autrement, septembre 2020, 96 pages

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