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« Steve Bannon : l’homme qui voulait le chaos » : le stratège populiste

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Politologue, réalisatrice de documentaires et essayiste, Fiammetta Venner s’intéresse à Steve Bannon, éminence grise de Donald Trump, dans un ouvrage publié aux éditions Grasset.

Les dernières victoires électorales populistes ont toutes un point en commun : Steve Bannon. C’est cet homme discret, par l’entremise de Cambridge Analytica, qui a favorisé le vote des « Leavers » lors du référendum sur le Brexit. C’est sous sa houlette, dûment graissée par la famille Mercer, que Donald Trump a accédé à la magistrature suprême états-unienne. Et c’est après avoir suivi ses conseils que Jair Bolsonaro s’est emparé de la présidence brésilienne. L’homme est peu connu du grand public et apparaît plutôt négligé. Il a pourtant piloté, depuis le média d’extrême droite Breitbart News, une authentique révolution conservatrice et identitaire. Il possède par ailleurs une fortune colossale : ancien banquier chez Goldman Sachs, ex-producteur de films, bénéficiaire de juteuses royalties sur la série Seinfeld, récipiendaire des largesses successives des Mercer et du milliardaire chinois Guo Wengui, celui qui a grandi dans une famille irlandaise de la classe moyenne – et démocrate ! – a vu son compte en banque gonfler toujours plus au fil des années. Ce qui ne l’empêche en aucun cas de se réclamer du peuple.

Car là est le combat de Steve Bannon. Il entend se dresser contre les minorités et défendre l’homme blanc populaire, qu’il estime lésé dans l’Occident contemporain. Il est anti-establishment, anti-Parti communiste chinois, anti-Union européenne, anti-Bergoglio, anti-écologiste. L’ancien reaganien ne rêve que d’une chose : un grand soir populiste qui permettrait à la colère populaire blanche d’enfin se faire entendre. Il croit d’ailleurs en une histoire cyclique où la décadence et la guerre succéderaient à la prospérité. Comme Fiammetta Venner l’explique très bien, les rapports de force et les conflits ouverts sont à ses yeux la condition sine qua non du renouveau qu’il appelle de ses vœux. Pour parvenir à ses fins, Steve Bannon a su s’introduire : à Hollywood, puis auprès d’Andrew Breitbart, Nigel Farage, Ted Cruz, Donald Trump, Marine Le Pen, Matteo Salvini ou Eduardo Bolsonaro. Il a aussi usé des autres : Milo Yiannopoulos, célèbre pour ses diatribes contre les femmes ou les homosexuels – alors qu’il est lui-même gay –, en est un exemple édifiant. Il a été le porte-voix et le maïeuticien de Bannon ; à travers lui ont incubé des rancœurs pour le moins utiles aux populistes.

Pour dresser le portrait de Steve Bannon, Fiammetta Venner ne s’est pas contentée de revisionner ses interviews ou de parcourir l’ensemble de ses articles. Elle est allée à la rencontre de ceux qui ont côtoyé l’ancien marine devenu stratège politique. On comprend mieux, à l’issue de son enquête, les articulations fines du populisme tel que l’entend Bannon. On découvre aussi un homme qui, plus d’une fois, a fini par mordre la main qui le nourrissait.

Steve Bannon : l’homme qui voulait le chaos, Fiammetta Venner
Grasset, septembre 2020, 256 pages

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