Évelyne Heyer est professeure en anthropologie génétique. Son travail consiste à explorer l’Histoire humaine en se basant sur notre ADN. L’Odyssée des gènes, à paraître aux éditions Flammarion, s’inscrit précisément dans cette démarche scientifique.
Le génome est une source d’information précieuse. Il permet d’identifier des parents plus ou moins proches, de détecter précocement certaines maladies et même de compléter, voire réécrire, le grand livre de l’humanité, tant dans ses migrations que dans son adaptabilité à un nouvel environnement. Les généticiens disposent depuis quelques dizaines d’années d’instruments leur permettant de pousser plus avant la recherche sur nos origines communes, mais aussi sur les schismes ou les entremêlements de l’aventure humaine. Un échantillon de salive, de sang ou de squelette, récent ou vieux de plusieurs dizaines de milliers d’années, peut désormais donner lieu à des analyses faisant parler les gènes et leur horloge.
C’est ainsi qu’Évelyne Heyer nous rappelle que la séparation entre l’homme et le chimpanzé date d’il y a environ six millions d’années ou que l’Homo sapiens a quitté l’Afrique depuis 70 000 à 100 000 ans. Mais la chercheuse s’empare aussi de questions plus contemporaines, comme la généalogie génétique – et la protection des données personnelles que cette activité suppose –, la marée montante des nationalismes européens – malgré des indications génomiques battant en brèche les théories racialistes et contredisant l’idée de liens allant du biologique vers le culturel – ou encore l’évolution de la morphologie humaine – et notamment de la taille. Ces sujets font l’objet d’une approche didactique et sont intégrés en fin d’ouvrage dans des chapitres concis.
Car le cœur de cette Odyssée des gènes est ailleurs. Évelyne Heyer raconte une « histoire collective » en présentant, au passage, différents aspects de l’anthropologie génétique. Elle raconte comment on a identifié la descendance gaélique et viking en Islande – notamment en analysant l’isotope des dents de restes humains. Elle évoque les croisements entre Homo sapiens et Néandertal, dresse un portrait des premiers Européens, informe sur la lignée particulièrement riche de Gengis Khan – grâce au chromosome Y étudié parmi différents peuples en Eurasie. L’auteure lie par ailleurs l’histoire génétique de l’Amérique à celle de ses expansions et de ses greffes de populations.
Elle se saisit également de faits plus anecdotiques tels que la tolérance au lactose en Asie centrale ou en Europe – démonstration des vases communicants entre culture, darwinisme et génétique – ou la problématique de la drépanocytose apparue chez les Pygmées suite à l’importation de maux génétiques d’agriculteurs. Ce dernier exemple est d’ailleurs doublement instructif, puisque la sélection naturelle aurait pu annihiler ce gène désavantageux, mais son caractère protecteur contre le paludisme, dans une zone à risques, semble l’avoir emporté, la mutation se maintenant ainsi à une fréquence de 10 %.
L’Odyssée des gènes familiarise le lecteur avec l’anthropologie génétique et tend à démontrer les apports de l’étude du génome humain sur les connaissances historiques actuelles. Rendre cette matière accessible n’était pas une mince affaire, mais Évelyne Heyer y parvient avec succès.
L’Odyssée des gènes, Évelyne Heyer
Flammarion, août 2020, 400 pages