Tout savoir sur « La Nouvelle économie de l’audiovisuel »

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Aux éditions La Découverte paraît La Nouvelle économie de l’audiovisuel, une radiographie de l’écosystème audiovisuel à l’heure d’Internet, de YouTube et de Netflix. Alain Le Diberder, directeur de Buzz2Buzz et ancien responsable des programmes d’Arte, évoque le cinéma, les chaînes télévisées, la production et la consommation des contenus, leurs acteurs, mais aussi l’avènement des géants du Web et l’évolution des recettes publicitaires. Un essai court, mais dense et édifiant quant aux évolutions de l’économie audiovisuelle.

Nous vivons actuellement la quatrième phase de l’économie audiovisuelle. S’il n’y avait initialement que le cinéma comme producteur d’images, une seconde ère s’est ouverte avec l’implantation de la télévision dans les foyers. Une autre révolution eut lieu dans les années 1980 avec l’avènement simultanée du câble, du satellite, de la télévision commerciale et des magnétoscopes. Aujourd’hui, une nouvelle période voit le jour, emmenée par les géants du Web que sont Google (YouTube), Apple ou Netflix. Comment comparer un ménage des années 1970 faiblement équipé et n’ayant accès qu’à une quantité limitée de programmes sur des chaînes d’État à un foyer des années 1990 pouvant enregistrer les contenus de TF1 ou M6 sur des cassettes vidéo et emprunter des films américains au vidéoclub du coin ou à un consommateur contemporain branché où et quand il le veut à Netflix et YouTube ? Alain Le Diberder nous raconte ces évolutions, lesquelles aboutissent à un fait encore inconcevable il y a vingt ans : YouTube, où tous les types de contenus sont disponibles, est aujourd’hui la première télévision mondiale avec 10 % des parts de marché ! Quant au cinéma, il est surplombé à la fois par la télévision, YouTube et Netflix.

Actuellement, la production audiovisuelle française comprend quelque 87 000 emplois (chiffre en croissance). Sur 4000 entreprises, moins de 1000 seraient toutefois actives. Mieux : seule une centaine de personnes, le plus souvent dans le métier depuis vingt-cinq ans au moins, se partagent le secteur. Si la publicité a perdu 10 000 emplois ces dernières années, l’audiovisuel peut compter sur une forme de stabilité : 5000 heures de volume produit, une répartition par genre homogène (dont deux tiers pour les fictions et l’animation) et enfin des postes de dépenses peu évolutifs (25% pour le personnel, par exemple). Il existe aussi des permanences dans le temps et l’argent consacrés à la consommation d’images ou dans la législation en vigueur (malgré la révolution numérique). Et si les chaînes perdent progressivement de l’audience dans le flux linéaire, elles demeurent des productrices importantes d’images.

Sur le numérique

Cela n’étonnera personne : Internet est en plein boom, et la consommation d’images s’y rapportant suit à peu près la même courbe. Un chapitre est ainsi consacré aux difficultés des chaînes payantes face aux SVOD. Dit autrement, Canal+ souffre de la concurrence de Netflix. L’auteur rappelle toutefois que le binge watching, volontiers associé aux services de vidéo en ligne, leur est antérieur, puisqu’il existait déjà à l’époque où la série Friends se vendait en coffret. D’autres sujets sont étudiés : l’algorithme de recommandation de Netflix, son histoire (trois tentatives de revente, trois faillites évitées), ses investissements dans le cinéma et le streaming en HD, mais aussi le rôle des fonds d’investissement américains (Vanguard, Blackrock, State Street et Fidelity) dans les GAFA, Netflix, Paramount, Fox ou Disney. Ces fonds détiennent une part non négligeable du capital de ces sociétés et y jouent un rôle moteur, jusqu’à présent chiche dans le cas des chaînes ou services européens. Les descriptions entourant YouTube font quant à elles froid dans le dos : contenus illégaux ou offensants, recommandations opaques et menant vite à des images ou des discours extrêmes, position monopolistique, non-respect de la propriété intellectuelle, etc. Cela étant, l’auteur argue qu’il est important de l’intégrer dans les réflexions portant sur le service public du futur.

Questions connexes

Tout circule en Europe, sauf l’audiovisuel. L’auteur pointe ainsi une certaine étanchéité des cultures, mais aussi des modes de production divergents. Il rappelle qu’une star de la télévision française peut se promener en plein Berlin paisiblement, sans y être reconnu. Alain Le Diberder analyse ailleurs l’évolution du montant global des droits sportifs et s’intéresse notamment à la mobilisation d’équipes et de matériel sur le Tour de France. Sur le cinéma, on observe une nouvelle répartition des entrées dans le monde : si elles continuent d’osciller aux alentours de sept milliards, la Chine et l’Europe croissent au détriment de l’Inde et des États-Unis, qui passent de 73 % en 1995 à 57 % en 2014.

La Nouvelle économie de l’audiovisuel propose une réflexion globale sur un secteur en pleine mutation. La transition étant en cours, il est difficile de porter des jugements définitifs sur ce qui attend les chaînes télévisées françaises ou les salles de cinéma européennes. On peut toutefois appréhender les enjeux actuels en se reportant aux analyses précieuses d’Alain Le Diberder.

La Nouvelle économie de l’audiovisuel, Alain Le Diberder
La Découverte, septembre 2019, 128 pages

Note des lecteurs0 Note
4
Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray