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« Atlas de la population mondiale » : demain, 10 milliards sur Terre ?

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Les éditions Autrement publient un très instructif Atlas de la population mondiale. Rédigé par Gilles Pison et doté des cartographies de Guillaume Balavoine, ce dernier revient sur la transition démographique, les inégalités mondiales, l’urbanisation ou encore le développement durable.

La population mondiale croît depuis plusieurs décennies à un rythme sans précédent. Selon les projections moyennes des Nations unies, la population mondiale pourrait atteindre 10 milliards de personnes en 2050. Cela représente une augmentation de deux milliards d’individus par rapport à 2022. Cette croissance démographique résulte d’une révolution caractérisée par de faibles taux de natalité et de mortalité, qui a commencé dans les pays industrialisés et qui se poursuit désormais dans les pays du sud, bien qu’elle demeure largement inachevée en Afrique subsaharienne.

Dans le détail, cet Atlas de la population mondiale nous apprend que l’Asie verra sa population passer de 1,4 milliard de personnes en 1950 à plus 5 milliards à l’horizon 2050. Les disparités demeurent cependant significatives entre les différentes régions du monde, avec des taux de fécondité très variables, allant de 0,9 enfant par femme en Corée du Sud à 6,7 enfants par femme au Niger, les deux pays étant situés aux deux extrémités de l’échelle de mesure. Les femmes d’aujourd’hui mettent au monde, en moyenne, 2,3 enfants. C’était deux fois plus, au moins, en 1950.

Quand on se penche sur la démographie mondiale, plusieurs questions s’entrecroisent et se conditionnent les unes aux autres. Gilles Pison et Guillaume Balavoine notent ainsi que la contraception est encore peu utilisée dans certaines régions d’Afrique intertropicale, que l’espérance de vie varie entre environ 84 ans au Japon, en Suisse ou en Italie et seulement 53 ans au Tchad, au Lesotho ou au Nigéria, ou encore qu’il existe une préférence pour les garçons dans certaines sociétés patrilinéaires, ce qui peut entraîner des avortements sélectifs. Les autorités coréennes ont d’ailleurs pris conscience de ce problème et ont interdit, en conséquence, les examens visant à déterminer le sexe du fœtus pendant la grossesse. La Chine, qui a longtemps pratiqué une politique de l’enfant unique et se verra prochainement dépassée par l’Inde en nombre d’habitants, a connu des problèmes similaires, puisque les garçons y étaient grandement privilégiés par rapport aux filles. Au-delà de l’avortement, les décisions en termes d’éducation, de nutrition ou de soins de santé tendraient, elles aussi, à avantager le sexe fort dans certaines sociétés – et pas seulement asiatiques, puisque les Balkans sont notamment concernés en Europe.

Les auteurs indiquent que la mortalité infantile est âprement combattue, notamment grâce à des vaccinations peu coûteuses et très efficaces, qui ont contribué à faire reculer des maladies responsables de nombreux décès chez les enfants. Cependant, certaines régions du monde, telles que l’Afrique et l’Amérique du Sud, ont une couverture vaccinale moins importante, si l’on en croit l’exemple de la rougeole. Les progrès socio-économiques et l’augmentation des rendements agricoles ont également contribué à la réduction de la mortalité infantile. Quand les famines persistent, elles sont principalement causées par les conflits civils.

La migration est un phénomène remontant à plus de 100 000 ans. Malgré les peurs et les stéréotypes y étant souvent associés, il est important de noter que sur 100 personnes, 96 vivent actuellement dans le pays où elles sont nées. Les auteurs rapportent que certaines régions du monde, telles que l’Amérique du Nord, l’Europe, la Russie et l’Australie, attirent l’immigration, tandis que d’autres, notamment en Asie ou au Venezuela, sont une grande source d’émigration. La péninsule indienne, pour ne citer que cet exemple, « exporte » chaque année des centaines de milliers de personnes. En termes de pourcentage brut, l’Australie, le Canada, l’Arabie Saoudite et l’Allemagne ont la plus forte proportion d’immigrants, tandis que la Bolivie, la Syrie, le Kazakhstan et l’Afghanistan se distinguent au contraire par leurs émigrants. Par ailleurs, bien que la pyramide démographique prenne parfois la forme d’une toupie, les défis demeurent différents selon les pays. Au Niger, l’âge médian est aujourd’hui de 14,5 ans, tandis qu’au Japon, il est de 48,7 ans !

Comme le rappelle ce très complet et didactique Atlas de la population mondiale, l’immigration peut également jouer un rôle considérable dans la lutte contre le déclin démographique. C’est par exemple le cas en Europe où, contrairement aux États-Unis, le solde naturel ne permet pas de maintenir un nombre d’habitants stable. L’écart d’espérance de vie entre les hommes et les femmes qui se creusait jusqu’au milieu des années 70 se resserre aujourd’hui, les hommes adoptant des conduites plus saines et moins risquées qu’auparavant. Sur la concentration des richesses, les auteurs notent que les 50% les plus pauvres ne disposent que de 8% du revenu mondial, tandis que les 10% les plus riches détiennent 52% du revenu mondial.

Depuis 2008, plus de la moitié de la population mondiale vit en ville, contre une personne sur dix en 1900 et trois sur dix en 1950. L’Amérique du Nord, l’Europe et l’Amérique latine sont les régions où la concentration urbaine est la plus forte, tandis qu’en Afrique, seuls 43 habitants sur 100 vivent dans une ville. Ces dernières se trouvent souvent dans des zones littorales de faible altitude ; elles apparaissent particulièrement menacées par le changement climatique et l’élévation du niveau des océans. Des transformations alimentées par l’empreinte écologique catastrophique de pays tels que le Qatar et le Luxembourg – l’Uruguay, de son côté, étant considéré comme un exemple à suivre.

Atlas de la population mondiale, Gilles Pison et Guillaume Balavoine
Autrement, janvier 2023, 96 pages

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