Festival de Gérardmer 2018 : Une compétition de haute volée

Maxime Thiss Responsable Festival

Après 3 jours de festival des plus intenses, où les heures de sommeil ont été inférieures à la quantité de neige tombée, il est temps pour la rédaction de vous livrer ses impressions sur les films vus lors de cette 25ème édition du Festival Fantastique de Gérardmer. On commence avec la compétition, qui comme l’année dernière a été de très haut niveau avec des propositions de cinéma très différentes allant du rape and revenge très esthétisé, au film de zombies québécois, en passant par de l’animation française complètement déjantée. Il est donc venu le moment de faire un point sur Chasseuse de géants, Revenge, Les Affamés, Le Secret des Marrowbone, Ghostland et Mutafukaz.

  • Chasseuse de géants

On commence le festival en douceur avec Chasseuse de géants, le premier film d’Anders Walter, réalisateur danois ayant reçu l’Oscar du court-métrage pour Hélium en 2013. Pour son premier long, le Danois s’est donc exilé aux États-Unis mais n’en a pas pour autant oublié ses racines et notamment toute la mythologie qui émane de ses contrées. Comme le titre l’indique, il est bien question de géants dans le film, mais avant tout d’imagination. En ça, Chasseuse de géants renvoie très vite au sous-estimé Quelques minutes après minuit de Bayona sorti en catimini début 2017. Les deux personnages échappent à la dureté de leur vie au travers d’une imagination débordante. Barbara est une jeune fille solitaire et asociale, se faisant harceler par des élèves plus âgées mais possédant un caractère bien trempé.  Afin d’échapper à cet univers, elle se crée donc une quête, un combat, celui de protéger sa ville contre l’attaque de géants à l’aide de différents appâts ou pièges de sa confection. Le film d’Anders Walter devient alors un véritable petit conte rempli de poésie. L’aspect créatif et excentrique de Barbara, incarnée par l’excellente Madison Wolfe, en fait un personnage à la fois attachant et imprévisible pour qui il se crée une véritable empathie. Esthétiquement, malgré son aspect très cinéma indé américain, le film offre parfois de très beaux moments de bravoure visuelle comme ce petit affrontement final qui confine à l’épique nordique. On pourra regretter un déferlement trop important de pathos dans la dernière partie, chose que le film avait pourtant réussi à éviter tout du long, avant de succomber aux sirènes dans un final très mélo. Un peu dommage que Bayona soit passé avant il y a peu de temps.

  • Revenge

Ayant déjà fait le tour de quelques festivals dont le PIFFF et Sundance, Revenge s’était déjà crée une petite réputation. Le premier film de la française Coralie Fargeat s’alignait directement dans le sillon de Grave, dans cette optique de faire revivre le cinéma de genre en France. Comme le film de Ducourneau, Revenge est une première œuvre viscérale et passionnée. Reprenant un genre très calibré comme le rape and revenge, la Française met en scène une véritable chasse à l’homme entre 3 hommes ayant violé et laissé pour morte une jeune femme. Si Revenge marque les esprits, et ne se perd pas dans la masse de rape and revenge déjà existant, c’est surtout grâce à l’intelligence et la malice de sa créatrice. Fargeat a conscience de tous les codes qui régissent ce genre et va s’en amuser. En hypersexualisant son personnage dans le premier acte, la cinéaste se moque de toutes ces figures féminines que l’on retrouve dans l’horreur ou le film d’action et surtout des hommes qui se cachent derrières ces personnages. Loin d’être une potiche, son héroïne va déployer l’étendue de son talent dans ce survival caniculaire. S’amusant avec les ruptures de ton, Coralie Fargeat arrive à mettre en place un humour particulièrement mordant où la gent masculine en prend pour son grade. Outre son fond, Revenge brille également par sa forme. Pour un premier film, Coralie Fargeat déploie une esthétique particulièrement clinquante fourmillant de trouvailles visuelles. On peut bien évidemment penser à ce trip sous peyotl avec un sens du montage super percutant ou encore cet affrontement final prenant une tournure psyché à l’intérieur des couloirs ensanglantés de cette luxueuse maison. Que ce soit à  l’aide de plans séquences ou  des jeux de couleurs, Fargeat s’amuse à explorer au maximum ses capacités afin d’offrir un spectacle qui prend très vite des tournures sensorielles. Et puis bon, c’est quand même super jouissif comme film.

  • Les Affamés

Comment ça ? Un film de zombies québécois ? Comment est-ce possible ? La réponse est simple : Robin Aubert. Le réalisateur québécois est venu donc présenter un film de zombies tourné en québécois. Et forcément, la salle a rigolé. S’il est vrai qu’il est de plus en plus difficile de proposer quelque chose d’original dans un genre aussi vu et revu que le cinéma de zombies, et bien Robin Aubert a trouvé l’angle d’attaque parfait pour se distinguer. Même si aux premiers abords, Les Affamés reste un film assez convenu. Suivant à la manière d’un récit choral une poignée de survivants humains face à la création d’une société de zombies érigeant des totems fait de chaises, le film dispose d’un rythme décousu, oscillant parfois entre moments nerveux avec des éruptions de violences et des scènes plus contemplatives. Dans son déroulé, Les Affamés fait donc preuve de quelques faiblesses. Par contre là où Aubert fait plaisir, c’est bien évidemment dans ce ton et ses ruptures de tons complètement décomplexés propres à nos cousins du Grand Nord. Parce qu’au final, Les Affamés, c’est un peu The Walking Dead qui rencontre les Jokes de Papa. Entre les blagues intégrées comme telles dans le récit (comme ces hilarantes blagues de docteur), ou des runnings gags complètement loufoques (et notamment celui du militaire aimant faire des frousses, dont le destin funeste a fait applaudir la salle entière), le tout débité par cet accent si savoureux, tout cela fait clairement de Les Affamés un film à part. On sent la sympathie de son auteur qui surgit à chaque moment.

  • Le Secret des Marrowbone

Pour l’ouverture du festival, les organisateurs ont décidé de jouer la carte de la sûreté en programmant le premier film de Sergio G. Sanchez. Bien évidemment cet Espagnol n’est pas un inconnu puisque c’est l’homme derrière le scénario de l’Orphelinat le Grand Prix 2008. Si en plus on ajoute un casting composé de plusieurs valeurs montantes comme Anya Taylor-Joy ayant déjà ouvert les hositilités avec Split l’an dernier ou Charlie Heaton, l’ado de Stranger Things, on avait de quoi faire plaisir au public. Le truc c’est que Marrowbone ressemble un peu trop à l’Orphelinat. Les ingrédients fonctionnent cependant toujours très bien. La maison hantée, l’esthétique léchée (plus réussie que le film de Bayona d’ailleurs) et le côté mélo sont donc de nouveau au rendez-vous. On se laisse très vite emporter par l’atmosphère du film et cela grâce au casting particulièrement attachant incarnant la famille Marrowbone et notamment George MacKay. Tour à tour touchant dans le traitement de la fratrie et intriguant de par ses secrets, le film n’hésite pas non plus à faire frissonner à quelques moments (même si ce n’est pas forcément son point fort). Bien évidemment si on est familier du genre, les surprises et autres twists ont moins d’impact, mais Sergio G. Sanchez mène bien sa barque et délivre de façon très convaincante les réponses de son énigme. En espérant cependant qu’il se renouvelle un peu pour son prochain film.

https://www.youtube.com/watch?v=RNBtlom3fiw

  • Ghostland

Certainement le film le plus attendu du festival, d’autant qu’il s’agissait de sa première mondiale, Ghostland est le nouveau film de Pascal Laugier, ayant déjà marqué l’horreur française avec le saisissant Martyrs, il y a de ça 10 ans. Même si le film a semble-t’il fait l’unanimité du jury et du public, obtenant ainsi le Grand Prix et le Prix du public, Ghostland rentre directement dans la case de ces films qui vont diviser. Il est d’ailleurs assez difficile de se faire un avis net et concis de la chose. Ghostland à la manière de Mother! l’an dernier agit avant tout comme un rouleau compresseur. Le genre de film fait pour exténuer son spectateur, lui faire vivre un cauchemar de tous les instants. La démarche jusqu’auboutiste de Laugier est à ce niveau des plus enthousiasmantes. Y a plein de belles idées dans Ghostland comme ces chamboulements scénaristiques dynamitant une histoire en apparence simple, cette direction artistique glauque à souhait, on a de quoi s’exalter, même Mylène Farmer offre une prestation des plus convaincantes. Là où le hic arrive, c’est dans la façon dont Laugier met tout ça en scène. Le cinéaste français abuse clairement des jumps scares. En y réfléchissant en détail, on se demande si ce n’est pas malheureusement la seule façon disponible pour faire ressentir ce que Laugier veut faire ressentir à son spectateur. les jumps scares agissent donc pleinement dans ce sentiment d’agression constante. Ghostland agace, Ghostland fascine, Ghostland clive.

https://www.youtube.com/watch?v=TALwkQYvBp4

  • Mutafukaz

L’animation en compétition à Gérardmer est une chose rare, encore plus le fait qu’elle soit primée. Mutafukaz a cependant conquis le cœur du jury jeunes, et de bons nombres de festivaliers. Adapté de la bande-dessinée éponyme créée par Guillaume « Run » Renard, Mutafukaz est une œuvre complètement déchaînée comme on en voit trop rarement, pour ne pas dire jamais dans l’animation française (le seul équivalent pourrait être l’excellente série Lastman). Empilant les références, de GTA à Akira en passant par Men in Black ou Star Wars, le film  déborde d’une générosité de chaque instant, d’un amour pour la pop culture qui suinte de chaque plan. Avec son animation dynamique, Mutafukaz est un véritable feu follet qui ne laisse que peu de répit à son spectateur s’embarquant dans les aventures rocambolesques de Angelino et Vince. Ponctué de scènes d’actions à couper le souffle, avec son vocabulaire ordurier et son ultra-violence, Mutafukaz n’est clairement pas destiné aux enfants et devient une œuvre des plus jouissives et électrisantes, un genre de rollercoaster décoiffant. On pourrait faire les rabats-joies en regrettant quelques arcs un peu expédiés comme tout ce qui concerne la lucha libre, mais bon on aurait juste à écouter la partition concoctée par The Toxic Avenger et Guillaume Houze pour avoir envie de retourner tout casser à Dark Meat City.