Godard tue le cinéma au profit d’une création numérique. L’envie de révolution ne quittera donc jamais le réalisateur de la Nouvelle Vague qui est encore une fois en compétition officielle au Festival de Cannes 2018 avec Le Livre d’image. Passionnante partie sur le monde arabe parasitée par trop d’interférences.
Pour apprécier Le livre d’image il faut s’interroger sur son propos car si la forme ne passionne pas, le fond est bel et bien là. Comme depuis toujours, Godard combat le capitalisme en en faisant des satires. Ici, il met des gros haut-parleurs, crie à la Révolution et se joue du numérique, qu’il a longtemps critiqué en en faisant une critique claire. Il a dénaturalisé le cinéma, enlevé l’authenticité reine de cet art qu’il chérit tant toujours dans le but de bousculer les codes. Est ce une vengeance de proposer un film punk de la sorte en assommant ses spectateurs ? Sans doute. En tout cas, Godard a toujours des choses à dire, mais plus à montrer. Et c’est regrettable quand on a été un maître du cinéma. Il est loin le temps de Pierrot le fou où ses personnages faisaient régner l’anticonformisme de leur créateur. Godard dessert son propos par un film trop énigmatique. Pour n’importe quel réalisateur, on aurait volontiers dit que c’était raté or puisque c’est Godard, on s’interroge davantage sur le message. Mais le cinéma n’est pas que porteur de message, il doit être chargé d’images qui parlent autant que le reste. Les seuls plans qui marquent un peu l’esprit sont ceux sur le monde arabe, la partie la plus agréable d’ailleurs dans sa réalisation qui donne largement envie d’en apprendre davantage parce que tout est loin d’y être explicite.
« Il faut une vie pour faire l’histoire d’une heure. »
Il faut aussi une vie et de multiples visionnages pour comprendre ce dernier film du réalisateur de la Nouvelle Vague. Le livre d’image est épidermique. Il n’est pas plus un film sur le monde arabe que sur la Révolution. Godard se sert des guerres pour épaissir son appel à la révolte. Il dénonce l’aliénation à cette société à laquelle il se refuse d’appartenir à travers des images au contraste insupportable visuellement. Le but n’est pas de montrer mais de faire penser.
« Le plus souvent nous partions d’un rêve…
Nous nous demandions comment dans l’obscurité totale
Peuvent surgir en nous des couleurs d’une telle intensitéD’une voix douce et faible
Disant de grandes choses
D’importantes, étonnantes, de profondes et justes chosesImage et parole
On dirait un mauvais rêve écrit dans une nuit d’orage
Sous les yeux de l’Occident
Les paradis perdusLa guerre est là… »
Bande-annonce : Le Livre d’image
Synopsis : « Rien que le silence, rien qu’un chant révolutionnaire, une histoire en cinq chapitres, comme les cinq doigts de la main. » Une réflexion sur le monde arabe en 2017 à travers des images documentaires et de fiction. »Te souviens-tu encore comment nous entrainions autrefois notre pensée ? »
[Compétition au Festival de Cannes 2018]
Le livre d’image, un film de Jean-Luc Godard
Avec acteurs inconnus
Distributeur : Wild Bunch Distribution
Une production suisse de CASA AZUL FILMS, Fabrice Aragno, Lausanne
en coproduction avec ECRAN NOIR productions, Mitra Farahani, Paris.
Genre Expérimental
Durée : 1h 34min
Date de sortie Prochainement
Nationalité français