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La Strada de Federico Fellini : lorsque le néoréalisme rencontre l’onirisme

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Premier grand succès de Federico Fellini, « La Strada » remporte l’Oscar du meilleur film étranger en 1957. Film important dans sa carrière, « La Strada » s’est tout de suite imposé parmi les classiques du cinéma italien.

La Strada s’inscrit dans le mouvement néoréaliste italien, qui a eu lieu dans les années 1940 et 1950. En quelques points, les films néoréalistes italiens sont des productions à petit budget qui mettent en avant des personnages issus d’un milieu populaire, entourés de décors réalistes détruits par les affres de la guerre.

Entre réalisme et chimère

Avec La Strada, le néoréalisme prend un nouveau tournant ; Fellini l’associe à une dimension onirique. En effet, les protagonistes essaient de fuir une réalité trop dure et ils sont en perpétuel mouvement. Gelsomina est pleine d’espoir, elle veut se complaire dans une vie d’errance poétique inconsciente. Elle veut voir le beau côté de la vie et se plaît à rencontrer des gens, à apprendre et à évoluer. Telle est son souhait en partant avec Zampano, qui ne l’entend pas de cette oreille. Lui est bien plus terre à terre, il cherche seulement à gagner sa vie pour vivre, simplement vivre. Les épreuves de la vie l’ont endurci, et les deux protagonistes ne voient pas l’existence de la même manière.

Le rejet face à l’affection

Il est difficile de comprendre comment Gelsomina arrive à apprécier Zampano. C’est un homme dur et brutal avec elle, sans aucune once d’affection. Elle tente maintes fois de s’enfuir mais il revient toujours vers elle. Veut-il la garder auprès de lui car elle lui est utile, ou parce qu’il l’apprécie, même un peu ? Et puis « le Fou » arrive et la transforme. Est-elle aimée par son utilité ? Est-elle seulement utile ? Pour le Fou, chacun a une utilité et un but, et c’est ce qui fait l’origine de l’attachement. Si l’on est sur Terre, que l’on soit un être humain ou même un caillou, c’est que nous avons une utilité ; l’existence même permet de savoir quelle est cette utilité. Gelsomnia croit aimer alors qu’elle ne sait pas ce qu’est l’amour.

Gelsomnia, ou la femme enfant

Le jeu d’acteur de Giulietta Masina est mémorable. Son visage s’exprime pleinement et chaque mimique est exagérée pour créer un effet clownesque permanent. Même sans son maquillage, elle performe. Gelsomina est naïve, innocente du monde et paraît vulnérable à chaque instant. Elle n’arrive pas à s’imposer face à la force de caractère de Zampano. Elle suit, tente de se rebeller, mais sans grand succès.

Parfois, elle arbore de grands yeux qui perforent l’âme de l’individu regardé ; parfois, ses yeux trahissent son incompréhension ; ou encore, son grand sourire lui donne l’aspect d’une poupée figée dans le temps. Gelsomina est une voix, une démarche. Elle est unique et seule, perdue dans l’immensité d’un paysage lui-même plat et miséreux. Elle est par ailleurs aussi ignorante que le spectateur ; elle devient son image, qui apprend la vie nomade au jour le jour, sans connaître aucunement le mode de vie de Zampano.

L’espace publique comme espace de loisirs

Dans la Strada (et dans la lignée du néoréalisme italien), le paysage est un personnage à part entière. Le film commence sur des plans larges et fixes sur la mer en mouvement, tandis que des corps traversent la plage. L’immobilité face à l’action. En ce sens, durant tout le film, les protagonistes arpentent les espaces immobiles à l’aide de leur caravane de fortune. Ils ressentent chaque bosse, chaque creux de la route ; leurs actions ne font qu’un avec l’impassibilité des espaces.

Malgré tout, les espaces publics sont leurs espaces de vie ainsi que leur gagne-pain. Gelsomina et Zampano sont à la vue de tous, performent aux yeux de tous et cherchent à vivre grâce à la générosité de tout le monde. Lorsque Gelsomina voit le Fou suspendu sur un fil entre deux immeubles, elle est émerveillée, et ce numéro attire des centaines de spectateurs venant de tous horizons. La rue devient lieu de rencontre, de loisir et de divertissement. Elle n’est plus seulement lieu de passage : elle prend une nouvelle utilité. La ville devient somme toute un théâtre ambulant.

Bande-annonce : La Strada

Fiche technique et synopsis du film La Strada

  • Réalisation : Federico Fellini
  • Scénario : Federico Fellini, Tullio Pinelli et Ennio Flaiano
  • Dialogues : Tullio Pinelli (adaptation française : Raymond Queneau)
  • Décors : Mario Ravasco, Brunello Rondi
  • Costumes : Margherita Marinari
  • Maquillages : Eligio Trani
  • Photographie : Otello Martelli et Carlo Carlini
  • Cadrage : Roberto Gerardi
  • Son : Aldo Calpini
  • Montage : Leo Cattozzo
  • Musique : Nino Rota
  • Production : Carlo Ponti, Dino De Laurentiis
  • Société de production : Ponti-De Laurentiis Cinematografica (Italie)
  • Société de distribution : Les Films du Centaure (France), Théâtre du Temple (France)
  • Pays d’origine : Italie
  • Langue originale : italien
  • Genre : drame
  • Durée : 115 minutes

Synopsis : Gelsomina a été vendue par sa mère a Zampano, qui la brutalise et ne cesse de la tromper. Ils partent ensemble sur les routes, vivant misérablement du numéro de saltimbanque de Zampano. Surgit Il Matto (le Fou), violoniste et poète, qui seul sait parler à Gelsomina.