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Une histoire du cinéma italien : la découverte du giallo

Si l’on ne peut citer qu’un seul genre cinématographique qui a permis le renouveau du cinéma italien à travers les âges, il serait évident qu’il faudrait citer le giallo. Depuis la fin des années 1960, ce genre fait la joie des amoureux du cinéma et est devenu ce que l’on considère tous comme les prémices du thriller horrifique esthétique.

Les origines du genre :

Avant d’expliquer ce qu’est le giallo, il faut d’abord définir le terme. Le mot « giallo » désigne tout simplement la couleur jaune en Italien. Un simple mot pour désigner un genre cinématographique. Avant d’être une appellation cinématographique, le giallo était le nom d’une collection littéraire où se mêlaient des histoires de meurtres à travers des polars populaires. Ses petits romans, édités par des éditeurs en vogue comme Mandadori étaient publiés avec notamment la célèbre couverture tout en jaune et aux écritures noires. Des auteurs connus à l’époque dans les pays étrangers étaient édités pour le giallo. C’est le cas de George Simenon, avec l’ouvrage La Chambre Bleue par exemple ou Arthur Conan Doyle et ses romans dédiés au personnage de Sherlock Holmes. La plupart des giallos n’étaient donc que des traductions de romans anglo-saxons. Les romans avaient la grande particularité que l’assassin n’était dévoilé que dans les dernières pages, ce qui n’est pas sans rappeler le principe qui rendu célèbre la série Les cinq dernières minutes.

Si le giallo est apparu au cinéma au début des années 60 dans sa forme définitive avec les films des réalisateurs Mario Bava ou Dario Argento, c’est dès les années 30 qu’il est véritablement né par le biais de thrillers mais aussi de films dramatiques et parfois de comédies que l’on appelait giallo rossa et dont la peur et le suspense étaient des thèmes récurrents. Le giallo permis alors de devenir l’un des genres cinématographiques les plus prolifiques d’Italie et qui vivra son âge d’or par la suite.

Le Giallo est donc par conséquent un mélange entre l’érotisme, le thriller et le polar, pourtant le genre n’est réellement apparu que dans le registre de la comédie dramatique avant d’être ce que tous les spectateurs connaissent. C’est donc en 1933 que le premier film du giallo voit le jour et s’intitule Giallo de Mario Camerini. Le film narre l’histoire d’un homme ayant le même nom qu’un assassin, ce qui rend sa femme soupçonneuse.

Le giallo à son âge d’or :

En 1962, Bernardo Bertolucci, réalisateur des controversés Noveciento (1900) et du Dernier Tango à Paris, sort son film La commare seccare scénarisé par Pier Paolo Pasolini. Le scénario puise son inspiration de l’assassinat d’une prostituée. Le scénario entraîne le spectateur dans des fausses pistes, des décadences humaines et au cœur des voyous et autres prostituées. Le film baigne dans une ambiance sordide rappelant ce que le cinéma de Pasolini peut montrer tout en ne révélant l’identité du mal qu’à la fin. Les codes du giallo sont alors exposés au spectateur.

Le précurseur du genre est souvent l’objet de confusion. Si le film de Bertolucci donne ses véritables couleurs au giallo, certains pensent que c’est le réalisateur Mario Bava qui à permis au genre de se hisser au sommet pour la première fois avec La femme qui en savait trop, réalisé un an après et qui s’inspire du cinéma d’Alfred Hitchcock. Le film narre l’histoire d’une femme témoin d’un meurtre pourchassée par le meurtrier. Beaucoup de films du genre partent de ce synopsis comme un prétexte pour démarrer l’intrigue. Pour être plus précis, La commare seccare et La femme qui en savait trop n’ont permis que de germer les thèmes du giallo à maturation et ce serait par conséquent le second film de Bava, Six femmes pour l’assassin qui aurait marqué l’identité visuelle du genre. De plus, l’arrivée de la couleur au cinéma permet à Mario Bava de créer l’écrin chromatique du giallo. Le rouge, représentation des pulsions sexuelles, se contraste au noir, représentation de la mort, créant ainsi une ambiance où la réalité se mêle dans les jeux d’ombres.

Quels sont donc les thèmes du giallo ? On y trouve tout d’abord le thème du meurtre. L’un des principes du giallo est de raconter une histoire avec des meurtres plus ou moins sadiques. Avec ses plans subjectifs et ses gros plans sur les yeux pleins d’effroi des victimes meurtries, les meurtres se refusent au hors champ et posent donc de véritables questions sur le voyeurisme et la représentation de la violence au cinéma. Pourtant, il ne s’agit pas de tomber sur de la violence gratuite ou l’excès de sang à l’écran. Les victimes de ces films étant particulièrement des femmes.

Les femmes représentent ainsi le terme de l’érotisme. Elles sont la plupart du temps des représentations de la femme fatale ou les victimes d’un serial-killer sadique, souvent témoins d’un crime qu’elles n’auraient dû voir. Elles représentent la beauté s’associant dans des décors plus ou moins lugubres. Caroll Baker et Ida Gali ont été des actrices fréquentes du giallo. Des actrices disparues dans l’anonymat pour la plupart et qui ont fréquenté des détectives et autres policiers dans leurs rôles. Le giallo était un genre prioritairement destiné à un public masculin Ces enquêteurs du dimanche soir résolvaient les meurtres généralement faits avec une arme blanche. Les couteaux, par exemple, étant l’une des traditions du giallo.

Si les films du giallo deviennent de plus en plus nombreux chaque année, il faudra attendre l’arrivée à la réalisation de Dario Argento pour que le giallo puisse enfin atteindre son apogée. L’oiseau au plumage de cristal sortis en 1970 est le film qui permet de renouveler les codes du giallo et lui permet même de franchir les frontières de l’exploitation à travers le monde. D’autres réalisateurs finissent par se prêter au jeu comme Lucio Fulci, qui deviendra l’un des cinéastes favori du genre, avec l’Emmurée vivante par exemple en 1977.

Par la suite, le genre du giallo devient également un sous genre du cinéma d’horreur avec la sortie du film Les frissons de l’angoisse de Dario Argento en 1975 où le réalisateur baigne son film dans une terreur absolue et dans le fantastique. Sa mise en scène et ses cadrages renforcent le malaise, la sensation de sauvagerie et le lugubre à l’écran. Il joue donc avec les codes du giallo et se permet même de se les réapproprier. Suspiria restera son plus grand succès et deviendra un film culte et entre définitivement le giallo dans les thèmes du film d’horreur. Malheureusement, dans cette catégorie de film, les slashers américains l’emporteront plus facilement sur le box-office mondial malgré les échecs critiques du genre alors que la source d’inspiration des slashers n’est autre que le giallo. Vendredi 13 est un hommage sidérant au genre italien par exemple, et plus particulièrement à La Baie sanglante de Mario Bava. Pourtant, des cinéastes comme Lucio Fulci décide d’approcher le slasher avec ce qui sera sans doute l’un de ses films les plus ambigus : L’éventreur de New-York en 1982 et qui représente sous fond d’assassinats sadiques, une critique d’un pays en proie au sexe gratuit, illustrant le puritanisme de l’Amérique.

Mais le giallo n’a pas seulement été l’âge d’or des réalisateurs italiens mais aussi celui des compositeurs comme Riz Ortolani et Ennio Morricone qui furent très demandés pour les compositions des films. De plus, Dario Argento donna une place beaucoup plus importante à la musique. Par exemple, elle permet l’union entre l’innocence et la violence et sert directement à la narration.

La fin d’une époque :

Aujourd’hui, si le giallo a perdu son heure de gloire à la fin des années 80, certains auteurs tentent de s’en inspirer et même d’y rendre un hommage. C’est le cas de David Lynch et son Blue Velvet, film à l’esthétique néo-noir ou de Dario Argento tentant de rendre un hommage à son genre de prédilection avec Giallo, mettant en scène les connus Adrian Brody et Emmanuelle Seigner, et qui sera un véritable échec critique et commerciale lors de sa sortie en 2010. Le giallo n’attire plus les spectateurs.

Pourtant le giallo se voit ressusciter et notamment dans des petites œuvres du cinéma français comme Amer d’Hélène Cattet et Bruno Forzani en 2010 même si ces nouveaux longs-métrages abandonnent les ficelles de ce qu’est devenu le slasher au profit d’une ambiance plus opéra baroque permettant de nouer directement avec le cinéma d’horreur. Des mêmes réalisateurs français, on peut citer L’Etrange couleur des larmes de ton corps, sortis en 2013 qui ne connaît ni le succès public ni le succès critique.

Il n’est pas impossible de penser, en 2016, que Nicolas Winding Refn s’est inspiré des couleurs et de l’esthétique du giallo, et plus particulièrement Suspiria, pour son dernier film The Neon Demon, film cauchemardesque sur la mode, la beauté et les apparences : les couleurs rouges et noires, outrancièrement baroques se mêlent tout le long de l’intrigue. Lumière, cadrage, montage : tout est fait pour renforcer l’ambiance cauchemardesque de l’œuvre.

Finalement le giallo est un genre qui à inspiré de nombreux autres genres par la suite lui laissant son héritage même si la plupart des tentatives pour le faire revenir au goût du jour se sont associées à de terribles échecs. Pourtant le giallo ne montrait réellement que la métaphore de nos démons par la violence, nos pulsions par le sang et le Septième Art devenant donc un reflet de nous même. Peut-être que la couleur jaune sera bientôt de retour.

En partenariat tout fraîchement crée, vous pouvez lire cette vidéo résumant les origines du giallo et son influence dans le cinéma d’horreur, tout en mentionnant les dix classiques à découvrir, ce qui est bien entendu subjectif.

Auteur : Emeric Gallego