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Interview de Guillaume Gevart : “On apprend le cinéma en faisant du cinéma.”

Les métiers qui sont à la racine créative de nos œuvres préférées, sont pourtant méconnus du grand public. J’ai eu l’occasion d’interroger le producteur, réalisateur Nantais, Guillaume Gevart. Il est à l’origine de bons nombres de projets, notamment du long métrage Yearning Rose paru en 2019. Le cinéaste fut récompensé cette année par Le Student World Impact Film Festival, pour son documentaire Les Vénus Enchaînées.

Guillaume Gevart a d’abord suivi des études de cinéma à Nantes, puis a effectué des stages chez Disney Channel à Paris. Pendant son parcours, il a également pratiqué le métier de monteur (pour Youtube) et de cadreur. Une vaste expérience du cinéma combinée à un discours passionné; Guillaume Gevart nous éclaire sur la face méconnue du métier de producteur, ou encore sur sa manière de réaliser ses œuvres. Gevart pousse les jeunes à aller au bout de leurs idées, dévoile sa vision et sa façon de s’épanouir dans son art.

1- Tu as effectué des études de cinéma à Nantes. Penses-tu que dans ce type de milieux qu’est le cinéma, il soit important d’apprendre dans une école? Que retiens-tu de ton parcours en école de cinéma ?

Alors pour tout te dire, j’ai toujours été mauvais dans les études. Je ne pense pas que faire des études soit le meilleur moyen d’apprendre à faire du cinéma. Je crois qu’il est possible d’acquérir des compétences dans énormément de domaines (les langues, la mécanique par exemple), sans mettre les pieds à l’école, bien sûr je ne parle pas des métiers où il est primordial de faire des études (médecine, droit etc…) mais avec internet, il est aujourd’hui possible de se former sur une multitude de sujets. Dans une école de cinéma, on va vous apprendre les bases mais selon moi, c’est un domaine où la pratique est nécessaire. Bien souvent j’ai rencontré des réalisateurs autodidactes qui étaient très bons, notamment parce qu’ils ont une motivation et une soif d’apprendre sans faille que l’on retrouverait moins à l’école où on vous pose un cadre. Comment apprécier les mathématiques ou la littérature si votre professeur vous en dégoûte ? L’école m’a permis de rencontrer des gens qui étaient sur la même longueur d’onde que moi, des gens avec qui j’ai pu bien m’entendre et collaborer, qui avaient les mêmes envies et ambitions que moi. C’est un métier où le réseau est très important, il faut s’entourer de gens de confiance.

2- On entend souvent dire que La capitale (Paris) est l’unique place pour faire carrière, est-ce toujours le cas aujourd’hui ou bien les choses ont évolué ?

En tant que Nantais, quel est votre ressenti dessus? C’est en partie vrai. La capitale est le lieu où tout est concentré, on y a beaucoup plus de facilité à rencontrer des gens talentueux, et bien plus de moyens. Aujourd’hui, les choses ont évolué, avec internet encore une fois, il est plus facile d’entrer en contact avec des gens qui habitent dans tous les coins de la France. Ce qui est certain, c’est qu’ il sera toujours possible de faire du cinéma en dehors de la capitale. Maintenant, pour répondre clairement, c’est assez vrai que Paris reste une place importante pour faire carrière dans le cinéma, même si elle n’est plus la seule et unique en France. Je pense à mon ami Antoine Godet qui est originaire de Vendée, cela ne l’a pas empêché de collaborer avec des parisiens.

3. Tu as exercé plusieurs métiers dans le cinéma (cadreur, réalisateur, producteur, monteur pour youtube…) Est-ce que selon vous avoir des connaissances sur tous les corps de métiers est un moyen de mieux maîtriser vos œuvres? Une manière d’être conscient de chaque élément qui forme les œuvres que vous réalisez ?

Je dirais même que c’est capital ! C’est ce que disait Robert Rodriguez : ”Pour réaliser un film, il faut l’avoir dans la tête.” C’est-à-dire qu’il faut savoir le monter, le cadrer etc… Si tu passes ton temps à être focalisé sur le fait de faire des jolis plans, sans penser à l’ensemble; tu auras certes des images magnifiques, mais le propos ne suivra pas. Je te prends l’exemple de mon ami réalisateur Dylan Besseau pour qui j’ai produit son film « Anne Bouillon : Justice pour toutes ». Dylan s’était tellement focalisé sur la forme de son documentaire qu’il en avait oublié le fond. Lorsque Anne l’a appelé, elle lui en a fait la remarque, cette remise en question était importante pour lui afin qu’il puisse prendre un recul sur son travail. On peut dire que Anne avait en quelque sorte joué le rôle de la productrice. C’est un peu ça le métier de producteur, proposer différentes approches et aider le réalisateur à ne pas se dissiper. On dit souvent qu’un film s’écrit trois fois. Une fois dans le scénario, une seconde pendant le tournage, et une troisième fois au montage. Avoir des notions (même basiques) dans tous les domaines, permet de mieux appréhender la conception de son film. Savoir ce que l’on fait pour savoir où on veut aller.

4- Comment définiriez- vous la tâche d’un producteur au sein d’un projet cinématographique ?

Il y a l’image très répandue de l’homme avec un gros cigare qui arnaque les artistes dont le seul but est de s’enrichir. La réalité est bien différente. Le métier ne se résume pas à mettre de l’argent dans un film puis terminé. Le producteur va réunir des fonds (investisseur chargé de trouver l’équipe technique pour le réalisateur, de réaliser les démarches administratives, (pour obtenir une autorisation afin de tourner dans un lieu précis par exemple). C’est une sorte de manager. Il trouve des solutions aux problèmes et délègue les différentes tâches à effectuer. Une fois le film terminé, il supervise la distribution du film, c’est lui qui détient les droits d’exploitation.

5- En tant que producteur, vous devez recevoir des scénarios, comment choisissez-vous les projets que vous allez produire ?

Il arrive souvent que l’on reçoive des scénarios et des demandes de réalisateurs pour que l’on produise leur film. Il se trouve qu’on ne fonctionne pas comme ça actuellement. Il faut beaucoup d’argent pour prendre des risques et permettre de le perdre c’est pourquoi, nous nous focalisons sur des projets plus guérilla. Beaucoup de gens ne se rendent pas compte de la difficulté d’un tournage. Le meilleur moyen pour un jeune réalisateur de démarrer est de faire ses projets seuls, aujourd’hui avec son smartphone on peut filmer en 4K. Dans cette démarche il se formera plus vite, comme je disais plus haut, on apprend en pratiquant, moi-même j’ai encore beaucoup de choses à perfectionner. Mais il faut savoir que le producteur part du principe que si un réalisateur débutant peut faire beaucoup avec peu, c’est qu’il a un véritable potentiel qu’il pourrait révéler avec plus de moyens. Pour l’instant nous produisons nos propres projets, car on a pas la prétention de le faire pour les autres, tant qu’on a pas atteint le niveau que l’on s’est fixé. Je ne me sentirai pas légitime d’apprendre le métier à quelqu’un qui a 30 ans d’expériences quand moi-même j’en ai 5. C’est un peu comme les arnaques aux formations de montage vidéo professionnel quand celui qui les vend ne sait pas ce que c’est un proxy ou un codec.

6- Qu’est-ce qui vous plaît dans le métier de producteur ?

J’aime beaucoup ce métier. J’aime aider les gens à se développer et réaliser des projets qui leur tiennent à cœur. Je prends souvent l’exemple de Roger Corman (réalisateur et producteur américain), qui a lancé la carrière de Coppola Scorsese, Cameron, Nicholson… Je trouve ça fou, de se dire que sans lui, tous ces immenses talents n’auraient peut-être jamais été révélés au grand public. De mon humble parcours, j’aimerai suivre cet exemple. J’aime aussi le contact avec les gens, trouver des partenaires financiers, convaincre ces gens-là à nous suivre dans notre aventure, je pense à mon ami Romain Denous et Armand Duteille, deux mécènes qui nous ont énormément aidé.

7- Tu es un adepte du courant, de cinéma, le “Fast-movie”. (Courant cinématographique consistant à réaliser un long-métrage en peu de temps, quelques jours de tournage en général .Le but étant de se focaliser sur l’efficacité.) Vous avez également travaillé en tant que monteur pour youtube. Les deux demandent une production rapide et efficace, y vois tu un lien entre ces deux méthodes de travail ?

Pour répondre rapidement, pas du tout. A travers le fast-movie, j’y vois un moyen d’aller au bout de ses idées et de conserver l’envie première. Le risque avec les longs tournages qui durent parfois plusieurs mois, c’est de se perdre dans ce qu’on veut raconter. On entend souvent des réalisateur dire qu’il ne savent plus où ils en sont et qu’ils ne savent plus par où aller. Mettre trop de temps à terminer un projet c’est le meilleur moyen de ne jamais le sortir. Ce que je trouve important c’est de parvenir à concevoir une œuvre de qualité tout en conservant la spontanéité et la fraîcheur d’une histoire. L’avantage du fast-movie est aussi financier. Au début, on ne pouvait pas se permettre de prendre plus de 7 jours pour tourner un long métrage, alors tu te retrouves face à un dilemme, soit tu fais 10 minutes super propre, soit 60 minutes et tu mets de côté la qualité. C’est une expérience à faire, mais bien sûr, je ne construirai pas toutes mes œuvres de cette manière là, il y a un moment où il faut progresser, envisager d’autres approches. La différence avec youtube, est que certains créateurs de contenus sont en recherche de productivité et non d’efficacité. Il y a une différence entre tourner dans l’urgence et tourner à “l’arrache”. En temps que monteur sur youtube, tu adoptes des réflexes car les codes sont souvent les mêmes. On a l’habitude de couper au moindre silence, à la moindre hésitation… Au contraire lorsque l’on monte un projet même en “fast-movies”, c’est important de prendre le temps d’installer une ambiance, ou un décor. Le langage de youtube et du cinéma ne sont pas les mêmes. Le cinéma ce n’est pas une histoire de temps ce qui compte c’est ce que tu en fais.

Pour conclure : Guillaume Gevart est un homme méticuleux et enjoué, qui vit le cinéma avec passion. Il met un point d’honneur à maîtriser chaque partie de ses œuvres. Il a tenu à remercier ses collaborateurs de Artwooks Media. Pour finir, nous remercions Guillaume Gevart d’avoir pris le temps de nous répondre. Cet échange a été très enrichissant. Il nous a permis de comprendre certaines facettes d’un monde aussi complexe qu’ intrigant qu’est le cinéma.

 

Interview réalisé par Alexis PANTALEON